Les casseux de party

De Pierre Foglia à Francis Dupuis-Déri, en passant par Richard Desjardins, Luck Mervil et Biz.

Chronique de Louis Lapointe

Aussi loin que je me souvienne, ma mère, une fille originaire de Montréal,
a toujours été considérée comme une casseuse de party dans la petite ville
de Rouyn-Noranda où mon père est né en 1927, année de sa fondation. À
l’occasion des jeux du Québec en 1973, elle avait eu l’audace de dire au
maire de la ville de Rouyn, le mari de la cousine de mon père, qu’elle
souhaitait que la fumée de la fonderie Horne tombe sur la piste
d’athlétisme située dans l’axe dominant des vents, au sud-est de la ville,
pendant la tenue des jeux, afin que toute la province sache à quel point la
boucane que nous respirions à l’année était suffocante. Notre cousin avait
traité ma mère de casseuse de party.

Malheureusement pour le maire de Rouyn, le vœu de ma mère fut exaucé grâce
à un sombre journaliste de la Presse qui révéla à toute la province que
Rouyn-Noranda était une abominable ville où l’eau et l’air étaient
dangereusement pollués. Un nouveau casseux de party était né. Depuis ce
jour, ma mère lit religieusement toutes ses chroniques, ayant placé ce
journaliste dans une classe à part. Il avait osé dire ouvertement à la face
de la province ce qu’elle disait depuis des années, dans la méprisante
indifférence des notables de la place qui l’enduraient parce qu’elle était
la femme du gérant de la caisse populaire, un autre casseux de party qui
avait osé être candidat du PQ en 1970.

Le jour même de la parution de cet article dans la Presse, un bénévole au
service des jeux du Québec flanqua un bon coup de poing en plein visage au
pauvre journaliste, qui heureusement ne se laissa pas décourager pour
autant. Dès le lendemain, toute la province commença à suivre les
mésaventures de Pierre Foglia à Rouyn-Noranda. La vengeance serait douce au
cœur de l’indien. Profitant de l’occasion qui lui était donnée, il remplaça
la photo en exergue de ses articles par une gravure où on son œil au beurre
noir était mis en valeur. Si je me souviens bien, il s’agissait d’une
caricature de Girerd.

À la suite des nombreuses protestations des lecteurs de Rouyn-Noranda,
Foglia finit par remplacer cette photo par une autre où on le voyait de
dos, comme pour rappeler à tout le monde que les gens de Rouyn-Noranda
avaient essayé de le faire taire au sujet de l’incroyable pollution dans
laquelle leur ville baignait littéralement. Un réputé médecin, maire de
l’autre ville, Noranda, alla jusqu’à dire qu’il valait mieux mourir à petit
feu à cause de la pollution de la mine et travailler à la fonderie Horne,
que d’être chômeur et en santé. Depuis ce jour, notre cher Pierre Foglia ne
manque pas une occasion de comparer les villes qu’il n’a pas aimées au
Rouyn-Noranda qu’il a alors connu.

***

Au début des années 1980, trois autres casseux de party, les frères Corvecet un dénommé Richard Desjardins, firent un film dévastateur sur la fonderie Horne intitulé «Noranda». Ce film fit tellement mal paraître la Noranda, que l’Australie interdit à la multinationale de s’implanter sur
son continent, la considérant alors comme un mauvais citoyen corporatif.
Quelques années plus tard, la Noranda et le gouvernement du Québec
conclurent une entente et investirent 400 millions de dollars pour diminuer
considérablement les très nocives émissions de la fonderie Horne. S’il n’y
avait pas eu tous ces casseux de party, de plus en plus nombreux faut-il le
dire, pour rappeler la Noranda, les villes de Rouyn et Noranda et le
gouvernement du Québec à l’ordre, on ne parlerait pas aujourd’hui de
Rouyn-Noranda comme étant la ville des festivals du cinéma, de la musique
émergente et de la guitare où il fait bon vivre, mais bien d’une ville
dévastée par la pollution où personne ne veut plus aller résider.

***

Morale de l’histoire : aujourd’hui, en dehors de Rouyn-Noranda, personne
ne se souvient des noms de nos deux maires de l’époque, mais tout le monde
connaît les noms de nos deux casseux de party nationaux, Pierre Foglia et
Richard Desjardins.

Si l’on se fie à l’exemple de cette heureuse histoire qui s’est bien
terminée grâce à de nombreux casseux de party, à force de crier haut et
fort que les antimilitaristes et les indépendantistes qui ont manifesté à
Québec à l’occasion des fêtes 400ième anniversaires sont eux aussi des
casseux de party, le maire de Québec et le chef de l’opposition officielle
risquent probablement de voir leurs projections se réaliser un jour.

Il n’est peut-être pas si loin le jour où les antimilitaristes et les indépendantistes auront contribué, par leurs critiques, à la fondation d’un
pays où les casseux de party seront devenus des héros, comme c’est le cas
dans tous les pays devenus indépendants. Qui sait, on leur aura peut-être
même érigé un monument à leur mémoire pour se souvenir d’eux ! Biz et
Dupuis-Déri auront leurs statues à côté de celle de Champlain, alors que
tout le monde aura oublié le maire Labeaume et Mario Dumont.

Louis Lapointe

Brossard

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juillet 2008

    Faut-il être un jounaliste pour écrire un tel article?
    Il y aura toujours des gens méprisants et d'autres méprisables!
    Ce n'est pas pour demain la veille l'indépendance du Québec, surtout quand des gens comme Pierre Curzy font des commentaires si peu appropriés pour la visite de Paul Mc Carthny à Québec. Comment confier à un imbécile de la sorte le mandat de faire la séparation du Québec. Il n'arrive même pas à faire la distinction entre une représentation britannique vs le vedétariat, un chanteur ultra populaire à travers le monde...

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juillet 2008

    Voilà ce qui s'appelle avoir de la perspective.
    Je ne connaissais pas l'histoire de Pierre Foglia.
    Merci Louis Lapointe pour ce beau texte à la fois politique et autobiographique qui donne le goût de se battre pour ses convictions même si, à court terme, les notables nous affublent du terme de "casseux de party" ce qui, a contrario, est souvent le signe qu'on a raison. Il faut voir plus loin que le bout de son nez.
    Robert Barberis-Gervais, 7 juillet, 2008

  • Archives de Vigile Répondre

    6 juillet 2008

    Je suis allé visiter les vestiges archéologiques du Château Saint-Louis sous la terrace Dufferin à Québec aujourd'hui.
    Quelle ne fut pas ma surprise au premier tableau présenté, de constater que Montmagny fut le premier gouverneur de la Nouvelle-France. C'est Parc Canada qui nous le dit.
    Alors que penser du premier ministre du canada qui nous dit le contraire, qui nous dit que Samuel de Champlain fut le premier gouverneur-général du Canada?
    Il va bientôt nous dire que Patof était le mari de Marie Rollet.
    Franchement!

  • Archives de Vigile Répondre

    6 juillet 2008

    Bravo aux casseux de party. Ça va faire la récupération politique puante par les maudits politiciens. On essaye depuis quelques semaines de réécrire l'histoire de nous bourrer de fumier. Je pense notamment à la folle de la reine Michaelle Jean. J'espère que Claude Dubois va la mettre à sa place. Espèce d'hypocrite qui se sert de Pauline Julien, de Gaston Miron et de Gérald Godin pour faire son sale boulot de propagandiste. Mon nom est québécois Madame la Reine et non le Canada n'est plus mon pays. Canada pays de racistes incapables de même reconnaître une simple clause sans conséquence de Société Distincte. Quant à Sarkozy, ce collabo, il aura son mai 68. Caniche français de droite fédéraliste. Vive le Québec Libre !

  • Archives de Vigile Répondre

    6 juillet 2008

    Ces fêtes du 400ème consacrent notre très haut degré d'aculturation et d'assimilation.
    Imaginons un instant que Charles Aznavour reçoive l'Ordre du Canada. Non, ce n'est pas de la science fiction, c'est la réalité.
    Monsieur Aznavour sait-il que le Canada a subventionné des groupes pour faire invalider des pans complets de la Charte de la Langue Française. Sait-il que le Canada a envoyé l'armée sur le Québec en 1970? Sait-il que le Canada a enfreint les lois électorales lors du référendum de 1995? Sait-il que le Canada a toujours favorisé l'entrée de milliers d'immigrants sur le sol québécois afin de nous angliciser et de nous faire disparaître comme peuple? Sait-il que pendant que des milliers des nôtres quittaient leur patrie le Québec, pour aller travailler comme des bêtes de somme dans des facteries de coton en Nouvelle-Angleterre, le Canada finançait l'entrée d'immigrants ukrainiens et polonais, à plein wagon, dans l'ouest afin d'angliciser toute la vallée de la Rivière Rouge? Sait-il qu'à Saint-Boniface,jadis capitale du Manitoba francais, on parle maintenant anglais?
    Non, je pense que monsieur Aznavour ne sait rien de tout cela.
    Non, je ne participerai pas à ce simulacre de fête. Je n'ai pas le goût me prêter à cette triste opération. La seule activité auqu'elle j'assisterai sera la projection de Robert Lepage parce qu'il est un génie.
    Imaginez dans quelques années, lorsqu'on demandera aux gens de Québec, les moments qu'ils ont le plus appréciées du 400 ème et qu'ils répondront Van Hallen, Paul Mc.Carthny et les feux d'artifices, on comprendra qu'on aura manqué une belle occasion de célébrer ce que nous étions. Quelle tristesse!
    En terminant,Mc. Carthny est une vedette déchue dont les deux derniers albums furent des navets. Je ne comprend pas cet engouement pour un has been pareil. On ne peux en dire autant pour John Lennon qui était un gars engagé, extraordinaire.
    Je m'oppose à ce que mes impôts servent à payer ce quétaine alors que nous avons de la difficulté à trouver de l'argent pour nos écoles et nos hôpitaux. Nous aurions pû avoir Daniel Boucher, les Cowboys fringants et Ariane Moffat réunis pour moins que cela.Il y aurait eu autant de monde sur les Plaines d'Abraham.
    J'encourage Céline Dion à tenir son bout. La plus grande chanteuse au monde se contenterait d'un amphitéâtre de 65,000 places alors que ce britannique réactionnaire et passé date aurait tous les honneurs. Je tiens à rappeler aux organisateurs de la fête que c'est notre 400ème.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2008

    Nos meilleurs artistes qui mettent toute leur âme dans un opéra aux Misérables lorsque le drame de notre peuple est si riche !
    Les Misérables, c'est un monument à notre élite !

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2008

    Paul McCartney au 400e de Québec !
    Faut vraiment être des vers de terre pour faire des choix aussi nuls et débiles !
    Tant qu'à inviter des British, au moins choisir ceux qui représentent notre non-conformisme !
    Un Peter Gabriel qui vient nous chanter en français "Selling England By The Pound" (L'Angleterre vendue à la Livre !) et Emerson Lake and Palmer qui nous brûlent un drapeau américain sur la scène !
    Mais non ! Nous avons des cloportes, des perce-oreilles, des larves, pour décider de ces moments d'éveil des consciences !
    Çà donne le goût de rétablir la pendaison !

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2008

    Labeaume et Dumont sont deux manifestations de la médiocrité et de l'insignifiance politiques.L'histoir ne retiendra pas grand chose d'eux. Ce sont deux nains politiques.
    Je suis l'un des porte-parole du collectif Commémoration 1608-2008.C'est avec une très grande fierté que des citoyens et citoyennes de Québec ont bravé les éléments pour démontrer leur patriotisme et leur amour de la terre Québec.
    Comme il était émouvant de voir ces gens émus qui sont demeurés sous des torrents d'eau pour entendre Caroline Desbiens chanter une chanson magnifique de Raymond Lévesque intitulée: ''Je me souviens!''
    Dans quelques années, lorsque le Québec sera un pays indépendant, ces gens pourront dire: ''Nous étions là en 2008 , bravant la pluie et le vent!'' Nous n'étions pas des poules mouillées. Nous étions quelque chose comme un grand peuple. Nous sommes cette Amérique française qui ne mourrera jamais!

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2008

    Merci, monsieur Lapointe, pour ce plaisir de lecture, fond et forme.
    Andrée ferretti.