Le vote nordique

La réingénierie de l'état libéral... L"État paie tout (risque), le privé ramasse tout (profits)!



Il n'est pas inhabituel qu'un gouvernement aille à l'encontre des vœux de la population. Celui de Jean Charest le fait presque quotidiennement. Ce qui est plus rare, c'est de voir l'opposition en faire aussi bon marché en même temps.
Déjà, l'automne dernier, un sondage Léger Marketing-Le Devoir indiquait que près de 60 % des Québécois s'opposaient à ce que l'État finance entièrement le nouvel amphithéâtre que le maire Labeaume voulait construire à Québec. À en juger par les réactions à l'annonce de jeudi, ils n'ont pas changé d'idée.
Bien entendu, les avis étaient diamétralement opposés selon que les personnes interrogées résidaient dans la région de Québec, où 75 % étaient favorables à l'idée, ou à Montréal, où 67 % s'y opposaient. Profondément allergique à la contrariété, le maire Labeaume avait décrété que le sondage était dans l'erreur.
Tout le monde reconnaît les talents de vendeur de M. Labeaume. Il arrivera sans doute à convaincre ses électeurs des mérites de son plan de gestion de la dette, qui doit permettre de financer la construction du nouvel amphithéâtre sans hausse de taxes. De toute manière, la population de Québec semble prête à payer le prix du retour des Nordiques. À plus forte raison s'il est possible de refiler la moitié de la facture à d'autres.
Il appartenait au premier ministre Charest de fixer les limites de la participation de l'État. Il a déclaré que tous les Québécois admiraient la capitale pour sa brillante performance économique des dernières années. Précisément, il y a d'autres régions où les besoins sont plus criants. Et dans toutes les régions, il y a des gens plus mal pris que les propriétaires du club de hockey qui s'installera — peut-être — dans un édifice dont le coût réel demeure inconnu, mais qui pourrait facilement atteindre le demi-milliard.
Bien sûr, Québec n'est pas Montréal. On ne peut pas s'attendre à ce que le secteur privé assume la totalité des coûts, comme cela a été le cas du Centre Bell. De là à ne pas y mettre un sou...
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M. Charest a déclaré qu'il s'agissait d'une «décision mûrement réfléchie», fondée sur une «étude sérieuse», en l'occurrence celle d'Ernst & Young, qui avait provoqué un éclat de rire général lors de sa publication. C'était bien la première fois qu'on présentait Charlottetown comme une «agglomération avoisinante» de Québec.
La seule conclusion qui semblait indiscutable était que l'amphithéâtre ne serait «rentable» qu'à la seule condition que l'État assume tous les coûts de construction. Une parfaite illustration de ce qu'on appelle la nationalisation des risques et la privatisation des profits.
Il y a dix ans, Bernard Landry avait préféré sacrifier le zoo de Québec plutôt que d'y laisser flotter le drapeau canadien. L'épisode de la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham a cependant démontré que le PQ est maintenant prêt à toutes les compromissions pour reconquérir la capitale.
Il est impossible de dire dans quelle mesure le départ des Nordiques peut expliquer la performance décevante du OUI lors du référendum de 1995, mais plusieurs n'ont pas pardonné au gouvernement Parizeau de les avoir laissés partir.
La députée de Taschereau, Agnès Maltais, s'est indignée de l'absence de toute participation financière d'Ottawa, mais elle s'est bien gardée de reprocher au gouvernement Charest d'avoir augmenté sa propre participation en conséquence.
Si toute occasion de blâmer le fédéral est bonne pour le PQ, cela ne change rien à la question de fond. Quelle que soit la façon dont les différents paliers de gouvernement se répartissent la facture, il s'agit toujours de fonds publics.
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Même si le Canadien déménageait à Hawaii, cela ne changerait probablement rien à la répartition des sièges entre les différents partis à Montréal. Sauf pour une ou deux circonscriptions, la carte électorale de la métropole est presque immuable.
Il en va tout autrement de Québec et, plus généralement, de l'est du Québec, où les allégeances politiques sont nettement plus changeantes. Coïncidence, ce sont également les régions où les Nordiques étaient les plus populaires. C'est ce vote nordique qui va déterminer le résultat des prochaines élections.
Le maire Labeaume a vanté le «courage politique» de Jean Charest. Il est vrai que le premier ministre n'est pas d'un naturel peureux, mais cela n'a rien à voir. Vous souvenez-vous de la dernière fois que M. Charest a signé des autographes?
S'il y en a un qui a fait preuve de courage dans les circonstances, c'est plutôt Gérard Deltell. D'un point de vue adéquiste, construire un amphithéâtre sans la moindre participation du privé constitue une véritable hérésie, mais il n'y a point de salut pour l'ADQ hors de la région de Québec. Les choses auraient été plus compliquées pour M. Deltell s'il était en mesure d'empêcher quoi que ce soit, mais il a au moins fait un effort pour accorder son discours à ses principes.
À Québec, on fait le pari que Stephen Harper, qui n'a pas l'excuse de l'impuissance, ne pourra pas être aussi scrupuleux. C'est possible, mais Ottawa peut maintenant s'en tirer à bien meilleur prix.


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