Le chef caquiste François Legault peut bien aller pleurer sur le sort des employés de Bombardier à La Pocatière, mais il les a lâchés de façon «scandaleuse» au moment où il fallait poser des gestes pour sauver leurs emplois.
C'est le reproche qu'a adressé le chef péquiste Jean-François Lisée à son adversaire caquiste dans une lettre dont La Presse canadienne a obtenu copie vendredi.
La lettre a été rédigée et publiée dans la page Facebook de M. Lisée au lendemain de la visite de M. Legault jeudi à l'usine de La Pocatière, en soutien aux travailleurs dont l'emploi est menacé.
En effet, la Caisse de dépôt a confié le contrat du matériel roulant de son Réseau express métropolitain (REM) à Alstom, le grand rival de Bombardier, sans aucune garantie minimale de contenu local québécois.
C'est donc une commande évaluée à pas moins de 630 millions $ qui a échappé au géant québécois, compromettant ainsi l'avenir de l'usine de La Pocatière, qui assemble notamment les rames Azur du métro de Montréal.
Dans sa lettre adressée à M. Legault, le chef péquiste salue les déclarations de son adversaire devant les travailleurs, mais lui fait remarquer que la Coalition avenir Québec (CAQ) a manqué les occasions de se tenir debout pour défendre ces emplois.
M. Lisée rappelle que les élus péquistes ont tenté d'amender sans succès les deux lois du gouvernement Couillard qui ont permis de mettre en place le REM, afin de faire ajouter un seuil minimal de contenu local de 25 %, conformément à ce qu'autorisent les accords internationaux.
Or les députés caquistes ont voté en faveur de l'adoption des deux lois, au côté des libéraux, alors que les péquistes ont voté contre, faute d'avoir pu imposer un plancher minimal d'achat au Québec.
«Lâchage scandaleux»
«[...] Tu as décidé de soutenir, encore une fois, le gouvernement, a écrit le chef péquiste à M. Legault. Ta décision de voter en faveur de lois qui omettaient cette condition essentielle nous en dit davantage sur ta réelle détermination que les discours que tu prononces. [...] Nous, au Parti Québécois, avons refusé d'avaliser un lâchage aussi scandaleux des intérêts économiques du Québec.»
M. Lisée affirme également que les trains du REM seront construits en Inde, selon les échanges qu'il a eus avec les principaux acteurs dans ce dossier. Les fournisseurs québécois ne pourront pas soumissionner parce qu'Alstom utilisera sa propre chaîne d'approvisionnement, a conclu le chef de l'opposition, même si le premier ministre Philippe Couillard les a appelés la semaine dernière à être concurrentiels s'ils veulent des contrats.
Le leader souverainiste reconnaît par ailleurs que l'imposition d'un seuil de 25 % de contenu local aurait probablement fait monter la facture du matériel roulant, «au pire» de 630 à 700 millions $, mais au moins ils auraient été investis «dans l'économie locale, créant et maintenant de bons emplois, y compris dans la chaîne de fournisseurs. Des cotisants supplémentaires aux fonds de pension gérés par la Caisse».
Enfin, le chef de l'opposition a déploré que la seule solution de rechange soit celle évoquée par le premier ministre Philippe Couillard, soit de devancer une commande à Bombardier de rames Azur du métro de Montréal qui était prévue à l'origine pour 2036, alors que la Société de transport de Montréal(STM) juge qu'il est moins coûteux de reconditionner ses vieux trains.
«Il n'appartient pas à la STM ni à ses usagers de payer pour sauver La Pocatière», estime M. Lisée.
La CAQ réplique
La CAQ n'a pas mis de temps à répliquer aux reproches de son rival péquiste. Dans un courriel, l'attaché de presse du chef caquiste, Guillaume Simard-Leduc, a rappelé que son parti avait aussi déposé des amendements et posé des questions en Chambre sur cet enjeu.
«M. Lisée ressemble de plus en plus à un chef désespéré en manque d'attention, a écrit M. Simard-Leduc. [...] Il invente des fake news pour s'en prendre à ses adversaires politiques.»