Fêter le pays d’Elvis Gratton

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« Le Canada, c’est du néant, du vide abyssal, de l’insignifiance profonde. »

C’est aujourd’hui ce jour de l’année où on souligne l’anniversaire de la mal-nommée « Confédération canadienne ». Si les foules qui se trouvent en nombre record dans les rues le sont surtout pour aider leurs comparses à déménager, des célébrations officielles ont tout de même lieu pour rassembler quelques Proud Canadians.


Quand les libéraux sont au pouvoir, on célèbre généralement les « valeurs canadiennes » -qui n’ont rien de fondamentalement canadiennes- de tolérance, de multiculturalisme, d’ouverture à l’autre, de paix, de progrès, etc. Le Canada de Justin Trudeau, c’est celui d’un premier ministre qui se déguise en fonction du pays qu’il visite ou de la communauté à laquelle il cherche à arracher quelques votes. C’est aussi celui où on n’hésite pas à jouer grossièrement avec les mots pour se draper dans un progressisme mondain. Même John A Macdonald devient, à travers la parole de l’historienne en chef du Canada, Mélanie Joly, une figure pionnière de la diversité culturelle et de la démocratie.


Tout ça n’est que du vent : le Canada reste un pays avant tout pétrolier, qui continue de mettre le cap sur l’extraction de ressources sales en contexte où la planète en arrache de plus en plus. Alors que le gouvernement en place rachète Kinder Morgan, le chef de l’Opposition promet de ressusciter Énergie-Est. Et, derrière la coolitude de la légalisation du pot se cache une volonté de tout donner aux petits amis du régime. Le Canada des libéraux est une fraude.


En revanche, quand le Parti conservateur est au pouvoir, le 1er juillet ressemble plus à une célébration du Canada dit « historique », où on met principalement de l’avant les symboles militaires, monarchiques, britanniques. Tout ça n’est, encore une fois, que du gros n’importe quoi. Malgré les cérémonies militaires, le gouvernement de Stephen Harper est celui qui a le plus coupé dans le soutien aux anciens combattants. Les conservateurs ont beau afficher des portraits de la Reine, il demeure qu’en régime britannique l’instance la plus intouchable et la plus sacrée est le Parlement. Or, le gouvernement Harper a été le champion des outrages au Parlement...


Si le party officiel du pays change en fonction du gouvernement en place, on peut se demander ce qu’est la réalité profonde ce pays.


Finalement, le Canada, qui a 151 ans aujourd’hui, est un des rares pays à ne pas être né d’une révolution ou d’un référendum. Sa création est tout simplement le résultat d’une décision entre quatre murs, par des élites, et pour leurs propres intérêts. Sa seule vocation n’était que de construire un grand marché d’un océan à l’autre, from coast to coast. Et ça, ça ne fait pas des enfants forts.


Le Canada, c’est un pays où tous les Elvis Gratton du monde peuvent se revendiquer quelques centaines d’identités qui cohabitent, où l’on peut être « canadien-franco-québécois-américain-du-Nord-aux-expressions-françaises-françaises ».


C’est normal, car le Canada, c’est du néant, du vide abyssal, de l’insignifiance profonde.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).