Au pays des géants

L'enthousiasme avec lequel on a suivi les premiers méandres de la lutte au leadership du Parti québécois est révélateur de bien des choses.

Ah! Que vienne un PQ SANS projet de pays !...


C'est le temps des hyperboles. Samedi, le quotidien Le Devoir nous conviait, en manchette, à "un combat de géants". Le jour même, on apprenait que l'affrontement entre Pauline Marois et Gilles Duceppe pour la direction du Parti québécois n'aurait pas lieu, parce que l'un des colosses s'était désisté. Le combat de titans est donc devenu un couronnement, une autre hyperbole qui, par définition, suggère la présence d'un ou d'une monarque.
Cette démesure, que Le Devoir exprimait avec un enthousiasme prévisible, on la retrouvait cependant partout. Combien de pages de journaux, d'heures de radio ou de télé, de savantes analyses a-t-on consacrées à ce combat qui n'a pas eu lieu? Comme si la lutte pour la succession d'André Boisclair était l'événement politique de l'année, sinon de la décennie.
Et pourtant, dans la vraie vie, l'événement politique de l'année, c'est la montée remarquable de l'ADQ, qui a forcé les libéraux à former un gouvernement minoritaire et a relégué le PQ au rôle de tiers parti. Par ce choix, les Québécois envoyaient des messages à la classe politique et exprimaient leurs préoccupations et leurs priorités.
Les Québécois sont préoccupés par les accommodements raisonnables et sont tannés du débat constitutionnel? On va leur "parler du pays", selon la seule prétendante au trône, Pauline Marois. Ils sont tannés des syndicats, de la culture étatique et veulent qu'on aborde des questions concrètes? On leur propose une réflexion sur le nouveau sens qu'il faut donner à un parti de centre gauche. Ils sont tannés des vieux politiciens? On leur propose une politicienne qui est là depuis des lustres.
L'enthousiasme avec lequel on a suivi les premiers méandres de la lutte au leadership du Parti québécois est révélateur de bien des choses. À quel point les élites politico-médiatiques n'ont pas compris le message des électeurs et s'empressent de retrouver leurs bons vieux débats. À quel point le PQ, malgré ses déboires, exerce une influence et une attraction sur nos classes pensantes.
Sur le plancher des vaches, cette lutte au leadership n'aura rien de triomphant. D'une part, parce que le véritable enjeu est relativement modeste, assurer la survie et la pertinence du PQ et le sortir de cet état de tiers parti. Et que le débat ne permettra pas au PQ de guider les Québécois dans leurs nouvelles préoccupations. Il lui permettra, au mieux, de rattraper la société québécoise. Tout cela est nécessaire et louable. Mais il n'y a rien là pour susciter une admiration béate. La sagesse voudrait que l'on retienne nos applaudissements.
Car les péquistes partent de loin et le chemin sera long. D'une part, parce que, depuis 20 ans, le Parti québécois, à l'aise dans les déchirants combats fratricides, n'a pas manifesté de grandes aptitudes aux débats d'idées, comme le rappelle la dernière lutte au leadership, un festival de la langue de bois.
Et d'autre part, parce que la méthode choisie, la nomination de Mme Marois, comporte ses risques. Il est vrai qu'il donne à la candidate un solide rapport de force, qui lui permet d'imposer ses conditions à un parti qui n'a pas le choix. Cela évite les dérapages, mais l'unanimisme de façade et l'absence de débats pourra masquer bien des choses. Cela fait oublier à quel point la réflexion sera difficile.
On oublie que si l'ex-ministre est extrêmement compétente, elle n'est pas une réformatrice. Elle a incarné, tout au long de sa carrière, la social-démocratie classique, les grands programmes coûteux et la proximité avec les appareils syndicaux. Elle a dit, il n'y a pas si longtemps, que son coeur était du côté des solidaires. Et pendant la dernière course au leadership, elle n'a pas été plus capable qu'André Boisclair de contester le programme fou que s'était donné le parti.
Sa conversion est récente, et a manifestement été imposée par la débâcle électorale. Et elle est modeste. Il n'y a rien de bien révolutionnaire, sauf au PQ, à parler de création de richesse. Et dire qu'on ne veut plus être prisonnier d'un calendrier référendaire n'est rien d'autre que le retour à la doctrine qu'exprimaient Lucien Bouchard et Bernard Landry avec les conditions gagnantes. Mme Marois est toujours persuadée que les Québécois veulent la souveraineté, et entend donc leur parler du pays.
Bref le déni est encore là. On l'a vu dans l'autocongratulation entourant les premiers épisodes du processus de remplacement d'André Boisclair, qui montre que la tentation est forte de voir les déboires du parti comme une parenthèse à oublier. On le voit aussi, quand on creuse un peu, dans la grande timidité du virage proposé par Mme Marois.


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