Le moins que l'on puisse dire est que le projet de pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan soulève les passions. L'annonce du ministre des Finances Bill Morneau d'indemniser l'entreprise contre toute perte financière qui pourrait découler de l'opposition de la Colombie-Britannique au projet de pipeline ravive le débat concernant l'acceptabilité sociale pour les projets sous juridiction fédérale. Le rejet de l'appel de la Ville de Burnaby en Cour fédérale, quant à lui, nous ramène à une déficience majeure aux fondements du Canada. À quoi bon élire des représentants pour mettre en place des lois et règlements si Ottawa peut les empiéter comme bon lui semble ?
C'est une question qui se pose en Colombie-Britannique, avec l'affaire Kinder Morgan qui menace des écosystèmes uniques, mais qui s'applique aussi pour toutes les provinces. Je propose une piste de réponse.
Constitutionnellement, le territoire appartient aux Britanno-Colombiens. Son occupation, son utilisation, son aménagement et sa protection relèvent pour l'essentiel des lois et des règlements de la province et des municipalités. Victoria a toute la légitimité pour adopter des lois visant à protéger ce qui distingue la province, comme lui demandent les électeurs.
Or, certaines activités et infrastructures échappent en bonne partie à ces lois parce qu'elles relèvent du gouvernement fédéral: quais, ports, aéroports, infrastructures de télécommunication, propriétés fédérales, et, oui, pipelines. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, lorsque le gouvernement fédéral agit dans les domaines qui relèvent de la compétence législative du Parlement fédéral, les provinces ne peuvent pas le forcer à respecter leurs lois. La jurisprudence à cet effet augurait clairement le camouflet qu'a subi Burnaby dans sa contestation de la décision de l'Office national de l'énergie de ne pas tenir compte des règlements municipaux pour la construction de Trans Mountain. La municipalité subira vraisemblablement le même sort devant la Cour suprême.
Ces pouvoirs du fédéral sont même renforcés par le gouvernement Trudeau dans le projet de loi C-69, qui réforme le processus d'évaluation environnementale des projets.
Ces pouvoirs du fédéral sont même renforcés par le gouvernement Trudeau dans le projet de loi C-69, qui réforme le processus d'évaluation environnementale des projets. C'est pourquoi je tiens à attirer l'attention sur un autre projet de loi que j'ai déposé et qui, je le crois fermement, est dans le meilleur intérêt de la Colombie-Britannique.
Le projet de loi C-392 modifie huit lois fédérales afin d'imposer des contraintes aux ministres chargés de leur application. En adoptant cette loi, le Parlement fédéral forcerait le gouvernement, avant d'autoriser une activité ou une infrastructure, à s'assurer qu'il respecte les lois des provinces et les règlements municipaux.
C'est donc dire que le gouvernement devra respecter les processus environnementaux des provinces avant d'approuver tout projet dans ses champs de compétence, y compris les pipelines. C'est aussi dire qu'il devra s'assurer d'avoir l'assentiment de la population et des Premières Nations. Ces principes s'appliqueraient à toutes les interventions fédérales en territoire provincial.
Ce projet de loi s'inscrit parfaitement dans le contexte de crise que vit la Colombie-Britannique. Il est également parfaitement arrimé à la volonté du gouvernement du Québec, qui exprimait au gouvernement Trudeau, le 31 janvier dernier, ses profondes réserves quant à la portée de C-69. Pour Québec, « tous les projets réalisés sur le territoire québécois doivent respecter la réglementation québécoise en matière d'environnement et d'aménagement du territoire ».
Le Québec pourrait agir en allié de la Colombie-Britannique dans ce dossier et de nombreux citoyens convergeront vers le centre-ville de Montréal le 27 mai prochain pour manifester leur opposition à ce projet. Il y a certainement un rapport de force à envisager. Mais plus concrètement, il existe une solution pour forcer le respect de nos lois sur nos territoires, et elle sera débattue à la Chambre des communes à la mi-juin.
J'encourage la population à faire pression sur ses élus afin qu'ils fassent le bon choix et qu'ils votent en faveur de C-392. En tant que représentants du peuple, ils n'ont pas droit au silence dans un débat aussi important.
Redonnons-nous, citoyens, le pouvoir de décider de ce qui se passe chez nous en fonction de nos priorités et de nos besoins.