ÉLECTION QUÉBÉCOISE 2012 (2)

Les étudiants - Débat de société - La langue

Élection Québec 2012 - analyses et sondages

C) Les étudiants
À l'origine, le conflit étudiant qui secoue le Québec depuis l'hiver dernier origine de la décision du gouvernement Charest d'imposer une augmentation des frais de scolarité universitaire dont le montant total atteindrait ultimement 1 625 $ après sept ans. Initialement, cette hausse avait été planifiée sur une période cinq ans, plutôt que sept. À terme, elle devrait ajouter 265 millions $ dans les coffres des universités. Du côté des recteurs, on crie au sous-financement depuis des années. Il semble bien, cependant, que ces derniers aient le classement international des universités à l'esprit dans leur évaluation du montant du sous-financement allégué. Le premier ministre, lui, ne se cache pas pour affirmer vouloir des universités de «calibre mondial». Les étudiants, de leur côté, prétendent que les universités devraient mettre de l'ordre dans leurs pratiques de gestion avant de venir piger dans leurs poches. Ils en ont, en particuleir, contre les dérives immobilières des universités, les délocalisations de campus, les primes de départ et les dépenses de publicité. Au printemps, ils ont refusé une offre plus ou moins intéressante d'amélioration du régime de prêts et bourses.
Depuis l'été surtout, un fossé s'est installé entre, d'une part, la CLASSE, et, d'autre part, la FECQ et la FEUQ. La CLASSE a en effet publié un manifeste qui embrasse la démocratie directe, la justice sociale, l'environnement, l'égalité hommes-femmes, le Plan Nord, etc (D-2-7-12,p., A-1; D-12-7-12,p., A-7). Ses représentants ont d'ailleurs entrepris une tournée d'une vingtaine de villes du Québec dans le but de diffuser les idées de la Coalition. En région, il faut bien admettre qu'ils ont eu droit à un accueil plutôt mitigé. Le Québec n'est pas prêt pour la grève sociale et il ne le sera pas à moins que l'austérité ne frappe les masses de plein fouet. La CLASSE devra en effet comprendre que la démocratie directe «sollicitée à chaque instant» est une utopie qui frise le délire. La population n'a ni la compétence, ni le temps, ni le désir de s'occuper au quotidien de la gestion des affaires de l'État. Même l'Agora grecque a dû céder à l'idée de démocratie représentative. Enfin, la ClASSE devra réaliser qu'elle ne pourra pas se défaire du néolibéralisme sans au préalable rompre le lien fédéral. Disons que le projet de la CLASSE est à tout le moins ambitieux. À tout événement, la FECQ et la FEUQ ont décidé, de leur côté, de s'en tenir aux frais de scolarité, sans nécessairement abandonner l'idée d'aborder d'autres sujets (D-23-7-12,p., A-1).

Les étudiants ont donc la ferme intention de participer pleinement à la campagne en cours, mais ils devront le faire sous l'étroite surveillance du Directeur général des élections qui a été alerté à cette réalité par le PLQ. Entre autres choses, cela signifie que les étudiants ne seront pas autorisés à engager des dépenses dans le but de favoriser l'élection d'un parti ou de viser expressément sa défaite (D-13-7-12, p., A-3; D-19-7-12,p., A-3). À la CLASSE, on se défend de favoriser un parti en particulier, même si on affirme vouloir la défaite des libéraux. L'objectif avoué de la Coalition est de faire la promotion d'un «projet de société». D'ailleurs, le groupe n'entend pas suivre un parti spécifique au cours de sa tournée provinciale. Du côté de la FECQ et de la FEUQ, on affirme vouloir faire élire un gouvernement qui sera à l'écoute de la voix étudiante. Apparemment, ni le PLQ ni la CAQ ne correspondent à ce profil. Plus directement, les deux fédérations entendent se concentrer sur environ 25 circonscriptions où le vote a été particulièrement serré au cours du dernier scrutin afin d'y orienter le vote en leur faveur. Elles visent globalement à faire passer la participation étudiante de 45 % à 65 %. On se gardera, dit-on, d'appuyer expressément le PQ ou QS (D-2-8-12,p., A-3). Finalement, les deux fédérations seront en congrès du 10 au 12 août prochain dans le but de planifier la rentrée de fin d'été (D-2-7-12,p., A-1).
Jusqu'à maintenant, le PLQ demeure ferme sur la question de la hausse. Ailleurs, on est prêt à jeter du lest. Dans les cent premiers jours d'un mandat péquiste, donc, on abolirait hausse et Loi 12. Par la suite, il y aurait indexation, même si le parti n'exclut pas l'idée de gratuité. Un sommet sur la gestion des universités serait en outre convoqué, avec invitation aux étudiants, à la société civile, aux syndicats et au patronat (D-3-8-12,p., A-4) À la CAQ, on réduirait la hausse de 254 $ à 200 $. En outre, la bonification du régime des prêts et bourses offert par le PLQ serait maintenue. Et, les universités seraient tenues de produire un plan de rationalisation de leurs dépenses. (D-31-7-12, p., A-3) Les étudiants ont rejeté cette offre, jugeant qu'elle était encore moins avantageuse que celle des libéraux. Du côté d'ON et de QS, on propose la gratuité de l'enseignement (D-4-8-12, p., A-3; D-3-8-12,p., A-5). Les étudiants accepteront-ils le résultat de l'élection? La CLASSE n'exclut pas la désobéissance civile (D-13-7-12, p., A-3) La Coalition ne devrait pas oublier que 56 % de la population penchait du côté du gouvernement au plus fort du conflit.
D) Débat de société
Lors d'un récent voyage à Fermont, dans le Nord du Québec, le premier ministre Charest affirmait que la prochaine élection porterait sur le genre de société dans laquelle nous voulons vivre:
«Il y aura un choix très important à faire sur le type de société dans laquelle nous voulons vivre. Ça me paraît très évident.» (D-18-7-12,p., A-3)
Alors, plaçons monsieur Charest devant une alternative. Nous verrons éventuellement de quel côté il loge,...même si cela paraît déjà très évident.
Offrons lui donc d'abord le modèle que favorise le gouvernement fédéral depuis quelques années. Dans ce type de société, on multiplie les baisses d'impôt au détriment des politiques sociales. On diminue d'année en année la contribution fiscale des grandes sociétés. On maintient à 6 % jusqu'en 2017 l'augmentation de la contribution du gouvernement central aux programmes de santé et on l'arrime par la suite au taux de croissance du PIB, sujet à un plancher de 3 %. Dans cette société, le gouvernement fédéral réduit graduellement à 20 % sa part du financement des dépenses de santé, depuis 50 % à l'époque où le régime public a été établi (D-23-7-12,p., A-3) Évidemment, cette société reporte de deux ans l'âge d'admissibilité à la sécurité de la vieillesse. Et, tout aussi évident, on y diminue également le droit des travailleurs saisonniers à l'assurance-emploi.
Cette société est en outre attentivement à l'écoute des agences de notation du crédit. Dernièrement, donc, l'Agence Moody's maintenait la cote du Québec à Aa2, la province bénéficiant d'un «large éventail de taxes». La marge de manoeuvre budgétaire du Québec était donc jugée «considérable» (D-13-7-12,p., A-6). Pareille société peut donc se permettre de généreuses diminutions d'impôt...avec l'argent du désiquilibre fiscal. Sa marge de manoeuvre étant ce qu'elle est, cette société peut également imposer une contribution santé à ses citoyens, augmenter le coût des permis de conduire, majorer les frais de scolarité de ses étudiants et planifier une hausse foudroyante des tarifs d'électricité. Certains analystes prévoient en effet une augmentation des tarifs d'électricité à la hauteur de 25 % d'ici 2018 (S-2-8-12,p., 26). Or, nul n'est besoin d'être Newton pour comprendre que cette société déleste ses citoyens les plus fortunés de leur fardeau fiscal pour le transférer aux plus démunis. Est-ce bien dans ce genre de société que veut vivre monsieur Charest?
Comme cela est généralement le cas lors des campagnes électorales, les groupes de pression profitent de l'occasion pour présenter leurs demandes aux partis en lice. Au début de la campagne en cours, le Conseil du patronat exigeait des mesures pour rendre la main-d'oeuvre plus compétitive. Est-ce que «compétitive» veut dire payée à salaire moindre? On souhaitait également un allégement de l'appareil réglementaire. Nous parle-t-on d'une société aux standards arrimés à ceux de la Chine? Du côté de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, on réclamait une structure fiscale plus compatible avec la création de richesse. Veut-on encore plus de taxes et moins d'impôts? Est-ce bien là le genre de société dont nous parle monsieur Charest?
À Québec, le maire Labeaume, lui, donne résolument dans le concept de société des loisirs. Et, il ne vend pas ses appuis politiques à rabais. Il exige donc un tramway (2 milliards $), un anneau de glace (100 millions $), un stade de soccer (25 millions $), deux palestres (18,7 millions $) et un TGV Québec-Windsor. Cela s'ajoute évidemment à son Colisée de 400 millions $. Espérons que personne ne le convaincra de se lancer dans l'aventure olympique. Volet moins ludique de ses exigences, il souhaite obtenir le droit au lock-out pour la ville dans ses rapports avec ses employés, ainsi que le partage à parts égales, entre la municipalité et ses employés, du déficit de la caisse de retraite de la ville, évalué à 500 millions $. (J-4-8-12, p., 5; J-2-8-12,p., 8).
Du côté des syndicats, on propose un autre genre de société. À la FTQ, par exemple, on préférerait voir le gouvernement améliorer le régime de rentes, interdire l'embauche de travailleurs de remplacement, rétablir le dialogue entre employeurs et syndicats au titre du placement de la main-d'oeuvre, abolir la contribution santé, ouvrir un débat sur l'éducation et favoriser la transformation des ressources québécoises au Québec(D-17-7-12, p., A-3). À la CSN, on va dans le même sens avec une demande visant l'ouverture d'un débat national concernant l'environnement, la santé, l'éducation et l'emploi (D-2-8-12, p., A-5).
Il est évident que monsieur Charest montre une préférence marquée pour la société Labeaume. Mais il ne devrait pas se surprendre du fait que certains ne partagent pas entièrement ses préférences.
E) Langue et question nationale
S'il faut se fier à l'humeur de l'électorat, la question nationale ne devrait pas dominer la campagne. La protection de la langue piétine en effet à 7 % dans l'échelle des priorités de la population, alors que la question nationale comme telle ne fait que 9 %. Monsieur Charest voudra cependant garder la perspective d'un référendum au sommet du menu de la campagne, comme le montre la qualification de l'élection arrêtée par le PLQ.
Le premier ministre Charest ne croit pas au recul du français au Québec. Il l'a d'ailleurs laissé entendre lors du Forum mondial de la langue française:
«Le premier ministre dit ne pas croire «à la fatalité du recul qui entraînerait la français vers son déclin» Selon lui, «l'histoire du Québec fournit une assise à cette conviction, alors que nous, en Amérique, sommes enracinés depuis plus de 400 ans.»» (D-3-7-12,p., A-1)
Le Commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, semble bien, par contre, croire au déclin de l'anglais au Québec. Récemment, il défendait avec ferveur une aide fédérale d'un peu moins de 4 millions $ à la communauté anglophone de la métropole québécoise. Au PQ, on s'offusquait de cette initiative, alors que le français ne fait que se maintenir sur l'Île. Mais, admettons qu'il s'agit somme toute d'un montant insignifiant (D-14-7-12,p., A3)
Le gouvernement fédéral n'est cependant pas le seul à souhaiter une communauté anglophone forte à Montréal. Monsieur Charest le veut ardemment lui aussi. Il l'a reconnu implicitment sur les ondes de la station CJAD le 3 août dernier lorsqu'il a pressé l'électorat anglophone de l'Île à se manifester avec force lors de l'élection du 4 septembre, sous peine d'être confronté à un référendum suite à une éventuelle élection du PQ. Le premier ministre contrôle généralement assez bien son discours et s'il a pris ainsi le risque de voir le PLQ assimillé à un ghetto anglophone, c'est que sa campagne ne se déroule pas aussi bien qu'il le souhaiterait (D-4-8-12,p., A-5). Certains signes ne mentent pas.
À tout événement, la poigne fédérale sur le Québec dépasse largement le simple domaine de la langue. L'économie du Québec est en grande partie tributaire des grandes politiques nationales du gouvernement fédéral. Et le premier ministre Charest semble particulièrement admiratif de la gestion du gouvernement Harper:
«Je ne connais pas une période où le Canada a eu une réputation économique comme nous avons aujourd'hui. Sortant de la crise économique, le Canada est vu comme une des lumières scintillantes de l'économie mondiale»(D-2-8-12,p., A-1).
Et pourtant,...le premier ministre Harper ne refuse-t-il pas de rencontrer les premiers ministres provinciaux dans le cadre du Conseil de la fédération, une idée de monsieur Charest, afin d'y discuter de l'avenir économique immédiat du pays (D-2-8-12,p., A-1)? Monsieur Charest est-il satisfait de la part attribuée au Québec dans le partage des contrats de construction navale? Que pense-t-il de l'investissement d'un milliard $ annoncé récemment par GM et Toyota dans l'industrie automobile ontarienne, sachant que le gouvernement fédéral a inondé cette même industrie de milliards $ lors de la débâcle de 2009? Le premier ministre est-il à l'aise avec le fait que le gouvernement central appuie financièrement le développement hydroélectrique de Terre-Neuve, lui facilitant ainsi la tâche de concurrencer Hydro-Québec sur le marché de l'exportation? Monsieur Charest trouve-t-il normal que le Québec ait dû attendre une vingtaine d'années avant d'être compensé pour l'harmonisation de sa taxe de vente, alors que les provinces anglaises ont été désintéressées sur-le-champ? Accueille-t-il avec enthousiasme l'idée d'une politique nationale de l'énergie, lancée dernièrement par le sénateur conservateur David Angus? (D-24-7-12,p., A-6) Monsieur Charest est-il disposé à faire toute la lumière sur les concessions que s'apprête à faire le gouvernement fédéral dans le cadre de la négociation de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et L'Union européenne? Ressent-il un frisson de fierté lorsqu'il lit une chronique dans un grand quotidien canadien-anglais où l'on décrit le Québec comme un «quémandeux» de péréquation peu reconnaissant?
Monsieur Charest estime-t-il que le déséquilibre fiscal a été réglé il y a quelques années, lorsque le gouvernement central a versé au Québec un montant ponctuel de 750 millions $ ? Monsieur Harper, lui, ne manque pourtant pas une occasion de l'affirmer. Pourtant, le fédéral réduit sa contribution au système de santé. Il envoie les chômeurs saisonniers à l'aide sociale. Il en fait autant pour les retraités démunis de 65 à 67 ans. Et, il transfère ses prisonniers en direction des institutions carcérales provinciales. Monsieur Charest, lui, ne veut pas de «chicanes avec le fédéral».
Au PQ, on estime que le Canada est devenu «un risque» pour le Québec (D-2-8-12, p., A-1). Et, l'on propose la tenue d'un référendum sur la question nationale lorsque les circonstances sembleront favorables à un vote indépendantiste. Étrangement, on entend rarement les péquistes critiquer la fédération canadienne sur des éléments fondamentaux. Tantôt on s'insurge contre la nomination d'un juge unilingue. Tantôt, on en a contre la nomination d'un fonctionnaire unilingue. Et, on s'insulte du fait que le français ne reçoive pas une place jugée suffisante aux Olympiques. Mais, on accueille chaque médaille canadienne la larme à l'oeil, tout en se gardant bien d'attaquer la fédération sur des éléments fondamentaux. Récemment, on a avancé l'idée de référendums sectoriels pour montrer que le Canada anglais ne veut pas accommoder le Québec. Veut-on la souveraineté ou une réforme du fédéralisme. Chose certaine, on évite de parler des coûts prévisibles de l'indépendance...Il y aura des ententes, assure-t-on.
À la CAQ, on propose un moratoire de dix ans sur la question nationale, même si François Legault affirme ne plus croire à l'indépendance:
«Moi, je n'y crois plus. Pour moi, l'idée d'avoir un pays pour un pays et puis avoir une grosse chicane constitutionnelle, pour moi, ce n'est plus approprié» (D-2-8-12, p., A-1)
Comment monsieur Legault espère-t-il relancer le Québec, alors que tous les grands leviers de gestion économique sont à Ottawa et qu'on les utilise systématiquement au détriment de la province? On s'applique même à diminuer la députation du Québec au Parlement fédéral. Comme monsieur Charest, monsieur Legault ne veut pas de «chicanes avec Ottawa». Le problème, c'est que, ce faisant, on accepte d'être traités comme des citoyens de second ordre.
QS et ON sont favorables à l'indépendance du Québec. Ils se disent même plus pressés d'y arriver que le PQ. Mais, comme le PQ, ils n'en parlent pas beaucoup, d'indépendance.
Concernant la campagne proprement dite, Monsieur Harper a déclaré ne pas vouloir la commenter. Mais, il laisse ses députés québécois libres d'appuyer qui ils veulent (D-3-8-12,p., A-4) Au Parti libéral, l'organisation de Justin Trudeau s'est dite encline à coopérer avec le candidat du PLQ. Le NPD, quant à lui, s'abstiendra d'intervenir (D-2-8-12,p., A-4).
À tout événement, même si les grands pouvoirs de gestion de l'économie sont de compétence fédérale, il se passe rarement une campagne électorale provinciale sans qu'au moins un parti ne joue la carte de l'économie. Et, la présente campagne ne fait pas exception.
À suivre...


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