Libre opinion - Les ailes de Montréal n’ont pas été coupées par Montréal!

«Nous sommes aussi d’accord pour souhaiter qu’Air Canada pallie ce problème»

559d96c80a73a77abebccf458db11b90

Il est parfois utile de se rappeler que le contraire de l’« indépendance », c’est la « dépendance »

Ayant travaillé sur le dossier de l’aéroport de Mirabel à une époque où on appelait encore celui-ci l’aéroport de Sainte-Scholastique, soit en 1969-1970, je me permets de réagir aux textes de Michel Archambault (Le Devoir, 21 janvier) et de Richard Shearmur (Le Devoir, 22 janvier).
Tout d’abord, nous sommes tous d’accord pour souligner le fait que le manque de liens directs entre Montréal et certaines métropoles mondiales constitue un problème pour Montréal. Nous sommes aussi d’accord pour souhaiter qu’Air Canada pallie ce problème dans la mesure du possible.
Je suis aussi d’accord avec Richard Shearmur pour dire que les cafouillages ayant si longtemps été associés au dossier de Mirabel sont en bonne partie responsables de la situation actuelle, chose que Michel Archambault aurait dû évoquer, au moins brièvement. Par contre, Richard Shearmur se fourvoie totalement en parlant du rôle de plaque tournante de l’aéroport Pearson comme d’un « rôle que Montréal lui a offert sur un plateau ».
Ce rôle, ce n’est nullement Montréal, mais bel et bien le gouvernement fédéral canadien qui l’a offert sur un plateau à l’aéroport de Toronto, comme il lui avait offert aussi sur un plateau, dans les années 1950, la Voie maritime du Saint-Laurent. Et, dans les deux cas, ce fut au détriment de Montréal.
Au Canada, c’est le fédéral qui a la totale juridiction sur le transport aérien, sur la navigation et sur les chemins de fer. C’est le fédéral qui a décidé de construire Mirabel en prétendant vouloir faire de Montréal un « hub » aussi important que celui de Dallas-Fort Worth (c’était l’objectif officiel à l’époque). C’est le fédéral qui, après avoir annoncé cette intention et avoir exproprié le plus grand territoire jamais exproprié, où que ce soit au monde, pour la construction d’un aéroport (soit dix fois la superficie finalement occupée par l’aéroport de Mirabel), a finalement saboté systématiquement ce projet : en levant l’exclusivité de Montréal comme plaque tournante des vols transatlantiques au Canada ; en décidant de garder l’aéroport de Dorval en activité et d’y laisser les vols domestiques, ce qui tuait dans l’oeuf la vocation de Mirabel comme « hub » ; en ne reliant pas Mirabel au centre de Montréal par rails (ce qui est de juridiction fédérale) ; en laissant pourrir la situation ainsi créée pendant 29 ans (de 1975 à 2004, alors que l’aéroport de Mirabel ne se retrouvait plus qu’au 42e rang d’activité des aéroports canadiens ; celui de Dallas-Fort Worth occupe actuellement le huitième rang mondial !).
Richard Shearmur répliquera qu’au moment où ces décisions ont été prises, Pierre Elliot Trudeau était premier ministre du Canada et Jean Marchand, ministre des Transports du Canada, et que le premier était Montréalais et le second, de Québec. C’est vrai, mais Pierre Elliot Trudeau et Jean Marchand ne sont pas et n’ont jamais été Montréal.
Dans cette affaire, il est clair que, consciemment ou pas, ils n’ont pas objectivement agi pour le bien de Montréal, pas plus que le premier ministre Louis Stephen Saint-Laurent ne l’a fait à l’époque de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Je terminerais en disant que Montréal n’en est plus à tenter de sauver les meubles dans sa concurrence avec Toronto. La bataille la plus pressante me semble maintenant de sauver les meubles dans la concurrence avec l’aéroport d’Ottawa, qui offre des vols réguliers avec Washington, Philadelphie, New York, Chicago, Fort Lauderdale et, même, Londres. Voilà où nous en sommes objectivement. Il est parfois utile de se rappeler que le contraire de l’« indépendance », c’est la « dépendance ».
***
L'auteur est professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques, à l'Université du Québec à Montréal


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->