Les fausses confessions

Cet incident est révélateur d'un manque de jugement politique qui lui a nui durant sa carrière et l'a souvent forcée à d'humiliantes volte-face.

Pauline Marois - entre urgence et prudence


C'est sans doute à l'honneur de Pauline Marois d'avoir voulu se montrer solidaire de ses ex-collègues, mais, à partir du moment où Lucien Bouchard a lui-même reconnu que les mises à la retraite massives de 1997 avaient été une erreur, la chef du PQ aurait dû dire non seulement qu'elle ne le referait plus, mais aussi que cela n'aurait jamais dû être fait.
En revenant sur ses déclarations de la fin de semaine, Mme Marois a peut-être pensé qu'il valait mieux être accusée de se comporter comme une girouette que de passer pour une irresponsable, mais elle risque maintenant de se voir reprocher les deux.
Cet incident est révélateur d'un manque de jugement politique qui lui a nui durant sa carrière et l'a souvent forcée à d'humiliantes volte-face. Quand elle avait affirmé, puis nié 48 heures plus tard que son cabinet inclurait un «ministre de la Souveraineté», on avait mis le malentendu sur le compte de la fatigue. Quand on lui avait prêté l'intention d'augmenter la TVQ, c'était qu'elle avait été mal comprise.
Il y a des sujets sur lesquels l'ambiguïté n'est pas permise. L'important pour le PQ durant cette campagne était de tourner la page une fois pour toutes sur le douloureux épisode des mises à la retraite, qui ont causé un tort considérable au réseau de la santé. En continuant à soutenir que la décision de 1997 était la bonne, Mme Marois donne à Jean Charest tout le loisir de poursuivre le débat.
Il est indéniable que la situation financière qui prévalait à l'époque était extrêmement préoccupante. M. Bouchard a déjà raconté que son voyage secret à New York en 1996, pour convaincre les agences de crédit de maintenir la cote du Québec, avait été un des moments les plus éprouvants de sa carrière.
La décision de mettre 1500 médecins et 4000 infirmières à la retraite permettait sans doute d'alléger les finances publiques à court terme, mais le gouvernement a également fait un choix éminemment politique.
Retournons quelques années en arrière. Dans la soirée du 21 mars 1997, le premier ministre Bouchard avait quitté le caucus de ses députés en sachant qu'au moins trois d'entre eux voteraient contre une loi spéciale qui imposerait une réouverture des conventions collectives dans le secteur public et une baisse salariale de 6 %. Quatre ou cinq autres députés se donnaient la nuit pour réfléchir.
Plusieurs d'entre eux avaient été traumatisés par l'expérience de 1982-83, quand le gouvernement Lévesque avait décrété une baisse de salaire de 20 % - temporaire, il est vrai - et ils ne voulaient revivre ce cauchemar sous aucun prétexte. M. Bouchard, qui avait agi comme négociateur en chef du gouvernement Lévesque, n'y tenait pas non plus.
Quand l'entente sur les mises à la retraite est intervenue au milieu de la nuit, tout le monde a poussé un immense soupir de soulagement. Une loi spéciale aurait non seulement déchiré le caucus péquiste, mais elle aurait surtout fait éclater la coalition qui avait presque permis au oui de l'emporter, 18 mois plus tôt. En mars 1997, le plan était toujours de tenir un autre référendum à brève échéance et, dans l'esprit de certains, cette considération primait tout le reste.
À l'époque, il faut dire que personne n'avait pleinement mesuré l'effet déstabilisateur des mises à la retraite sur le réseau de la santé, même si leur coût financier à long terme suscitait des inquiétudes. Au contraire, on disait que M. Bouchard avait réussi un véritable coup de maître politique, ce que semblait attester la mine déconfite des libéraux à l'Assemblée nationale.
Avec ce que l'on sait maintenant, il est difficile de comprendre comment Mme Marois peut encore soutenir que c'était la chose à faire, c'est-à-dire risquer de compromettre gravement la qualité du réseau de la santé pour préserver la coalition souverainiste.
Bien entendu, Jean Charest n'allait pas manquer une aussi belle occasion de lui tomber dessus. Cela dit, le chef libéral n'a pas toujours aussi été critique du gouvernement Bouchard. En 1997, alors qu'il était encore chef de l'opposition conservatrice à la Chambre des communes, il avait trouvé un autre coupable. «Le véritable responsable des fermetures d'hôpitaux, ainsi que de la détérioration des soins de santé s'appelle Jean Chrétien», disait-il.
D'ailleurs, c'était un peu le monde à l'envers. Alors que M. Charest dénonçait les compressions dans les paiements de transfert aux provinces, M. Bouchard disait comprendre Ottawa d'avoir pris les moyens pour résorber le déficit fédéral.
Si Mme Marois a tort de ne pas reconnaître l'erreur commise en 1997, Mario Dumont ne convaincra pas grand monde avec son mea-culpa, qui est non seulement bien tardif, mais aussi très incomplet.
S'il est vrai qu'au printemps 2007, l'ADQ n'avait pas une députation suffisamment aguerrie pour offrir l'opposition officielle que la population était en droit d'attendre, comme le reconnaît son chef, elle était à plus forte raison incapable de former un gouvernement digne se ce nom.
Sachant cela, comment M. Dumont a-t-il pu prendre le risque de faire tomber le gouvernement élu moins de deux mois plus tôt, en décidant de voter contre un budget dont il ne connaissait même pas le contenu? C'était de la plus haute irresponsabilité.
Six mois plus tard, quand M. Dumont a prétendu renverser le gouvernement sous prétexte qu'il refusait d'abolir les commissions scolaires, il ne pouvait pas penser sérieusement que ses députés avaient suffisamment gagné en expérience pour être en mesure de diriger les destinées du Québec. Le chef de l'ADQ s'accuse aujourd'hui de ne pas avoir laissé suffisamment de responsabilités à son caucus. C'est encore heureux.


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