L'argument économique ne suffit pas

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Propagande fédéraliste éhontée qui discrédite tout autant son auteur que La Presse qui la diffuse

En septembre 2014, les Écossais auront l'occasion de se prononcer sur leur indépendance, conformément à une promesse faite en 2007 et en 2011 par le Scottish National Party (SNP) d'Alex Salmond. Évidemment, cet événement soulève plusieurs questions très importantes qui ne sont pas sans rappeler celles évoquées au Québec en 1980 et en 1995.
Ainsi, le SNP semble se nourrir de ce qui apparaît à ses yeux comme des évidences. Au premier chef, il ne fait aucun doute qu'une Écosse indépendante obtiendra très rapidement une invitation à joindre l'Union européenne (UE). Or, la réalité est bien évidemment beaucoup plus complexe. Il est à noter que l'adhésion à l'UE nécessite l'appui unanime des 28 États membres (la Croatie deviendra membre le 1er juillet).
Dans cette perspective, quelle serait la réaction espagnole relativement à une éventuelle indépendance écossaise? Pour le gouvernement espagnol, le fait de reconnaître ce nouvel État reviendrait à accorder une légitimité aux revendications de ses propres mouvements sécessionnistes en Catalogne et au Pays basque. Il en va de même pour la Belgique, qui est aux prises avec des menaces similaires de la part des Flamands.
De plus, le fait que le SNP ait adopté une résolution s'opposant à l'adhésion d'une Écosse indépendante à l'OTAN est également une source éventuelle de tension avec les États-Unis. Il est en effet impensable que ce pays demeure insensible face à la perte de cet allié. Cela pourrait évidemment affecter la possibilité d'une transition calme et réussie vers l'indépendance.
Toutefois, le mouvement indépendantiste écossais reste tout de même unique à certains égards. Contrairement au cas québécois, le SNP ne conçoit pas son mouvement comme étant une lutte pour l'autonomie et l'autodétermination. C'est ce qui explique l'accueil plutôt froid qu'a reçu Pauline Marois lors de sa visite récente dans la région. Le SNP ne souhaite pas être associé aux autres courants indépendantistes qui sont - à tort ou à raison - associés à du nationalisme ethnique.
Les fondements du nationalisme écossais sont plutôt de nature économique. Le SNP et ses partisans considèrent que leur région est mal servie à l'intérieur de la Grande-Bretagne et qu'elle contribue davantage à l'assiette fiscale de l'État que ce qu'elle reçoit en retour. Dans un élan d'optimisme qui frôle la naïveté, ils estiment être en mesure de restreindre le débat référendaire autour de cette seule considération et s'attendent à mener un débat qui ne sera pas miné par l'émotivité.
L'expérience québécoise nous a toutefois enseigné que des débats de cette ampleur sont très rarement exempts de ces dérives, d'autant plus que l'Écosse célébrera quelques semaines avant le scrutin le 700e anniversaire de la Bataille de Bannockburn, qui a consacré l'indépendance de la région - qui fut perdue en 1707 lorsque les députés écossais ont tout simplement décidé d'aller siéger à Londres.
Il n'en reste pas moins que la justification d'une sécession sur la base de considérations strictement économiques reste très problématique sur le plan éthique. Après tout, l'intégration de l'Écosse dans l'Empire britannique en 1707 a procuré des avantages matériels considérables à la région.
Le droit et la réflexion philosophique sur la question nous enseignent que la justification sécessionniste se doit d'être animée par des considérations beaucoup plus solides sur le plan moral, notamment l'incapacité pour un peuple de s'autodéterminer, une situation de génocide ou une annexion territoriale. Évidemment, l'Écosse n'est pas confrontée à ces situations.
En fait, le régime politique britannique a fait la preuve de flexibilité au cours de son histoire récente, notamment par la dévolution de compétences importantes à l'Écosse en 1999, ainsi que par l'octroi de compétences fiscales supplémentaires tel que le prévoit le Scotland Act, adopté l'année dernière. Dans les circonstances, il n'est guère étonnant de constater que l'appui à l'option indépendantiste reste relativement limité, aux environs de 30%.
L'auteur est professeur de science politique à l'Université de Moncton.


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