Nous sommes le 15 novembre 2005, dans un resto du Vieux-Québec. La place est pleine de partisans de Pauline Marois, mais l'ambiance est maussade comme le temps automnal à l'extérieur. André Boisclair vient d'écraser sa rivale au premier tour, et est élu facilement nouveau chef du Parti québécois.
Dans un coin, Mme Marois prend un verre de vin avec des proches collaborateurs et quelques journalistes. Battue, abattue un peu aussi, elle a le sentiment d'avoir fait du mieux qu'elle pouvait. Elle a aussi la certitude d'avoir fait le tour du jardin.
«Je ne veux pas le dire publiquement tout de suite, parce que cela nuirait à André (Boisclair), mais je vais partir, m'avait-elle confié. Je ne vois pas ce que je ferais de plus, franchement, j'ai tout fait au PQ et au gouvernement.»
En effet, Mme Marois a laissé retomber la poussière et a annoncé son départ le printemps suivant, il y a un peu plus d'un an. Sortie côté jardin, où elle est allée prendre l'air en s'occupant de ses fleurs.
Depuis le 26 mars, quand il est devenu évident que les jours d'André Boisclair étaient comptés, Pauline Marois avait laissé entendre à des amis qu'elle ne reviendrait que si on lui promettait un couronnement. Plus de course, pas question de se faire battre encore une fois, une troisième fois, et même une quatrième en comptant celle où elle a été battue avant la course par Bernard Landry en 2001.
Comme le scénario du tapis rouge était improbable, Mme Marois ne s'engageait pas beaucoup en évoquant un possible retour. Et puis l'inattendu s'est produit.
Le Parti québécois, qui a la mauvaise habitude de chercher des messies pour occuper le fauteuil du chef, s'est plutôt retourné vers une valeur sûre, une femme qui a passé les 30 dernières années de sa vie au sein du parti.
Si la «course» à la direction du PQ semble gagnée d'avance pour Pauline Marois, la suite des choses s'annonce plus complexe. Tous reconnaissent la ténacité et l'expérience hors du commun de Mme Marois, mais comme toute personne qui a passé tant d'années en politique, elle a aussi laissé derrière elle des déclarations, des échecs et des contradictions que ses adversaires libéraux et adéquistes s'empresseront de ressortir.
Le retour est triomphal, ce qui masque un peu, pour le moment, les défis à venir.
En voici cinq, cruciaux pour Pauline Marois au cours des prochains mois.
Parler vrai, éviter les mots creux
Mario Dumont au Québec, Stephen Harper à Ottawa, Nicolas Sarkozy en France; l'heure est aux "cols bleus" de la politique. Les électeurs en ont ras le bol du blabla, ils en ont assez de se faire bercer par des discours creux, ils veulent du "parler vrai".
Pauline Marois n'a pas exactement le profil d'une col bleu; elle fait plutôt grande dame et a tendance à parler une langue bureaucratique abstraite pour le commun des électeurs. Elle connaît les dossiers en santé, en éducation, en développement économique, elle en a fait la preuve lors de la dernière course à la direction du PQ. Reste à les expliquer avec ses tripes plutôt qu'avec sa tête seulement.
Sans verser dans un populisme qui ne lui irait pas, la future chef du PQ doit trouver le ton et les mots pour rejoindre les Québécois.
Éviter les querelles intestines
Depuis que le PQ existe, le débat sur la date du prochain référendum a toujours empoisonné son chef.
Jacques Parizeau avait mis cartes sur table avec son horizon d'un an après la prise du pouvoir par le PQ.
Lucien Bouchard, voyant qu'il aurait été suicidaire de recommencer à court terme, avait inventé le concept des conditions gagnantes.
Bernard Landry a longuement jonglé avec la « patate chaude «, optant finalement pour l'expression: dès que possible. André Boisclair a dû par la suite vivre (et mourir) avec: dès que possible dans le premier mandat... Pour calmer la base militante extrême, les chefs du PQ ont aussi pondu des formules accrocheuses, comme les 1000 jours vers la souveraineté et d'autres slogans qui tenaient plus du marketing que de la realpolitik.
On a vu où tous ces débats ont mené le PQ.
Pauline Marois revient maintenant en disant: un référendum quand ce sera possible, mais il est possible qu'il n'y en ait pas. Elle a dit cela il y a quatre jours et elle n'a pas été décapitée. Premier test réussi, donc. Reste à maintenir le cap, à tuer dans l'oeuf les débats stériles sur la date référendaire et à considérer les «purs et durs» pour ce qu'ils sont: une minorité bruyante, mais déconnectée de la majorité de leurs concitoyens.
Préparer les prochaines élections
Mme Marois veut de la social-démocratie. Mais quoi au juste? Quelles sont ses priorités sociales et économiques? Quelles solutions pour le financement de la santé et de l'éducation? Pour la dette? Pour les crises industrielles, comme celle qui tue l'industrie forestière? Quels plans pour les régions, mais aussi pour Montréal?
Beaucoup de questions, peu de temps pour y répondre. Nous ne sommes plus dans un contexte où un nouveau chef a quatre ans pour préparer les prochaines élections. Pauline Marois n'a que quelques mois devant elle, 12, 18 mois peut-être, ce qui est peu dans un parti souffrant de consultite aiguë.
Réunir la gauche, centre gauche
Quelques dizaines de milliers d'électeurs à Québec solidaire et aux verts, quelques milliers d'autres qui restent à la maison, cela a coûté au bas mot cinq sièges au PQ le 26 mars. La division de la gauche, c'est une évidence, favorise la droite. À défaut de ramener les chefs de QS au PQ, Mme Marois doit convaincre leurs électeurs de voter «gauche utile» pour freiner l'ADQ.
Renouveler la base militante du PQ
Depuis des années au PQ, on voit toujours les mêmes visages radoter les mêmes vieilles chansons. L'arrivée des nouveaux députés, Bernard Drainville, Pascal Bérubé et Alexis Wawanoloath, entre autres, fait déjà le plus grand bien au PQ. Ce serait bien, aussi, d'entendre parfois d'autres militants qu'Yves Michaud ou Marc Laviolette. Surtout s'ils parlent d'autre chose que de stratégie référendaire ou de la loi 101.
Courriel Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
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