Denis Lebel, le visage québécois des conservateurs

Le ministre de l’Infrastructure sillonne le Québec pour redorer le blason conservateur

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Le marchand d'illusions

Cherchez-le, vous ne le trouverez pas. Pour sa première tournée au Québec, Denis Lebel semble avoir mis Stephen Harper au rancart.

Pratiquement oblitéré du paysage politique québécois aux dernières élections fédérales, le Parti conservateur du Canada est déterminé à accroître son nombre de députés au Québec au prochain scrutin, prévu à l’automne 2015. Premier signe de cette détermination : la tenue d’une « tournée de la rentrée » par Denis Lebel, ministre et, depuis un peu plus d’un an, lieutenant québécois de Stephen Harper.

Au cours des deux dernières semaines, la caravane du ministre Denis Lebel a sillonné le Québec, effectuant deux douzaines d’arrêts dans des circonscriptions jugées prenables par les troupes conservatrices et portant une attention particulière à la région de Québec. De nombreux ministres du gouvernement conservateur, et pas les moindres — le ministre des Affaires étrangères, John Baird, le président du Conseil du Trésor, Tony Clement, Chris Alexander, à l’Immigration — ont eux aussi répondu présent lors de cette opération de charme.

Mais pas Stephen Harper. Pas en chair et en os. Pas vraiment en image non plus. Sur la minifourgonnette blanche utilisée pour parcourir ces 4000 kilomètres de route, deux énormes portraits de M. Lebel, entouré d’un fleurdelisé et d’un unifolié, ont été apposés, de part et d’autre. Seul un décalque sur la lunette arrière rappelle l’existence du premier ministre, à côté d’un Denis Lebel souriant.

Accolades

Pas de photographie de M. Harper dans le site web de la « rentrée » non plus. Denis Lebel occupe toute la place, comme lors d’activités partisanes et de tables rondes tenues mercredi, dans une mégafoire agricole à Saint-Liboire ou encore dans un terrain de camping à Saint-Raymond, dans la région de Québec.

« C’est la tournée de M. Lebel. Ç’a été fait sans aucune arrière-pensée », assure Marc-André Leclerc, gestionnaire des opérations québécoises du Parti conservateur.

N’empêche. Là où Stephen Harper est accueilli poliment tout au plus, Denis Lebel recueille sourires, accolades, poignées de mains franches. Alors que les chefs des trois autres principales formations politiques sont du Québec, Denis Lebel rappelle à qui veut l’entendre ses racines.

« Je ne fais pas de politique pour me rapprocher d’Ottawa. Je fais de la politique pour me rapprocher des gens, insiste-t-il. Comme ici. »

Question de message

Les conservateurs sont conscients des limites de leur message au Québec. Le ministre de l’Infrastructure lui-même ne s’en cache plus, après des années à prétendre le contraire. Mais quelle est la source du problème ? « Ce sont des questions qu’on se pose et qu’on continue de se poser », admet M. Lebel en entrevue au Devoir, au sujet de l’apparente impopularité de son option politique.

« C’est la première fois que les trois autres principaux partis auront des chefs québécois. C’est sûr que ça amène son défi. Mais le premier ministre parle le français de façon plus que correcte », dit-il, qualifiant le chef conservateur d’homme chaleureux, mais gêné.

Sur sa route, c’est invariablement d’économie et de création d’emplois que le ministre parle et entend parler. Le péage sur le futur pont Champlain ou encore l’impact sur l’économie québécoise de l’accord de libre-échange avec l’Europe figurent aussi au haut des priorités des électeurs.

Parfois aussi, on évoque un certain sentiment d’abandon envers le Québec, à Ottawa.

« Les gens disent « ah, on se sent abandonnés par les conservateurs », affirme le sénateur conservateur et ex-candidat conservateur dans Saint-Hyacinthe–Bagot, Jean-Guy Dagenais. Ce n’est pas le cas, mais peut-être qu’on ne nous voit pas assez sur le terrain. On essaie d’être présent [avec cette tournée]. »

Les députés et sénateurs conservateurs québécois promettent de faire oublier cette impression d’ici aux prochaines élections.

Certains partisans québécois des conservateurs pensent, quant à eux, déjà à l’après-Harper. Et ils voient en Denis Lebel un candidat potentiel. « Denis Lebel a ce qu’il faut pour être chef. C’est quelqu’un de chaleureux, de réconfortant. C’est déjà le bras droit de Harper. Être dans ses bottines, c’est sûr que j’y penserais », a confié l’un d’eux.

Objectifs : Québec… et Montréal

Parmi les haltes effectuées par la minifourgonnette à l’effigie du ministre, cinq se trouvaient dans la région de Québec. Preuve, s’il en fallait d’autres, que les conservateurs misent largement sur la région de la Capitale-Nationale pour renflouer leur députation québécoise.

Dans la région de Montréal, l’équipe de Stephen Harper convoite avant tout la circonscription de Mont-Royal, un château fort libéral détenu depuis près de 15 ans par le député Irwin Cotler. L’avocat juif, âgé de 74 ans, a annoncé en février dernier qu’il tirerait sa révérence au déclenchement des prochaines élections fédérales.

Les conservateurs n’avaient ménagé aucun effort afin d’arracher la circonscription aux libéraux, en 2011, espérant faire une première percée dans l’île de Montréal. Irwin Cotler a été réélu, mais sans l’appui de la communauté juive, représentant près du tiers des électeurs de la circonscription, séduite par les positions tranchées du gouvernement Harper en faveur de l’État d’Israël.

Le candidat du PCC était alors Saulie Zajdel, arrêté par l’UPAC en juin 2013, puis accusé de fraude, d’abus de confiance et de corruption dans le cadre de l’opération « Méandres ».

Cette fois-ci, l’ex-député provincial et ancien chef du Parti égalité, Robert Libman, convoite activement l’investiture dans Mont-Royal.


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