Tous ces discours sur la nation québécoise m'incitent à partager à nouveau avec vous une chronique écrite au lendemain de la dernière Saint-Jean.
CHRONIQUE DU DIMANCHE 25 JUIN 2006
C'était hier la Fête nationale du Québec. Mais était-ce vraiment la Fête nationale du Québec? Parce qu'une fête nationale, normalement, c'est la fête d'un pays. Et le Québec n'est pas un pays. Ben non. Pas encore, disent ceux qui fêtent le plus la fête nationale du pays qui n'en est pas un encore. Nous sommes les seuls, les Québécois, à fêter avant le temps, avant l'événement. Comme si les Français avait fêté le 14 juillet avant de prendre la Bastille. Comme si les Américains fêtaient le 4 juillet avant d'être devenus indépendants.
On appelle ça mettre la charrue devant les boeufs. Ou, en langage de 24 juin, mettre le char allégorique avant les polices. Le problème avec le fait de fêter une fête nationale avant d'avoir fait les gestes qui permettent de devenir un pays, c'est que tu n'as plus vraiment envie de les faire. On est bien. On peut agiter notre drapeau. Chanter Gens du pays. Crier que le Québec est un pays. On se croit entre nous autres. Pas besoin de faire de sacrifice. Aucune tête n'a roulé comme durant la Révolution française. Aucun soldat mort au combat comme durant la Révolution américaine. Même pas besoin d'avoir vécu les soubresauts économiques qu'entraînerait un oui au référendum. On peut continuer à voter non et fêter notre pays le Québec à la Saint-Jean. C'est formidable!
Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter de célébrer une fête nationale? Absolument rien! Plus québécois que ça, tu meurs! On a juste eu besoin qu'un gouvernement déclare que dorénavant le 24 juin n'est plus la fête des Canadiens français, c'est désormais la Fête nationale du Québec. Voilà. C'est tout. Pas plus compliqué que ça. Ça fait pas mal. Bien sûr, le gouvernement qui a voté cette loi est un gouvernement provincial. Donc régional. Mais ça ne fait rien. Il peut décider que c'est une fête nationale quand même. Comme il peut décider de la couleur du beurre est rose. Suffit que monde embarque. Et le monde embarque.
Je n'ai jamais compris pourquoi le PQ agit comme ça chaque fois qu'il prend le pouvoir. En faisant des gestes comme si on était déjà un pays. Au lieu de nous attiser en disant: " Un jour, nous aurons notre Fête nationale! Un jour, nous pourrons fêter notre pays! ", ils font comme si c'était fait. Mais en agissant ainsi, ça ne se fera jamais. Le 24 juin n'est pas vraiment une fête nationale. La ville de Québec n'est pas vraiment une capitale nationale. L'Assemblée nationale n'est pas vraiment une assemblée nationale. Pas encore. Le Québec n'a aucun statut particulier. Le Québec est une province. Si vous voulez que ça change, votez oui.
Parce que la vérité, c'est que le Québec habite encore chez ses parents. Le Québec n'est pas autonome. On peut bien se faire croire qu'on est chez nous, que c'est notre télé, notre poêle, notre frigidaire, notre chambre. Mais en réalité, tout ça appartient à popa et moman. On est chez popa et moman. Notre Fête nationale, c'est le 1er juillet. Notre capitale nationale, c'est Ottawa. En se faisant croire qu'on est chez nous, on va coller là tout le temps. Comme Tanguy. Pourquoi s'en aller si on peut faire tout ce qu'on veut?
On est bien: quand on veut de l'argent, on en demande. Quand y nous en donnent pas assez, on braille. Quand ça va mal, on dit que c'est la faute du fédéral. On n'a pas besoin d'être responsables. Ça nous donne plus de temps pour fêter. Parce que c'est ça qu'on aime. On tient plus au party qu'au pays. Tant que nos parents vont nous laisser mettre la musique fort et nous coucher tard, pourquoi on serrerait notre budget pour vivre en appartement? C'est full pas rap, man!
Les Saint-Jean les plus nationalistes, les plus inspirantes ont eu lieu avant que le 24 juin devienne la Fête nationale. Quand c'était encore un combat. Un but. On sentait un mouvement. Une montée. Depuis que le 24 juin est devenu la fête du pays sans qu'on ait eu besoin de sortir de notre buisson, ça tourne en rond. Tout le monde parle comme si c'était fait, des beaux discours mythomanes. On ne crée un peuple indépendant en lui donnant tout, tout cuit dans le bec.
Que les chefs du PQ cessent de se prendre pour des présidents de la France dès qu'ils sont élus. Qu'ils vivent leur petite vie de premiers ministres provinciaux et qu'ils incitent la population à vouloir plus. On ne boit pas dans la Coupe Stanley avant le début du dernier match. On boit après. Quand on l'a gagnée.
Bien sûr, si votre pays est le Canada, tout est correct. Vous vivez dans la réalité. Et vous avez raison de fêter le 1er juillet. On célèbre l'anniversaire de la confédération. Un événement qui a eu lieu il y a 140 ans. Saint Jean-Baptiste vivait en Galilée. Il n'a pas libéré le Québec. Alors si votre pays est le Québec, il est temps de réaliser que c'est toujours un rêve. Qu'un rêve.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé