Cela fait longtemps que je crois que ce qui caractérise dorénavant le contexte politique du Québec, c'est la fin du projet souverainiste. Pas la mort de l'idée, mais l'impossibilité d'une victoire.
J'ai même écrit un livre à ce sujet, en 2008, intitulé À mes amis souverainistes, à une période où personne n'osait faire de telles prédictions. Eh bien, cette semaine, nous venons d'avoir un autre indice probant qui confirme cette thèse.
Cet indice, ce n'est pas le sondage CROP que nous avons publié mercredi, selon lequel les appuis au gouvernement péquiste tombent à 25% et les libéraux remontent à 38%, et qui indique que l'appui à la souveraineté se maintient à un niveau très bas de 34%. Le Québec n'est pas divisé moitié-moitié, mais bien deux tiers-un tiers, un retard insurmontable.
Paradoxalement, l'indice le plus révélateur, c'est plutôt la campagne de promotion de la souveraineté que le Parti québécois a lancé avec une certaine fanfare le week-end dernier, avec un site web et des vidéoclips que l'on peut trouver sur YouTube.
On aurait cru que si le PQ voulait convaincre une population qui déserte son option, il aurait déployé une grande énergie à réactualiser son message, à trouver les mots pour lui redonner un élan. Mais ces clips sont tellement ternes, les arguments si éculés, que les concepteurs de cette campagne envoient le message qu'ils n'y croient plus vraiment, qu'ils savent que la victoire est impossible. Leur campagne ne vise pas à inverser une tendance inexorable, mais à montrer qu'ils n'abandonnent pas. Le résultat: des clips du désespoir qui suintent l'échec.
Cela se voit à la forme. Dans ces clips statiques, Pauline Marois, raide comme un piquet, débite ses textes sans réussir à être émouvante ou convaincante, dans un style visuel rappelant les publicités destinées à l'âge d'or qu'on peut voir sur des chaînes comme RDI - Bose, HomEquity ou Manuvie. Cette pauvreté artistique est significative, car la souveraineté a longtemps été un ferment d'expression artistique. Ce que suggèrent ces vidéos, c'est que le monde de la création a déserté le bateau.
Quant au fond, les thèmes sont classiques, comme «La souveraineté, c'est payant». Les arguments exactement les mêmes qu'il y a 40 ans - la duplication, l'argent qu'on envoie à Ottawa - sans tenir compte du fait que le passage du temps exigerait des réponses moins infantilisantes. Mais, ce qui m'a vraiment fait sursauter, c'est le thème «La souveraineté, c'est la fin des chicanes».
«Ça fait 150 ans qu'on se chicane, explique Mme Marois, parce que le Canada prend des décisions pour le Canada, pas pour le Québec. Oui, c'est fatigant. Mais il y a juste une façon de mettre fin aux chicanes une fois pour toutes. C'est l'indépendance! On ne se chicane pas avec les États-Unis, on ne se chicane pas avec la France ou avec l'Angleterre. Quand le Québec va être un pays, on se chicanera pas plus avec le Canada. L'indépendance, c'est la fin des chicanes!»
On croit rêver. Car les pays peuvent se chicaner: par exemple, en 1944, 14 ans à peine avant la fondation du RIN, l'Allemagne et la France étaient en «chicane» ! Et personne ne peut croire, qu'au lendemain d'une séparation, les relations seraient soudainement harmonieuses avec un «Reste du Canada» amputé contre son gré.
Cette impasse du PQ comme porteur de la souveraineté reflète son impasse comme gouvernement, déchiré entre ses efforts pour ne pas perdre l'appui des fidèles de l'option et pour séduire une majorité qui n'en veut plus, et explique pourquoi il chute dans les sondages et qu'il gouverne comme une poule sans tête.
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