L’auteure est vice-présidente du Bloc Québécois.
Les statistiques nous le rappellent sans cesse, le Québec est durement touché par le chômage. C’est la conséquence, en grande partie, d’une politique de précarité du travail, tant dans le secteur privé que le secteur public et parapublic, qui sert bien les entreprises et le gouvernement dans leur recherche continuelle d’économies.
Mais ce n’est pas la seule raison. Le Québec peine toujours à se relever du « mal hollandais ».
Le « mal hollandais » est une expression qui désigne la hausse d’une devise découlant de l’exploitation des ressources naturelles, avec pour conséquence de désavantager les autres secteurs d’une économie. Au Canada, ce fut le cas avec la hausse vertigineuse du prix du pétrole au cours des dernières années.
Aujourd’hui, nous assistons à la situation inverse. La chute surprise du cours du pétrole entraîne un ralentissement économique dans les provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve.
La baisse du prix du pétrole a aussi provoqué une baisse du dollar canadien, qui est passé de 0,94 US en juillet 2014 à environ 0,80 US en février.
En théorie, cela devrait donner un sérieux coup de pouce aux provinces centrales, l’Ontario et le Québec, où l’industrie manufacturière et exportatrice peut profiter d’un dollar canadien plus faible pour être plus concurrentielle.
Une enquête de la Banque du Canada, dévoilée en janvier 2015, a démontré l’impact de la chute des prix du brut dans les provinces productrices, illustrant bien le clivage est-ouest dans ce pays.
Le Conference Board a aussi indiqué que la chute des prix du pétrole, suivie de la chute du dollar, favoriserait l’Ontario et le Québec.
Ces études contredisent les propos du Premier ministre Harper, qui s’est toujours entêté à nier l’existence de ce lien pourtant évident. Son gouvernement ne s’est jamais soucié de la glissade du secteur manufacturier des provinces centrales.
L’obsession des Conservateurs pour le pétrole n’avait pas de limites: plus de 280 millions $ des impôts des Québécois sont allés dans des allègements fiscaux et autres subventions consentis aux compagnies pétrolières.
En décembre dernier, Ottawa a dépensé 30 millions $ pour aider cette industrie à défaire une directive du Parlement européen, qui faisait du pétrole des sables bitumineux un produit hautement polluant. Et le ministre des Ressources naturelles de déclarer que le gouvernement conservateur favorisait ainsi les emplois des Canadiens!
Il faudrait plutôt lire qu’il favorise les emplois et la richesse de l’Alberta et le chômage dans les provinces manufacturières dont le Québec.
Les conséquences de cette obsession ont été dramatiques pour le Québec. La fermeture définitive de milliers d’entreprises a mis au chômage plusieurs dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs.
Selon le professeur Serge Coulombe de l’Université d’Ottawa, la dégringolade du pétrole suivie de celle du huard et le raffermissement de la demande américaine vont favoriser l’Ontario et le Québec.
Cependant, il apporte l’importante nuance suivante : « Oui, il y a un effet inverse. Mais on ne pourra récupérer instantanément l’ensemble des pertes d’emplois subies dans le secteur manufacturier. Ça va prendre beaucoup de temps » (Le Devoir, 7 janvier 2015). Il ajoute qu’il faut de deux à cinq ans, pour refaire des réseaux, ajouter des lignes de production.
On peut aisément penser que, d’ici là, le cours du pétrole sera à la hausse et que la situation qui prévalait avant sa chute sera de nouveau notre lot : pertes d’emplois et chômage.
Dans l’ouvrage Le Québec économique 2013-2014, le professeur Coulombe évaluait à 31 900 le nombre d’emplois perdus au Québec entre 2002 et 2008 à cause du « mal hollandais ». Imaginez depuis 2008 avec la crise économique!
Alors que le Québec n’a pas encore récupéré du « mal hollandais », le docteur Couillard lui administre un « remède » qui va l’affaiblir encore davantage avec ses politiques d’austérité pour l’atteinte du Déficit zéro et le remboursement de la dette. Selon Pierre Fortin, les mesures gouvernementales pourraient retrancher plus de 1% à la croissance de l’économie québécoise en 2015-2016.
Pourtant, les données actuelles sont préoccupantes. L’évolution de l’emploi a stagné en 2014 et on note même une diminution depuis juin 2014 de l’emploi chez les femmes. Les emplois à temps partiel augmentent beaucoup plus rapidement que les emplois à temps plein.
Les attaques du gouvernement Couillard contre les régions, amplement dénoncées par la Coalition « Touche pas à mes régions », représentent des pertes concrètes d’emplois qualifiés.
Et qu’est-ce qui attend toutes ces personnes qui perdent leur emploi ? L’assurance-emploi ? Au fil du temps, le gouvernement fédéral a tellement resserré les règles que c’est maintenant une minorité de personnes en chômage qui a accès à des prestations qui, elles, sont de plus en plus réduites.
Le programme d’assurance-emploi fait l’objet de réformes, toujours plus dévastatrices les unes que les autres depuis 1976, qui ont dénaturé un programme qui devait à l’origine protéger les travailleuses et les travailleurs victimes du chômage.
Même les employés de Service Canada, chargés de répondre aux demandes de prestation des chômeurs, sont révoltés contre la dernière réforme Harper.
Le régime fédéral d’assurance-emploi a perdu son caractère universel. Les règles d’admissibilité ont été resserrées, la durée et le niveau des prestations ont été réduits. Les personnes touchées par le chômage n’ont plus, depuis fort longtemps, de personnel pour les aider.
Voilà l’une des conséquences de notre dépendance économique envers le Canada : plus de chômeuses et de chômeurs. Et, une mesure de protection sociale malmenée depuis 25 ans, au point de ne plus y reconnaître les raisons de sa mise en place.
Qu’attendons-nous pour devenir le maître d’œuvre d’un régime d’assurance-emploi québécois? Et de notre destinée?
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