Une autre très grande dame du Québec n'est plus. Madeleine Parent a consacré une bonne partie de sa vie à l'organisation des travailleurs et des travailleurs, ainsi qu'à la défense de leurs intérêts. Elle savait en même temps à quel point la bataille des uns était intimement liée à d'autres combats et je voudrais, au nom de toute la direction du Parti communiste du Québec (PCQ), ajouter notre voix à tous les autres -- et ils sont nombreux -- pour saluer l'énorme contribution sociale de Madeleine Parent.
Si le Québec d'aujourd'hui est ce qu'il est, si le mouvement syndical québécois est aussi fort, si nous pouvons actuellement nous appuyer sur un certain nombre d'acquis sociaux et de droits importants, pour mener toutes nos luttes, y compris celles qui ont cours actuellement, y compris celles des étudiants, c'est en bonne partie parce que des gens comme Madeleine Parent ont su mettre les intérêts de la majorité au premier plan, toute leur vie, et n'ont pas hésité à se mettre au service de cette même majorité pour faire avancer la cause de la justice et du progrès social.
Madeleine Parent ne pouvait pas se limiter à un seul terrain de lutte. C'est une des constantes qui ressort, quand on prend la peine de fouiller sa biographie. En plus d'être directement liée à de nombreuses grandes batailles syndicales, des années 40 et 50, en plus de continuer ce travail jusque vers la fin des années 70, elle fut aussi de plusieurs autres combats, telle la lutte pour l'égalité des femmes et les programmes d'équité en emploi, la lutte pour la reconnaissance du droit de vote pour les femmes, la lutte pour la paix et contre les guerres, la lutte contre la discrimination envers les personnes immigrantes, la lutte pour la reconnaissance des peuples autotchtones, etc.
Pour elle, la lutte pour la reconnaissance des droits nationaux de tous les peuples était particulièrement importante. Cela impliquait, en premier lieu, le droit du peuple québécois de devenir pleinement souverain, et cela allait aussi jusqu'à défendre le droit des Premières Nations à gérer leurs propres affaires.
Ce qui était bon pour l'un devait nécessairement l'être aussi pour tous les autres. Pour elle, la lutte des travailleurs et des travailleuses pour se faire respecter, là ou ils peinent à tous les jours, dans leurs lieux de travail, et la lutte pour l'indépendance du Québec ne devaient faire qu'un. Si on désire vraiment mettre fin à l'injustice, si on veut pouvoir un jour vivre dans un monde où l'humain sera au premier plan, et non le profit, disait-elle, alors il faut d'abord commencer par s'assurer d'avoir tous les pouvoirs sur notre territoire.
Il y a déjà plusieurs années, vers la fin des années 70. madame Madeleine Parent était interviewé sur les ondes de la télévision de Radio-Canada afin qu'elle explique les raisons de son militantisme et de son parti pris pour les travailleurs et les travailleuses, comment elle avait pu trouver la force de faire tout ce qu'elle a fait, si cela l'avait dérangé d'avoir été souvent accusé d'être une commnuniste, durant les années 40 et 50; elle revenait également également sur les raisons qui l'avait poussé à appuyer la cause de l'indépendance du Québec.
Le très grand nombre de messages et de communiqués, en provenance de toutes sortes d'organisations, centrales syndicales, et partis politiques, à l'occasion de la mort de cette grande dame, illustre à quel point une personne comme elle a pu avoir de l'influence et pouvait être respectée. Cela est en même temps assez inhabituel et démontre une fois de plus l'importance que Madeleine Parent a pu avoir.
Chacune des trois grandes centrales syndicales, au Québec, ont émis un communiqué. Il en va de même de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), de même que de Québec solidaire, du PQ, ainsi que du Bloc Québécois. Tout le mouvement syndical, de même que que le mouvement féministe, de même que l'ensemble de la grande famille souverainiste, toutes tendances confondues, faisaient ainsi front commun.
Parlant de l'association que Madeleine Parent aurait réellement pu avoir, ou non, avec le Parti communiste, ici au Québec, bien des choses ont pu être dit ou écrit. Maurice Duplessis, et les membres de son gouvernement, dans les années 50, disaient qu'elle en était membre et c'est d'ailleurs sur cette base qu'elle fut à de nombreuses reprises arrêtée et même jetée en prison.
Il faut dire -- surtout pour ceux et celles qui ne le sauraient peut-être pas -- qu'il fut longtemps interdit, au Québec, d'avoir chez soi de la propagande communiste et/ou d'en faire la distribution. On appelait cela de la sédition et vous pouviez aller en prison pour cela. Vous pouviez aussi perdre votre emploi, et même être expulsé de votre syndicat (si vous en aviez un); on était alors en pleine guerre froide.
C'est aussi ce qui faisait dire à un historien comme Robert Comeau que les communistes québécois n'eurent longtemps que le "droit de se taire". C'est d'ailleurs le titre d'un de ses livres portant justement sur l'histoire de ces communistes; ce livre est malheureusement épuisé et très difficilement trouvable, ce qui est bien dommage. Le Parti communiste fut également à plusieurs reprises carrément interdit.
Nous mêmes, au PCQ, nous n'avons plus aucun moyen nous permettant de confirmer si oui ou non, Madeleine Parent, fut effectivement membre, pendant un certain temps, du Parti communiste. Nous n'avons plus aucun registre datant de cette époque nous permettant de vérifier cette information. La plupart des gens qui auraient pu d'autre part confirmé la chose, dans un sens ou dans l'autre, ne sont plus là pour nous le dire. La principale intéressée, madame Parent, est toujours restée, de son côté, assez floue sur le sujet. Était-ce voulue ? Chose certaine, et jusqu'à la fin des années 50, cela n'était pas nécessairement la meilleure chose à faire que de dire ou de laisser entendre qu'on pouvait être membre du Parti communiste au Québec, à cause de ce qui est mentionné plus haut.
De toute manière, et en bout de ligne, cela n'a finalement que peu d'importance. Madeleine Parent était une personne qui savait mettre les intérêts des travailleurs et des travailleuses à l'avant plan; elle prenait toujours le parti du monde ordinaire et de la justice et c'est le plus important; elle travaillait avec tous ceux et celles qui voulaient faire avancer les choses sur le plan social et les communistes étaient très certainement aux premier plan des luttes à ce niveau, surtout à cette époque -- cela est un fait -- et le reste n'est finalement qu'accessoire.
Quand on prend la peine d'écouter ses discours passés ainsi que ce qu'elle a pu écrire, deux choses ressortent : d'abord, cela touche à l'importance qu'il y a à toujours rechercher le maximum d'unité pour faire avancer les choses; l'autre est son corrolaire: cela concerne l'importance qu'il y a aussi à combattre sans relache tout ce qui pourrait ultimement nous diviser. Voilà bien quelque chose avec lequel, nous au PCQ, on peut très facilement s'identifier aujourd'hui encore.
Ce qui est également le plus important, quand on regarde l'héritage laissé par Madeleine parent, réside dans le courage dont elle a su alors faire preuve, durant toutes ces années, surmontant tous les préjugés (qui étaient encore fort nombreux à son époque et qui le demeurent encore aujourd'hui jusqu'à un certain point), n'hésitant pas au besoin à aller à contre-courant quand cela était nécessaire, pour faire avancer la cause du progrès social.
Ce qui est finalement tout aussi important, c'est qu'elle resta toujours la même, toutes ces années, sans jamais renier ses engagements passés, une chose autour de laquelle bien des politiciens d'aujourd'hui pourraient méditer. Cela ne leur ferait pas de tort... Je fais notamment référence, ici à tous les vire-capots de la politique.
Dans l'entrevue mentionnée plus haut, et faite par Radio-Canada, on peut notamment entendre Madeleine Parent dire qu'elle aurait été plutôt préoccupé, à l'époque, dans les années 40 et 50, de savoir qu'on ne la prenait pas pour une communiste. Cela aurait alors voulu dire qu'elle ne faisait pas "un bon travail", parce que, dit-elle dans l'entrevue, tous ceux qui prenaient alors partie pour le travailleur et faisaient un bon travail, étaient en général accusés d'être des communistes. C'était monnaie courante. Et elle dit cela avec un sourire qui en dit en même temps long.
En définitive, on ne peut qu'espérer qu'il y aura encore de nombreuses autres Madeleine Parent dans le futur pour garder le flambeau et continuer à nous faire tous progresser, collectivement et socialement parlant, au Québec.
(*) André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ); le PCQ est un des multiples collectifs reconnus au sein de Québec solidaire
Madeleine Parent: une femme de tous les combats
Nos disparus - 2012
André Parizeau39 articles
Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)
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