(Article publié dans Le Devoir du 30 mai 2007)
Le retour de Pauline Marois à la politique active et l’accueil enthousiaste qu’il a suscité est sans doute la meilleure chose qui soit arrivée au Parti québécois depuis des lustres. Nous avions personnellement soutenu sa candidature lors de la course à la direction, il y a 18 mois, parce qu’elle était la seule à disposer de la compétence et de la crédibilité pour, dans un premier temps, rassembler les diverses familles qui cohabitent au sein du mouvement souverainiste et, dans un deuxième temps, rallier l’électorat souverainiste. Le Parti québécois avait alors fait un autre choix qui s’est avéré désastreux et qui nous ramène aujourd’hui à la case départ et où il doit reprendre l’exercice de l’élection d’un nouveau chef.
Le Parti québécois semble s’être piégé par cette procédure du vote universel, car, depuis 1985, les deux seuls chefs élus de cette façon ont été éjectés rapidement après usage. Ayant abandonné le mode de sélection par un congrès des militants, il ne semble pas y avoir d’autre avenue que le couronnement pour choisir un chef durable et consensuel.
Selon toute vraisemblance, celle que les péquistes avaient rejetée sans ménagement s’apprête à lui réserver un couronnement, car on ne voit pas très bien dans les circonstances actuelles comment une véritable course pourrait avoir lieu, hormis la présence sur les rangs de quelques téméraires figurants.
Le couronnement est avantageux actuellement pour le Parti québécois qui n’a pas les ressources pour financer l’élection de son chef au suffrage universel. De plus, la logique du couronnement donne les coudées franches au nouveau chef qui ne devra sa victoire qu’à lui-même et qui pourra dès lors effectuer les transformations qu’il juge nécessaires. Dans ces conditions, Pauline Marois sera libre d’imposer les nouveaux paramètres du discours péquiste. Elle a déjà annoncé ses couleurs résolument souverainistes et social-démocrates. Mais pour faire écho aux résultats de la dernière élection, elle entend mettre en veilleuse les échéanciers référendaires, faire la promotion du projet de pays, ramener la problématique identitaire sur le devant de la scène idéologique et moderniser la social-démocratie. Elle veut rassembler de la gauche vers le centre de l’échiquier politique jouant à la fois de la lucidité et de la solidarité. En l’absence d’une course et d’un débat entre candidats, elle ne sera pas obligée de préciser ses positions et pourra satisfaire toutes les sensibilités idéologiques du Parti québécois.
Mais, si ce vent d’unanimisme qui souffle en ce moment sur le Parti québécois peut légitimement relancer les espoirs de victoire à la prochaine élection, il ne règle pas le problème fondamental du Parti québécois qui tergiverse depuis trente ans sur la réalisation de la souveraineté et qui jongle avec une équation insoluble. Pour réaliser la souveraineté, il faut prendre le pouvoir et organiser un référendum. Pour prendre le pouvoir, il faut faire la promotion d’un programme de bon gouvernement et mettre une sourdine à celle de la souveraineté. Une fois au pouvoir, il faut gouverner et combattre l’opposition au Québec et celle du gouvernement canadien qui jouissent de l’appui des médias. Au mieux, on attend le référendum pour parler de souveraineté, on le déclenche et on le perd, au pire on attend les conditions gagnantes. L’histoire des trente dernières années a au moins démontré que cette approche était inefficace et que gouverner une province ne permet pas de faire avancer la souveraineté dans l’opinion publique puisque depuis 1976, le soutien à la souveraineté est relativement stable.
La stratégie étapiste du Parti québécois est fondée sur une faille logique. Comment prétendre pouvoir être un bon gouvernement dans le cadre du statut provincial et tenter de justifier en même temps la nécessité de la souveraineté? Comment convaincre les Québécois de faire la souveraineté si le système fédéral ne nous empêche pas de bien gouverner et d’adopter des législations qui font progresser le Québec? Cette ambiguïté est manifestement contreproductive et entretient notre impuissance politique. Pauline Marois, pour l’instant, n’a rien proposé pour sortir de cette contradiction.
Si une réflexion doit s’amorcer au Parti québécois, ce n’est pas tant sur la modernisation de l’État que sur la méthode de construction d’une volonté politique favorable à l’indépendance du Québec et sur le rôle des militants dans ce processus. Comment un parti peut-il assumer une fonction de rassemblement essentielle pour gagner une élection et une fonction tribunicienne indispensable pour convaincre de la nécessité du changement politique?
Le Parti québécois n’est pas un parti comme les autres et ne doit pas être une simple machine à gagner des élections. Il est porteur d’un projet de pays et il doit constamment faire la bataille de la souveraineté. Pour être un parti de combat, il doit mobiliser des militants qui seront en campagne référendaire permanente et qui ne dissocieront pas action électorale et promotion de la souveraineté. Il doit offrir une structure d’encadrement, de formation et de militance à tous ceux et celles qui veulent l’indépendance du Québec. S’il faut rénover le Parti québécois, il faudra aussi chercher le moyen de résoudre cette contradiction entre l’essentiel et l’accessoire.
Le retour de Pauline Marois et la rédemption du PQ
Ce vent d’unanimisme ne règle pas le problème fondamental du Parti québécois qui tergiverse depuis trente ans sur la réalisation de la souveraineté et qui jongle avec une équation insoluble.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé