Le sommeil culturel de la jeunesse québécoise

Grève étudiante - novembre 2007


Je suis étudiant. Normalement, à ce titre, je devrais écrire cette lettre
ouverte pour décrier le dégel des frais de scolarité, pour critiquer le
sous-financement des cégeps et universités ou pour prendre position sur
l’utilisation ou non de la grève générale illimitée. Mais il n’en sera
rien.
Cette lettre s’adresse à mes confrères étudiants. J’aimerais témoigner à
mes pairs d’une histoire qui m’est arrivée il y a quelques semaines et qui,
je l’estime, prend sa place dans le récit historique du peuple québécois.
Nous étions au moins deux cents à s’être présentés lors de l’assemblée
générale de l’AGEFLESH qui s’est tenue le 3 octobre à l’Université de
Sherbrooke. Certains venaient pour voter pour la grève ; d’autres pour
voter contre. Certains venaient pour voter pour la gratuité scolaire ;
d’autres pour voter contre. Mais j’étais venu pour une autre raison.
J’étais venu pour qu’on apporte enfin un peu d’importance à un droit qui
fut oublié par les associations étudiantes : le droit à une éducation en
français. Ce droit est pourtant garanti par la Charte de la langue
française (article 6) et la Déclaration des droits et responsabilités des
étudiantes et étudiants de l'Université de Sherbrooke (chapitre I, article
3). Ainsi, la Charte déclare que « [t]oute personne admissible à
l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet enseignement en français.
»
Puisque les associations étudiantes luttent pour le droit à l’éducation,
je m’étais dit qu’il serait logique qu’elles luttent aussi pour le droit à
une éducation en français. Visiblement, je m’étais trompé royalement.
Lorsqu’il fut temps au cours de l’assemblée d’adopter des revendications,
j’ai fait une proposition. Je souhaitais que l’AGEFLESH se prononce pour
que l’accès aux cégeps anglophones ne soit réservé qu’aux personnes dont
l’un des parents a fait l’essentiel de son enseignement primaire en anglais
au Québec, comme c’est déjà le cas pour les écoles primaires et
secondaires. Ma proposition stipulait aussi qu’on mette en place un
plafond afin que le financement des cégeps et universités anglophones
accordé par l’État québécois ne dépasse pas le poids de la population
anglophone au sein du Québec et tienne compte de la philanthropie et du
financement fédéral.
Je venais à peine de finir de lire ma proposition que j’entendais du monde
dire qu’elle était irrecevable. On vota immédiatement, sans débat. Je
n’avais même pas pu expliquer la raison d’être de ma proposition. Résultat
: moins d’une dizaine d’étudiants et d’étudiantes votèrent avec moi contre
l’abandon de la proposition.
Que je repense à cet événement, je me dis que nous, les jeunes du Québec,
sommes profondément endormis. Nous souffrons de ce que je qualifierais de
« coma culturel ». Nous luttons pour tout : l’environnement, la justice
sociale, le respect des autres peuples… mais luttons-nous pour nous?
Luttons-nous pour protéger la Charte de la langue française? Luttons-nous
pour défendre notre pouvoir laissé démocratiquement entre les mains de
l’Assemblée nationale contre le pouvoir des juges nommés par le
gouvernement fédéral? Luttons-nous lorsque les médias nous apprennent
qu’une future agente des douanes nous insulte?
Nous sommes bien loin de 1968. À l’époque, les membres de l’UGEQ
militaient pour s’opposer au Bill 68 et en criant « McGill français! » dans
les rues de Montréal. Depuis, le militantisme estudiantin en faveur de la
langue française s’est carrément endormi. À quand le Grand Réveil?
Maxime Schinck

Étudiant en Études politiques appliquées

Sherbrooke
****
Par ailleurs, j'ai réussi à faire publier [une lettre dans Le Devoir->9853] jeudi
dernier je crois. Cette lettre faisait un parallèle entre le débat sur le
mode de scrutin et le clivage fédéraliste/souverainiste.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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