Il n’y a plus de place pour les francophones au Canada

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L'utopie biculturelle canadienne

Les temps sont durs pour les francophones du Canada anglais. Avec les coupures du gouvernement Ford en Ontario, les Franco-Ontariens n’ont d’autre choix que de se mobiliser comme jamais pour préserver un simple commissariat aux services en français et le projet d’une université ontarienne entièrement francophone.


Samedi dernier, ils étaient plus de 14 000 à manifester pour que le gouvernement se rétracte, notamment en compagnie de la députée Amanda Simard, qui a fait grand bruit récemment en démissionnant du caucus progressiste-conservateur.


Au Nouveau-Brunswick, le premier ministre libéral Brian Gallant a récemment été supplanté par Blaine Higgs, chef unilingue anglophone du parti progressiste-conservateur néo-brunswickois. Son gouvernement est soutenu par la People’s Alliance, un parti anti-francophone qui souhaite notamment abolir le commissaire des langues officielles du Nouveau-Brusnwick, seule province officiellement bilingue du Canada.


Bref, tout n’est pas rose pour les francophones hors-Québec.


La disparition des « peuples fondateurs »…


Si ces reculs de la francophonie canadienne sont fort décevants, comment s’en surprendre, sachant qu’il s’agit là de l’aboutissement logique de la politique multiculturaliste canadienne qui prime depuis le rapatriement constitutionnel illégitime de Pierre Trudeau.


Mettant définitivement fin au mythe du biculturalisme et des « deux peuples fondateurs » entretenu sous Lester B. Pearson, Trudeau a fait du Canada ce que son fils se plaît à appeler « le premier État postnational », un pays où il n’y a pas de culture commune, pas d’histoire partagée et surtout pas deux langues officielles. Parler l’anglais a toujours suffi au Canada, et la Loi constitutionnelle de 1982 l’a confirmé hors de tout doute.



Qu’importe s’il y a des francophones en Acadie et en Ontario depuis les années 1600, dans le Canada post-1982, ils sont aussi considérés que les Sikhs, les Chinois et les Turcs vivant au pays.



En effet, dans ce supposé « plus meilleur pays du monde » où tous les groupes culturels sont traités de la même façon, peu importe si leur arrivée date du XVIIe siècle ou du mois dernier, les droits des francophones ont toujours été à risque.


Pour la majorité anglophone, il n’y a jamais eu de risque, puisque l’anglais est parlé partout dans le monde à cause de la puissance combinée de l’impérialisme britannique et de l’impérialisme culturel américain. Ils ont le beau jeu de se déclarer « ouverts à la diversité » quand cette diversité parle leur langue et s’intègre à leur communauté, du moins quand elle choisit de s’intégrer.


Dans ce climat, que reste-t-il pour les francophones du Canada? Ils sont une minorité en nombre et n’ont donc pas le pouvoir intégrateur des anglophones. Ils ne peuvent pas jouir d’un statut supérieur aux autres minorités, ce serait un affront au sacro-saint multiculturalisme!


Qu’importe s’il y a des francophones en Acadie et en Ontario depuis les années 1600, dans le Canada post-1982, ils sont aussi considérés que les Sikhs, les Chinois et les Turcs vivant au pays. Cette vieille légende voulant que les francophones et les anglophones aient fondé le Canada au tout début, seuls les francophones y croient vraiment.



Cette vieille légende voulant que les francophones et les anglophones aient fondé le Canada au tout début, seuls les francophones y croient vraiment.



Ainsi, les francophones de l’Ontario sont réduits à devoir sortir dans les rues pour défendre leurs droits, ces mêmes droits qui devaient être absolument garantis par la Constitution et la fameuse Charte canadienne des droits et des libertés, pièce maîtresse du multiculturalisme. Rien de cela n’a empêché Doug Ford de couper dans le commissariat aux services en français.


Dans le Canada de 2018, les francophones sont une communauté culturelle comme une autre, et ils ont intérêt à avoir de bons avocats s’ils souhaitent prétendre à plus ou même conserver leurs acquis.


…sauf au Québec!


Si dans le Canada anglais, le mythe des peuples fondateurs est bel et bien considéré comme de la fabulation, c’est loin d’être le cas au Québec.


Outre sa vocation de fantasme des fédéralistes durs pour justifier le maintien du lien fédéral contre vents et marées, on s’en sert aussi pour parler de la « communauté historique anglophone » et s’indigner à chaque possible avancée législative du français en territoire québécois sous prétexte qu’elle brimerait cette pauvre minorité majoritaire en son pays.



Qu’il est beau le bilinguisme canadien, toujours à sens unique.



Voilà qui est excessivement paradoxal, considérant que l’anglais est la langue dominante du continent nord-américain et qu’elle parvient à s’immiscer partout avec l’essor de la mondialisation, sans nécessiter la moindre garantie constitutionnelle.


Et pourtant, c’est le Québec qui s’anglicise en tenant un débat des chefs en anglais sur les questions communautaristes touchant les anglophones alors qu’un peu à l’Est, la seule province bilingue du Canada n’organise pas de débat en français et élit à sa tête un premier ministre unilingue.


Qu’il est beau le bilinguisme canadien, toujours à sens unique.


Une injustice enchâssée dans la Constitution


Quoiqu’on en dise, l’injustice fondamentale des rapports entre francophones et anglophones au Canada est là pour rester. La fédération s’est bâtie là-dessus.


Non seulement les Canadiens anglais deviennent de plus en plus majoritaires grâce à la politique du multiculturalisme, qui isole les francophones et les Québécois en exigeant pour seule intégration des nouveaux arrivants qu’ils apprennent l’anglais, mais la « minorité » anglophone du Québec sera toujours mille fois mieux protégée que les francophones hors-Québec, alors que ce sont eux qui sont réellement en situation minoritaire.



Depuis 1982 et même avant, les dés sont pipés en faveur d’une anglicisation massive du Canada qui aura pour finalité un beau pays « multiculturel », mais résolument anglais.



Dans le cas des écoles, la Charte canadienne des droits et libertés, clé de voûte du legs irréformable de Pierre Trudeau, indique explicitement que le droit d’une minorité provinciale anglophone ou francophone de bénéficier d’écoles subventionnées en sa langue est conditionnel à un « nombre suffisant » d’entre eux. (Article 23)


Cette clause du « nombre suffisant » n’écarte évidemment pas les anglophones du Québec, mais met les francophones hors-Québec sur la sellette : du moment où ils ne seront plus en « nombre suffisant » dans leur province, un premier ministre de la trempe de Doug Ford pourra en toute légalité leur retirer leurs écoles et accélérer d’un seul coup l’assimilation qui dure depuis plus de 150 ans.


Depuis 1982 et même avant, les dés sont pipés en faveur d’une anglicisation massive du Canada qui aura pour finalité un beau pays « multiculturel », mais résolument anglais.


Et c’est pas fini


La foule de menaces qui pèsent sur la francophonie canadienne en 2018 n’est ni le début ni la fin des misères des francophones du Canada. Depuis la Conquête, l’hégémonie anglaise est une véritable épée de Damoclès pour eux, et tout cela ne cesse de s’aggraver avec le temps.



Comme quoi le beau pays diversitaire de Justin Trudeau marche main dans la main avec l’impéralisme anglo-saxon, principe fondateur de la fédération canadienne.



En mettant en marche sa politique du multiculturalisme, Pierre Trudeau a signé l’arrêt de mort du biculturalisme, qui reconnaissait à égalité (en théorie) les francophones et anglophones comme fondateurs du Canada. Depuis, ce modèle d’intégration a transformé le Canada aux dépens des francophones, assez pour qu’en 2018, les francophones des deux provinces les plus bilingues, excluant le Québec, soient activement menacés dans leurs droits.


Comme quoi le beau pays diversitaire de Justin Trudeau marche main dans la main avec l’impéralisme anglo-saxon, principe fondateur de la fédération canadienne.