Les symboles jamais anodins

Les particularismes ne doivent pas primer sur la laïcité de l'État, soutient Louise Beaudoin.

Port de signes religieux



[Mme Lysiane Gagnon, dans votre chronique de samedi->19821], vous donniez votre appui à la Fédération des femmes du Québec qui s'est prononcée contre l'interdiction du port du foulard par les agents de l'État dans les secteurs public et parapublic. Pour vous, le symbole semble anodin.
C'est votre droit le plus absolu d'exprimer cette opinion, même si votre prise de position me navre en tant que femme solidaire des autres femmes spoliées ou assujetties par la politique, les traditions ou les religions ailleurs dans le monde.

Pour moi, en tout cas, les symboles ne sont jamais anodins.
Là où je m'insurge, c'est quand vous affirmez péremptoirement que c'est par démagogie que le Parti québécois a dénoncé la prise de position de la FFQ pour appuyer celle du Conseil du statut de la femme, organisme paragouvernemental dont la mission est de conseiller le gouvernement, notamment sur ces questions.
Non, ce n'est pas de la démagogie; c'est par conviction que nous avons pris cette position et c'est par une conviction profonde et ancienne que j'ai signé avec Marie Malavoy et Carole Poirier la lettre publiée dans Le Devoir de samedi et intitulée: [«Non au nom de l'inclusion et de l'intégration»->19811]. Les idées que nous y exprimons résument nos plus récentes discussions et, j'en suis convaincue, reflètent l'opinion d'une grande partie de la population du Québec.
La laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes sont les principes mis à mal dans le cas qui nous occupe. Or ils font partie des dénominateurs communs de la nation québécoise moderne et j'entends avec Pauline Marois et tous mes collègues les défendre chaque fois que des promoteurs de la nouvelle religion du multiculturalisme argumenteront que les particularismes priment la laïcité de l'État et que l'égalité homme femme est une notion que l'on doit relativiser ou carrément mettre sous le tapis pour des motifs culturels, religieux ou autres.
Vous écrivez aussi que la FFQ a raison et que même si elle est infiltrée par quelques apôtres islamistes, mieux vaut être du côté de la tolérance. Je n'en croyais pas mes yeux! La laïcité comme ferment de la démocratie et de l'égalité conduirait à l'intolérance? Au contraire, je crois que l'histoire la plus contemporaine comme la plus ancienne démontre que tout recul de la laïcité se traduit invariablement en un recul pour le droit des femmes.
Pour boucler votre raisonnement, vous ajoutez: «Si le PQ et l'ADQ avaient gain de cause, le Québec deviendrait la seule démocratie au monde à se donner des politiques aussi répressives...» Vous affirmez d'un même souffle que, même en France, le port du voile est permis dans la fonction publique. Eh bien non, vous êtes mal renseignée!
Je vous cite un avis du Conseil d'État repris dans plusieurs jugements récents de nombreux tribunaux administratifs un peu partout en France concernant le port de signes religieux ostentatoires par des agents publics en contact ou non avec les usagers: «Si tous les agents des services publics bénéficient de la liberté de conscience, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses». Et une Charte de la laïcité affichée dans tous les services publics réitère ce principe: «Le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations.»
Comme nous l'indiquions dans notre lettre, nous croyons à la nécessaire intégration des femmes (comme des hommes) du Québec, quelles que soient leurs origines ou leurs croyances. Toutefois, nous ne pensons pas que cette intégration se fera en permettant, dans les services de l'État, des pratiques symboliques affirmant l'infériorité des femmes et leur soumission, mais plutôt en les accueillant personnellement dès leur arrivée, en leur permettant de se franciser le mieux et le plus rapidement possible. Et, enfin, en faisant en sorte que leurs diplômes et leurs acquis professionnels soient reconnus à leur juste valeur.
L'auteure est députée de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de Relations internationales et de Francophonie.


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