Les enveloppes brunes

La corruption gangrène le corps social

Tribune libre 2009


Les Latins disaient : «Corruptio optimi pessima». En langue de chez nous :
«Il n’est de pire corruption que celle du meilleur». Le meilleur, dans
l’être humain, c’est l’intelligence. Corrompue, elle gangrène tout le
corps. Surtout la main, qui est le prolongement de l’intelligence
elle-même. Les philosophes du Moyen âge affirmaient que l’ordre normal des
choses est enfreint chaque fois qu’un être humain arrive au pouvoir pour
une autre raison que l’éminence de son intelligence.
L’intelligence doit être au pouvoir parce qu’elle permet de dominer les
appétits et les instincts du plus grand nombre. Dès lors que cet ordre est
renversé, il y a dérèglement et corruption. Platon, dans sa République
utopique, rêvait du philosophe roi, c’est-à-dire de l’arrivée au pouvoir
d’une âme suffisamment désintéressée, débarrassée de tout intérêt personnel
pour se consacrer à la tâche immense de gouverner les hommes et surtout de
les éduquer de la sagesse.
Platon peut rêver encore. La sagesse n’occupe pas encore les postes de
commande. L’âme désintéressée, délivrée de tout intérêt personnel, ne
détient pas les rennes du pouvoir. La corruption gangrène le corps social.
Les appétits et les instincts dominent les sangsues qui gravitent autour
des décideurs. Il y a, plus que jamais, des mains qui transportent des
enveloppes brunes, avec des billets verts surgis de nulle part. Il va sans
dire que les tactiques modernes sont plus raffinées que celles d’antan mais
le but visé est toujours le même : mettre au pouvoir des gens qui
pourraient permettre de gonfler le degré de corruption de ceux qui les
mettent en place. « Ce qui fut sera. Ce qui s’est fait se refera. Il n’y a
rien de nouveau sous le soleil.
***
C’est le temps que ça change?
Les campagnes électorales (municipales, provinciales, fédérales) n’ont
plus de sens. Elles tournent en foire d’empoigne, à la course aux
scandales, à la démolition de l’adversaire. Les programmes sont mis de côté
au profit de slogans vides, aguicheurs, parfois subliminaux.
Les électeurs sont invités à réfléchir sur ce qui a été mal fait plutôt
que sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire. Les prétendants au
pouvoir arrivent avec un grand balai. Ils espèrent faire le ménage dans la
cours de l’autre en oubliant parfois que, dans quelques recoins de leur
secteur, traînent habituellement des choses à balayer. La propreté
politique devient l’exclusivité d’un seul groupe politique. Les crottés,
par coïncidence, sont toujours ceux qui ont exercé le pouvoir. Ceux qui ne
l’ont jamais eu entre les mains, ont évidemment les mains propres.
Comment
se salir si on ne s’est jamais véritablement mis à la tache? Bref, il y a
les purs qui sont dans l’antichambre du pouvoir et il y a les pauvres
impurs qui sont sur la scène. Ces derniers (les sales) doivent être
chassés pour leur incompétence; les autres (les propres) doivent prendre
leur place en attendant qu’on vérifie, sous peu, leur degré
d’incompétence.
Le changement est le mot clé de la plupart des campagnes électorales.
C’est le temps que ça change, disait Jean Lesage en 1960. C’est encore le
temps d’en faire autant aujourd’hui. Changer quoi? Changer pourquoi? Et
avec quel argent? Personne n’a de chiffres à présenter. Le vent du
changement va tout régler.
Le temps a ensemencé la corruption. Le temps est venu de l’extirper et
semer du bon grain. Comme si l’ivraie n’allait pas se glisser, le temps des
semences terminé.
Vous savez pour quoi voter le 1er novembre? Moi, non! Les candidats
veulent tous aller faire le ménage à l’hôtel de ville. Sans dire comment se
déroulera le processus, qui en sera victime, et qui assurera la relève des
crottés. Les bonnes intentions des candidats amènent toujours un certain
nombre de sangsues lors de la prise du pouvoir. Et pourquoi? Parce que le
pouvoir draine l’argent et l’argent vient avec les amis. Une trinité bien
difficile à fractionner : argent, pouvoir et amitié. Les amis mettent des
gens au pouvoir pour faire de l’argent. Le pouvoir est donné par des amis
qui ont de l’argent. L’amitié met quelqu’un au pouvoir qui assure toujours
un retour d’argent.
Aux urnes, citoyens! Vous n’avez pas le choix : il faut voter, mais voter
pour celui qui est le moins pire. Le moins bon des pas bons!

***
Conservateur ou progressiste?

Selon Chesterton, le monde est divisé entre Conservateurs et
Progressistes. L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des
erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient
corrigées.
Évidemment, Chesterton (auteur anglais mort en 1936) ne parle pas ici des
partis politiques connus sur l’échiquier mondial ou national. Il parle
d’une certaine idéologie qui regroupe les êtres humains selon deux
tendances bien marquées. Être conservateur, c’est conserver quelque chose.
Faut-il tout conserver ce que les traditions humaines nous ont transmis? En
général, oui. Surtout s’il s’agit d’éléments essentiels : famille, vie en
société, mariage, dimension religieuse de l’être humain, vie morale qui
épanouit la personne, éducation, travail revalorisant, etc. Quant à
l’accessoire qui varie à l’infini, chacun peut, ou bien s’en débarrasser ou
bien lui donner moins d’importance. L’erreur des conservateurs est de
vouloir tout conserver sans distinction. A chacun de conserver ce qui peut
épanouir l’être humain dans toutes ses dimensions et larguer les choses qui
encombrent la montée de l’être.
Être progressiste, ce n’est pas tout chambarder. Tout changer. En
Occident, la mode est au changement. La politique, en générale, nous met
sur cette piste. Au Québec, depuis le «c’est le temps que ça change» des
années 1960 jusqu’à nos jours, on a pensé que progresser, c’était faire
place nette dans la maison humaine pour faire du tout neuf. On a mis la
religion de côté; on a mis la famille de côté; on a mis l’institution du
mariage de côté; on a mis la morale de côté. On a mis presque tout de côté.
Enfin, on est presque tous à côté de quelque chose. Et on se croit
progressiste en agissant ainsi. En ce sens, on a fait l’erreur contraire
des conservateurs. Ceux-ci ont tout conservé, sans départager l’essentiel
du provisoire. Les progressistes n’ont rien conservé et sans distinction,
se sont permis de tout rejeter, pour recommencer à zéro.
Les conservateurs ont raison de conserver l’essentiel. Les progressistes
ont tort de ne rien conserver, y compris l’essentiel. Ne faudrait-il pas
tous devenir des progressistes conservateurs? Progresser en conservant
l’essentiel et en se débarrassant des choses inutiles? Et l’essentiel peut
se résumer en peu de mots : sauver l’être et se détacher de l’avoir. Jean
Rostand affirme que le progrès est le retour aux choses oubliées? Ne
faudrait-il pas retrouver certaines réalités oubliées pour devenir à la
fois conservateur et progressiste?
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Nestor Turcotte – Matane
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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2010

    On ne peut que vous féliciter pour cette analyse. Face au problème de la corruption les pays africains se retrouvent de plus en plus dans l'impasse. Les gouvernants africains proposent un changement radical à leurs peuples. Ces derniers désabusés par ceux qui exercent le pouvoir croient aux promesses mirobolantes des nouveaux qui aspirent au pouvoir qui ont eu le temps de paufiner leurs stratégies de mauvaise gouvernance et font pire que ceux partis du pouvoir. Tout change pour que rien ne change
    Le problème de l'Afrique devient de plus en plus préoccupant. Les dirigeants arrivent à contourner aisément tous les principes de bonne gouvernance pour se maintenir par des élections qui sont dites transparentes.
    Les règles de gouvernance ne sont pas adaptées aux réalités africaines. Il faut penser à la refondation de la gouvernance en afrique.
    En afrique on ne change pas le chef. Avec l'avènement de la démocratie en Afrique, les régles ont été contournées de telle manière qu'on assiste aujourd'hui à des monarchies avec des élections libres et transparentes tels que les cas du Gabon, du Congo Kinshassa, du Togo et j'en passe. Les démocraties importées après le sommet de la Baule n'ont servi à rien et on assiste à une corruption généralisée avec une prétendue séparation de pouvoir qui au fait n'existe pas. Lorsque le pouvoir n'était pas séparé le pouvoir était mieux géré.
    En Afrique dans les temps anciens lorsque le chef ou le roi vous confie quelque chose et que vous le perdez, il vaut mieux prendre la clé des champs sinon on vous tranche la tête: c'était la lutte pour l'impunité.
    Le problème de l'Afrique est préoccupant.Presque toute l'aide au développément semble être détournée. en d'autres termes, les pauvres des pays riches enrichissent les riches des pays pauvres à travers cette aide détournée et l'on parle de bonne gouvernance. La refondation de la gouvernance en Afrique s'impose.