Porteurs d'eau un jour...

Les lamentations de l'industrie maritime québécoise

Encerclement du Québec

Tribune libre

Depuis combien d'années, déjà, le secteur maritime québécois se plaint-il d'être ignoré par le gouvernement fédéral? Au moins vingt ans, sinon plus. Et, nous avons droit à la dernière mouture de sa complainte aux pages 32 à 34 du Journal Les Affaires du 30 novembre:
«Les armateurs du Saint-Laurent aimeraient bien entraîner les gouvernements dans leur sillage et les persuader d'investir avec eux dans la modernisation du système Saint-Laurent-Grands Lacs.
Des attentes déçues
En 2008, l'industrie avait dégagé pour la première fois de son histoire un consensus sur un programme d'action pour réaliser un corridor de commerce assimilable aux portes continentales du Pacifique(Vancouver-Deltaport-construction navale fédérale) et de l'Atlantique(Halifax-Tunnel Sarnia-Port-Huron-Construction navale fédérale), auxquelles le gouvernement canadien accorde un soutien continu. Les gouvernements du Québec et d'Ottawa avaient même scellé un accord de collaboration pour sa mise en œuvre.
"Il est difficile d'avoir un programme qui ait moins marché", dit Nicole Trépanier, présidente de la Société de développement économique du Saint-Laurent (SODES). "Rien n'a vraiment bougé".
...L'industrie maritime pâtit d'un déficit d'écoute de la part du politique. Bien que les armateurs aient investi des sommes considérables sans apport ou presque de fonds publics, l'industrie reste généralement méconnue du public.» Affaires, 30 nov., 2013, p., 34.
De quoi la SODES se surprend-elle? Le gouvernement fédéral a abandonné le Saint-Laurent depuis des décennies. Il l'a même admis ouvertement dans les pages du Financial Post du 2 mars 1995. On comparera avec les articles parus dans le Soleil de Québec entre les 27 et 31 décembre de la même année. Il y a deux versions de la politique maritime fédérale. Et la version française est plutôt chétive. Il serait étonnant que la SODES ne soit pas au fait de cette situation....
Bah, le fédéral n'est pas tout à fait insensible aux malheurs des armateurs québécois. En 2010, il a aboli le droit de 25 % sur l'achat de navires étrangers (Affaires, 30 nov., 2013, p., 32). Avec la chute de 30 % des prix dans les chantiers maritimes asiatiques, les armateurs peuvent renouveler leurs flottes à bon compte. Ça, c'est bon pour les chantiers maritimes canadiens. Et dans quelles conditions travaillent les ouvriers asiatiques dans leurs chantiers maritimes? L'esclavage, ce n'est pas une forme de protectionnisme, ça?
Si l'industrie maritime est sérieuse, qu'elle les sorte, les articles du Post et du Soleil. Qu'elle demande, exige une commission d'enquête sur la part du Québec dans les politiques économiques et les dépenses fédérales. Pensez-vous que c'est mieux dans le secteur aérien? Dans le secteur financier? Qu'est-ce qui arriverait à la Caisse de dépôt si le fédéral réussit à envahir le domaine des valeurs mobilières? Plus souvent qu'autrement, lorsque le fédéral coupe dans ses dépenses, le Québec écope plus durement que les autres.
Grosso modo, le fédéral cherche à encercler le Québec. Les infrastructures du commerce international sont à Halifax (port), en Ontario (postes frontaliers) et en Colombie-Britannique (postes frontaliers et port). On veut rendre le Québec dépendant de son commerce avec le reste du Canada...et de la péréquation, évidemment. On se demande pourquoi...Kiev, PQ.
Et, il n'est pas nécessaire d'être «séparatisse» pour soulever la question . Il n'y a pas que le revenu des «séparatisses» qui est inférieur de 5 000 $ au revenu médian canadien. Et, il n'y a pas que les maisons des «séparatisses» qui se vendent 273 000 $, alors que le prix moyen des résidences au Canada est de 391 000$. Ah, le Québec peut toujours se consoler en se disant que son secteur immobilier va s'écraser moins durement que celui du Canada anglais lorsque la réalité refera surface...
À tout événement, si le milieu des affaires québécois se donnait la peine de regarder plus attentivement, il constaterait que ses intérêts ne sont pas toujours aux antipodes de ceux des «séparatisses». Évidemment, c'est plus facile de blâmer les impôts québécois, le déficit de productivité des travailleurs québécois et la résistance au privé dans les secteurs de la santé et de l'éducation. En bonne partie, le Québec mérite ce qui lui arrive. Porteurs d'eau un jour...


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3 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    2 décembre 2013

    « À tout événement, si le milieu des affaires québécois se donnait la peine de regarder plus attentivement, il constaterait que ses intérêts ne sont pas toujours aux antipodes de ceux des « séparatisses ». Louis Côté.
    Toute la politique fédérale (rouge, bleue, orange) consiste à ne jamais prendre le Québec de front, ce qui mène tout naturellement à une politique d’encerclement. Vous avez parfaitement raison, Louis Coté.
    Mais il y a un point faible à cette politique canadian à notre égard : le West Island, qui agit tel un verrou politique, et fait tourner en rond les indépendantistes, les fédéralistes et tout le « milieu des affaires » depuis très longtemps. Le milieu des affaires ne peut pas avoir plus de cran que le gouvernement, en particulier s’il s’agit d’un gouvernement minoritaire.
    Vienne un gouvernement péquiste majoritaire, fatalement hors de la portée du West Island, nous verrons de quel bois il se chauffe.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2013

    Certains se demanderont ce que cela veut dire, Kiev, PQ, dans mon texte. Cela veut dire ceci:
    La Russie utilise son commerce avec l'Ukraine et ses livraisons de gaz au même endroit pour influencer les décisions politiques de ce pays. Voici le président Poutine sur le sujet, tel que rapporté par le Devoir ce matin, le 2 décembre, en page B-1:
    «Si vous vous jetez dans les bras des Européens, attention aux livraisons de gaz russe! Vous pourriez avoir froid, très froid l'hiver prochain! Et inversement, attention aux exportations ukrainiennes en Russie, que nous sommes capables de bloquer!»
    «Let the Eastern bastards freeze in the dark», ça vous rappelle quelque chose, ça, madame Marois? Vous ferez une petite recherche Internet, là-dessus. (Canada's national energy Policy).
    Puis, en plus, leur pétrole, il est cher. Les réserves de brut traditionnel albertain, elles s'épuisent. L'avenir, s'il y en a un, se situe du côté du bitumineux. Et il est cher, leur pétrole lourd. Acheter du brut albertain, cela va redresser la balance commerciale du Canada (pas celle du Québec), provoquer une réaction à la hausse sur le dollar canadien et nuire au secteur manufacturier québécois.
    Maintenant, attention aux exportations québécoises au Canada anglais. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est monsieur Poutine...On se demande pourquoi, ein, ils construisent toutes les infrastructures du commerce international hors-Québec. Je pourrais continuer, mais à quoi bon!
    Louis Côté

  • Serge Jean Répondre

    28 novembre 2013

    Bonsoir monsieur Côté.
    Porter l'eau, je connais bien ça monsieur Côté; je rêve du jour où je pourrai transvider dans l'outre du peuple. J'ai bien écrit l'outre du peuple, pas l'outre de César.
    Serge Jean