Le 4 janvier dernier, dans la page Idées du Devoir, j’écrivais le commentaire suivant : « On conviendra qu’il est particulier qu’en cette même année 2017 le gouvernement fédéral dévoile, en toute souveraineté et en toute indépendance, sa première politique formelle en culture ; pour sa part, le gouvernement du Québec renouvellera sa politique culturelle après 25 ans de mise en oeuvre. Particulier surtout parce que, en raison des leviers dont le fédéral dispose par son important pouvoir de dépenser et des nombreux leviers législatifs dont il dispose, il influencera de façon évidente les grandes orientations et l’environnement culturel du Québec pour la prochaine décennie. La politique fédérale aura pour effet d’encadrer dans bien des domaines l’action du gouvernement du Québec en culture, d’alimenter les dédoublements d’interventions et de favoriser les incohérences de l’action gouvernementales. »
À la suite des vives réactions négatives des milieux artistique et culturel et des analystes politiques et économiques à l’annonce de la ministre du Patrimoine canadien, par laquelle « Mme Joly se soumet à la loi de Netflix », on comprendra toute l’importance des enjeux en cause pour l’avenir de la dynamique et de la vitalité culturelle québécoise. Au surplus, comme la ministre fédérale veut revoir le cadre légal et réglementaire, cela promet pour la suite des choses… Pour sa part, le ministre québécois de la Culture et des Communications, Luc Fortin, a avec éloquence et avec toute l’indignation nécessaire très bien démontré comment Ottawa a « abdiqué » devant le géant américain, notamment en ce qui concerne la production originale francophone.
Dans sa nouvelle mouture de la Politique culturelle du Québec, le gouvernement du Québec aura la chance de démontrer son soutien à la revitalisation de la production québécoise, notamment francophone, dans toutes les formes d’expression. À la lumière des récentes déclarations du ministre québécois, on comprendra que le Québec prendra une autre approche que le fédéral pour combattre l’iniquité fiscale touchant les services de contenu en ligne.
Mais une autre question demeure : à l’heure où le gouvernement fédéral abdique sa souveraineté culturelle au profit des géants américains, le Québec aura-t-il le courage de ne pas abdiquer à son tour face au fédéral pour revendiquer haut et fort sa volonté de rapatrier les pouvoirs législatifs et réglementaires en culture, comme l’avait fait avec courage la ministre Lisa Frulla il y a 25 ans dans l’introduction de la Politique culturelle du Québec ? À la veille de l’annonce de sa nouvelle politique, le Québec doit en toute cohérence, et avec l’indignation qu’il éprouve devant l’action unilatérale du fédéral, saisir avec courage l’occasion de réaffirmer et de revendiquer les pleins pouvoirs en culture ! On conviendra que l’indignation ne peut à elle seule faire oeuvre de politique.
Chose certaine, le contexte actuel rappelle encore une fois, si cela est nécessaire, toute l’importance de cet enjeu pour la vitalité des contenus québécois et pour les retombées sur la population québécoise et sur l’avenir de nos créateurs, de nos organismes artistiques et de nos entreprises culturelles.