Rémunération secrète de Jean Charest

Le «Qui» et le «Quoi»

Chronique de Louis Lapointe

Les faits :

1998.






Jean Charest démissionne de son poste de chef du PPC et vend sa maison de la Capitale fédérale

450,000$






Des supporters de la venue de Jean Charest constituent un fonds pour appuyer sa candidature à la course à l’investiture libérale qui n’aura pas lieu.

500,000$








Jean Charest contracte une hypothèque en vue de l’achat d’une maison
à Westmount.

400,000$







Jean Charest conclut une entente secrète avec le PLQ pour recevoir une rémunération supplémentaire de 75,000$.

750,000$






Jean Charest achète une maison à Westmount.

1,500,000





Jean Charest est couronné chef du PLQ sans opposition.




***

Étonnamment, le débat qu’a suscité Jean Charest en avouant avoir reçu 750, 000$ du PLQ depuis 1998 a rapidement dévié sur l’épineux sujet de la juste rémunération des membres de l’Assemblée Nationale, le «Quoi», oblitérant totalement la question de la provenance des fonds, le «Qui».

Alors que nous nous serions attendu à ce que les journalistes de la colline parlementaire se précipitent aux portillons pour poser toutes les questions demeurées sans réponse depuis 1998 au sujet de l’utilisation des sommes versées dans le Fonds Jean Charest et du nébuleux pont d’or qui lui aurait été payé, ce sont plutôt des justificatifs qui se sont faits entendre tout au long de la journée de la part de savants commentateurs de la scène politique. Le spin ayant fait son œuvre, Jean Charest a été présenté comme une victime de la situation plutôt que comme l’auteur de sa propre maladresse, étonnant revirement ! Toute la journée, nous avons entendu parler de la légendaire pauvreté de nos premiers ministres et des députés qui siègent à l’Assemblée nationale.

Est-ce que la presse aurait eu la même magnanimité à l’endroit d’un député qui aurait secrètement reçu pendant dix ans un salaire supplémentaire constitué de sommes versées par un groupe de citoyens de son comté via des contributions au parti qu’il représente à l’Assemblée nationale? Poser la question, c’est y répondre. Non.

Que l’incident Jean Charest ait provoqué une discussion sur le salaire du premier ministre et les membres de l’Assemblée nationale, c’est une bonne chose en soi. Marc-André Blanchard, ancien président du PLQ, a raison lorsqu’il dit que le versement d'un salaire constitue la meilleure façon de mettre à l'abri le premier ministre de toute pression ou tentative de corruption.

Est-ce à un parti ou un groupe de citoyens de supporter le salaire supplémentaire d’un membre de l’Assemblée nationale? La réponse est non. Parce qu’en voulant protéger les membres de l’Assemblée nationale par le versement d’un salaire supplémentaire, on les vulnérabilise, on altère cette indépendance si chère aux citoyens, celle-ci étant la première garantie de la probité de nos représentants et de nos juges. Il s’agit donc là d’une question fondamentale de nature morale et éthique qui ébranle la confiance du public à l’endroit de son premier ministre et dont les médias banalisent l’importance en la traitant avec la légèreté d'un fait divers.

En acceptant un salaire supplémentaire de son parti, non seulement Jean Charest n’a pas eu le courage de susciter le débat à l’Assemblée nationale sur la question de la rémunération des députés et ministres, ce qu’il aurait dû faire dès son élection en 2003, mais en plus, il a donné ouverture aux doutes que soulèvent les nombreuses questions qui se posent au sujet de la provenance des fonds qui financent son salaire supplémentaire et sur le mythique pont d’or qui lui aurait été édifié, dont tout le monde a entendu parler, mais que personne n’a jamais vu.

Jean Charest doit non seulement régler rapidement la question de la rémunération des membres de l’Assemblée nationale, mais en plus, afin de dissiper tous les doutes qu’il a pu susciter par ses aveux et ses agissements concernant la rémunération supplémentaire reliée à sa charge de premier ministre, il doit le plus rapidement possible, dans l’honneur et la dignité, divulguer les détails concernant les sommes qu’il aurait reçues depuis qu’il a quitté la direction du PPC et doit, sans tarder, déposer à l’Assemblée nationale l’entente secrète qu’il a conclue avec le PLQ. C'est une simple question de morale et d'éthique.

Louis Lapointe

Brossard

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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