Les Franco-Ontariens réclament leur université

Condamnés à être minoritaires sur les campus bilingues, des étudiants veulent leur propre institution

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Un combat sans fin

Les Anglo-Québécois en ont trois. Les Acadiens, deux. Les quelque 50 000 Franco-Manitobains ont eux aussi la leur. Pourtant, pour les 612 000 francophones de l’Ontario, l’obtention d’une université unilingue de langue française relève encore et toujours de la fiction.

Mais le vent tourne, un quart de siècle après la création de collèges postsecondaires unilingues, et quinze ans après une décision historique de la Cour suprême forçant la province à remettre aux francophones la gestion de leurs conseils (commissions) scolaires.

Le mois dernier se concluaient à Toronto les États généraux du postsecondaire franco-ontarien, un exercice sans précédent auquel ont participé plusieurs des 22 000 étudiants actuellement inscrits dans l’une des huit universités bilingues de la province.

Ils pourraient être bien davantage, mais l’inaccessibilité chronique aux programmes de langue française — notamment dans le centre et le sud-ouest de l’Ontario — mène plusieurs diplômés des écoles franco-ontariennes à se tourner vers l’université anglophone du coin plutôt que de s’exiler à Ottawa, à Sudbury ou au Québec.

Une situation alarmante

Dans un rapport dévastateur paru l’an dernier, le commissaire aux services en français, François Boileau, réclamait des actions urgentes pour le centre-sud-ouest, où le taux d’accès aux études en français serait d’à peine 3 %.

Cette région connaît le plus haut taux de croissance de la communauté franco-ontarienne, et près de la moitié de la population francophone de l’Ontario vivra dans ce secteur d’ici 2020.

Une situation « alarmante » qu’a reconnue le gouvernement libéral l’an dernier avec son Plan d’action pour l’éducation postsecondaire en langue française, dans lequel il s’engage à bonifier l’offre de programmes dans le Grand Toronto.

Mais les Franco-Ontariens veulent plus. Beaucoup plus. Une université qui sera la leur, un lieu où ils pourront apprendre, vivre, échanger dans leur langue, loin du modèle « bilingue » qui fait d’eux d’éternels minoritaires. À l’Université d’Ottawa, par exemple, ils forment tout juste 30 % de la population, même si l’établissement tente depuis 10 ans de passer la barre du tiers d’étudiants de langue française, à coup d’initiatives de recrutement, comme exonérer les étudiants de l’Afrique francophone des droits de scolarité étrangers.

Encore aujourd’hui, l’assimilation constitue une inquiétude réelle en Ontario, souligne Geneviève Latour, coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO). « On étudie de la maternelle à la fin du secondaire dans des établissements francophones, mais quand vient le temps d’aller au collège ou à l’université, ça devient beaucoup plus difficile. Or c’est à cette période que l’on développe nos réseaux, qu’on rencontre nos partenaires de vie, qu’on choisit notre avenir. Quand tout cela ne se fait pas dans notre langue, c’est lourd de conséquences, pour l’individu, pour l’Ontario français. Il nous faut ce chaînon manquant qu’est l’université franco. »

« On est tannés de devoir négocier avec la majorité dans les institutions bilingues chaque fois qu’on veut accroître les programmes ou obtenir des services. On veut parler d’égal à égal, ce que nous ne sommes pas. On veut aussi avoir la conviction que les fonds accordés aux études en français soient réellement utilisés à cette fin. On ne peut, comme francophone, dépendre éternellement de la majorité », insiste-t-elle.

Les libéraux ouverts

Fait inconcevable il y a de cela quelques années à peine, le gouvernement libéral se montre aujourd’hui beaucoup plus attentif aux revendications des étudiants.

« La brique et le mortier, c’est important pour moi. L’université franco-ontarienne ne peut être que virtuelle », confie la procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur. « Mais il faut accroître en priorité, maintenant, l’offre de programmes en français au niveau collégial et universitaire dans le centre-sud-ouest. »

Il ne s’agit pas de paroles vaines. En transmettant à ses ministres leurs « lettres de mandats » suivant leur assermentation, la première ministre Kathleen Wynne a chargé Mme Meilleur d’« envisager les options pour accroître l’accès à des programmes postsecondaires en français ». La ministre des Collèges et Universités, Reza Moridi, est quant à elle chargée de « reconnaître et combler les besoins des divers groupes, dont la communauté franco-ontarienne ».

Ces simples mentions, noir sur blanc, du dossier du postsecondaire franco-ontarien sont de bon augure, selon l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), voix politique de la minorité. Le REFO et l’AFO doivent produire d’ici l’an prochain une étude de faisabilité de l’université franco-ontarienne, qui sera remise à la province. Pendant ce temps, un groupe de travail sur le postsecondaire franco-ontarien créé par le gouvernement Wynne, composé notamment d’étudiants, poursuit son travail afin de bonifier les programmes offerts dans le centre et le sud de l’Ontario.


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