Le Québec sur le divan: étendez-vous, relaxez...

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Livres - 2008


Daniel Lemay - D'emblée, j'avais trouvé l'idée bonne de demander à des «psy», les médecins de l'âme, leur diagnostic après avoir eu «le Québec sur le divan» pendant les longues semaines qu'ont duré les audiences de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.


Crise identitaire, repli sur soi, transfert et autres déplacements: toutes des affaires sérieuses. Mais peut-être aussi allions-nous rigoler un peu, l'humour ne se posant aucunement en obstacle au principe de réalité. Par contre, la présence de mon éminent collègue - et voisin d'îlot - Éric Clément (Les Français de Montréal) comme codirecteur du projet ne laissait aucun doute sur le caractère rigoureux de celui-ci.
On allait apprendre des choses. Sur le «nous» et sur le «eux», sur les psy et la psychologie et la psychanalyse, méthode inventée par le neurologiste autrichien Sigmund Freud (1856-1939) qui s'est beaucoup intéressé aux blessures de l'enfance
Comme quand un enfant est abandonné par sa mère-patrie avant de «manger sa volée» contre John Bull sur les Plaines. Abandon + défaite: cette «double blessure» est à la source de la personnalité «borderline» qu'a développée le Québec depuis trois siècles, écrit Marc-Alain Wolfe, l'instigateur de ce Québec sur le sofa où, dans le premier chapitre, il livre un diagnostic à l'emporte-pièce. Inquiétude identitaire, remise en question perpétuelle, instabilité, impulsivité sont autant d'arguments affirmant le «trouble» de la personnalité «limite» dont souffrent les Québécois de souche.
Dans une section intitulée «La question juive au Québec», M. Wolfe, un Français d'ascendance juive immigré au Québec il y a 25 ans, explique par contre que le judaïsme religieux, tel que pratiqué par les juifs hassidiques d'Outremont, est un «espace névrotique qui vise à calmer l'anxiété», une «orthopraxie» qui aide à résister à l'assimilation.
Avant de proposer des objectifs «thérapeutiques» (à la seule société d'accueil), le Dr Wolfe s'interroge finalement sur la pertinence de la commission Bouchard-Taylor: «Est-il souhaitable de libérer la parole à ce point?» Drôle de question venant d'un homme qui vient de prendre 20 pages pour vider son sac. En espérant que ça lui a fait du bien.
Le lecteur trouvera l'atmosphère plus propice à l'ouverture chez le Dr Hubert Wallot, qui soutient qu'«être Québécois, c'est assumer l'histoire du Québec depuis ses origines», quelles que soient la langue, la race et la religion du sujet. Et de rappeler, de 1534 à 1995, les grandes dates de cette «histoire douloureuse» qu'on a peut-être trop longtemps refoulée. Pour le Dr Wallot, il existe un seul antidote à cette «pathologie de l'oubli»: l'éducation.
À cet égard, écrit quant à elle Rose-Marie Charest, la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, l'école doit représenter le lieu unique où tous les enfants québécois doivent recevoir «l'éducation commune de base» sans que la religion n'empiète sur le processus. L'intégration, insiste Mme Charest, est une «responsabilité partagée». Zone sensible: la place et l'image des femmes
Attention, là! lance Marie Hazan, qui propose le texte le plus solide du livre: ceux et celles qui dénoncent, par exemple, le port du voile islamique comme symbole de domination ne sont pas toujours «si rapides à défendre les femmes en d'autres circonstances». Toujours dans la dynamique des sexes: le Québec manquerait de pères, ce qui expliquerait ses «rapports compliqués avec ses dirigeants, ces pères symboliques». Beau sujet de réflexion dominicale, tout comme la conclusion «politique» de cette Québécoise d'ascendance juive libanaise: «Pour des raisons historiques, le projet national québécois rassembleur des «immigrants» reste encore à construire». Mme Marois? M. Dumont?
Entretemps, les problèmes interculturels se résolvent mieux dans des groupes «à taille humaine», avance le Dr Michel Messier: «Quand de grands groupes se confrontent, l'anonymat règne et la responsabilité individuelle est diluée». Le Dr Messier, qui pratique autant à Montréal, à Amos que dans le Grand Nord, est d'avis que «notre société n'est pas malade» mais, à l'instar de la majorité des Québécois, prétend qu'on aurait intérêt à laisser «dans la sphère privée, individuelle ou familiale, les facteurs qui nous divisent».
Nombreux seront les lecteurs - et j'en suis - à apprécier la critique média d'Abdelaziz Chrigui, musulman laïque et président de l'Association marocaine qui soutient que le Québec est «beaucoup plus solide qu'on pense». D'intérêt aussi: les expériences personnelles de Suzanne Lamarre comme psychiatre de crise et militante du Mouvement laïque québécois à Outremont.
On va passer sur les positions du «Doc» Pierre Mailloux parce qu'on les connaît assez bien. Laissons-nous sur une citation du Dr Gerald Wiviott, spécialiste de la psychologie du fondamentalisme: «Connaître la vérité, ou croire que quelqu'un est en possession de la vérité, affecte profondément la personnalité. () Le fanatique ne veut rien de plus qu'aider ceux qui n'ont pas encore trouvé la vérité.»
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LE QUÉBEC SUR LE DIVAN
Ouvrage collectif - Voix Parallèles

190 pages

29,95$


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