Dans une longue entrevue accordée cette semaine au magazine français L'Express, l'époux de la gouverneure générale jette un voile sur son passé, considère que le Québec se définit d'abord en termes ethniques et pense que la monarchie canadienne est dépassée.
En entrevue dans L'Express daté du 30 juin, le cinéaste Jean-Daniel Lafond, conjoint de la gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean, affirme que «le nationalisme québécois ne sert plus». À son sens, on défend au Québec un idéal étatique fermé et ethniciste fondé sur l'appartenance biologique. Il affirme n'avoir jamais compris «qu'au Québec on puisse se définir d'abord par le sang, alors que, s'il y a bien un sang métissé, c'est celui-là». Selon lui, «le combat pour le Québec libre est mort en octobre 1970», c'est-à-dire à l'époque de l'enlèvement du ministre Pierre Laporte par le Front de libération du Québec.
Présenté comme un Français d'abord dans le magazine parisien, Lafond affirme qu'il aurait pris le parti du système politique canadien dès son arrivée au Québec en 1974. À l'époque, raconte-t-il, il a tout de suite «cru profondément que le vrai combat était non pas celui du séparatisme — une aberration géopolitique — mais celui mené pour la culture».
Dans un livre publié en 1993 aux éditions de l'Hexagone, Lafond affirmait pourtant partager des positions indépendantistes. «Alors, un Québec souverain? Un Québec indépendant? Oui, et j'applaudis des deux mains et je promets d'être de tous les défilés de toutes les Saint-Jean...», écrivait-il. Dans le film qui a donné lieu à ce livre, Lafond trinquait même à cette perspective.
Entre son arrivée au Québec et son élévation par association dans le système monarchique colonial, Jean-Daniel Lafond a fréquenté pendant plusieurs années des personnalités du monde indépendantiste québécois, dont les cinéastes Pierre Perrault et Gilles Carle. Il a aussi engagé un ancien membre du Front de libération du Québec, Jacques Rose, pour effectuer des travaux de menuiserie à son domicile à l'époque où il tournait par ailleurs un film avec d'anciens felquistes, dont Robert Comeau, Francis Simard et Pierre Vallières.
Le nationalisme québécois lui apparaît aujourd'hui comme «un obstacle à l'expansion du Québec». Il montre du doigt la «déperdition de l'enseignement de la langue française au Québec». Lafond plaide que «ce n'est pas le gouvernement fédéral qui organise cette dégradation». Il ajoute que «le pourcentage d'individus qui ne peuvent pas lire correctement un journal en français au Québec est énorme».
La force du mot «Canada», prétend-il aujourd'hui en entrevue, «est plus grande que celle du mot Québec. Le Québec est la réduction à une principauté de ce qui est un royaume».
La couronne britannique qui coiffe ce royaume a tout de même permis à sa troisième épouse d'exercer les fonctions qui sont les siennes depuis plus de cinq ans. Lafond n'en minimise pas moins, en entrevue à L'Express, l'importance de la reine Elizabeth et de son pouvoir au moment même où celle-ci visite le pays des érables: «Le Canada britannique est en train de s'effilocher, les liens avec la couronne sont symboliques», tranche-t-il. Lafond affirme avoir profité du mandat de son épouse «pour repousser les murs jusqu'à l'extrême» du cadre de la fonction. À titre de symbole de la monarchie canadienne, le couple Jean-Lafond tirera sa révérence royale à l'automne. En plus de ses frais de représentation et du bénéfice de deux résidences, la gouverneure générale du Canada touche un salaire annuel de 123 900 $. Le conjoint n'est pas rémunéré, même s'il est assermenté et jouit d'un statut officiel au nom de la monarchie.
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