Madame, monsieur,
Pardonnez-moi mais je sais que si je veux être franc comme je l'exige de
moi, j'apparaîtrai problablement très rabat-joie pour plusieurs d'entre
vous ce soir, en particulier ces sympathisants adéquistes que je voyais si
euphoriques hier soir. Votre joie était pourtant belle à voir, passer de 5
à 41 députés me rappelait comment nous, les 6 de l'opposition en 1976,
avions accueilli les 65 autres du 15 novembre comme un miracle du ciel.
C'était, je le dis pour les plus jeunes, il y a 31 ans de cela.
Je crois que personne d'entre nous n'a gagné ses élections hier soir,
même pas vous les fidèles de Mario Dumont parce que même pour vous, comme
pour les libéraux et les péquistes, existe le fait que 65-70% des Québécois
ne partagent pas votre avis et ne vous veulent pas au pouvoir. Notre
injuste système électoral qui vous avait tellement pénalisés autrefois a,
cette fois, eu la décence de vous stopper dans l'opposition officielle
alors qu'à un moment tout le monde, même Mario Dumont, a dû envisager votre
propulsion au pouvoir avec une équipe sans aucune préparation. La vie a été
bonne pour vous et votre chef en prolongeant l'agonie de Jean Charest au
pouvoir. Il aurait été d'une tristesse absolue que ce qu'on a appelé la
révolte des régions ou le ras-le-bol des laissés-pour-compte se terminât
par un Conseil des ministres plein de bonnes gens qui ne servaient que de
porte-étendards du parti et qui sont aujourd'hui encore abasourdis d'avoir
été élus sur le seul nom du "one and only" Mario Dumont. Même lui devrait
allumer un lampion de reconnaissance à la divinité qui aura permis que sa
persévérance d'autant d'années n'aille pas se terminer en un gouvernement
de vaudeville.
Jean Charest s'est retrouvé soudainement allumé hier soir en se voyant
comme chef de l'opposition de Mario Dumont. Le problème, c'est qu'il est
toujours premier ministre. Mais un premier ministre dont 67% des Québécois
ne veulent plus. Les libéraux savent qu'ils ne pourront plus gagner une
élection avec un chef aussi impopulaire et Jean Charest est appelé à passer
au broyeur tôt ou tard. Aucun accommodement raisonnable ne viendra sauver
de la noyade celui qu'autant de Québécois perçoivent comme un menteur et un
incompétent.
Car, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, Jean Charest est clairement et
plus que jamais imposé comme premier ministre par les comtés à majorité ou
à forte proportion anglophone au reste du Québec. Avec à peine 33% du vote,
Jean Charest n'a de fait l'appui que d'un francophone sur quatre ou sur
cinq. Que sur ce territoire considéré comme l'unique foyer de la nation
québécoise, 80% des francophones se retrouvent dans l'opposition face à un
pouvoir ainsi concentré géographiquement est hallucinant, indécent et
dangereux.
André Boisclair est désormais un mort-vivant à la tête du Parti
québécois. Combien de temps on mettra avant de l'inviter à partir n'est
qu'un détail, fiez-vous sur ce parti pour vous étaler le psychodrame,
puisque l'évidence existe qu'il ne se bâtira jamais une majorité derrière
lui. Infiniment plus grave est la question existentielle qui se pose au
parti fondé par René Lévesque il y a 39 ans: sont-ils sur une descente sans
appel? La souveraineté est-elle encore inscrite dans le destin de ce
peuple? La défaite d'hier est implacablement lunimeuse: elle indique que
les péquistes et leur obsession référendaire étaient à des années-lumière
du Québec vivant. Plus le temps passe, plus il est clair que le Québec ne
choisira pas la souveraineté pour contrer une infériorité économique ou un
déséquilibre fiscal mais bien par pure aspiration de dignité comme peuple
pour rejoindre les autres de la planète. Plus le temps passe, plus il est
clair que cet appel à la dignité a de moins en moins de chance de toucher
une majorité claire et évidente d'entre nous.
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