Le Québec débarque en Amérique latine

Hydro et le Fonds de solidarité s'apprêtent à ouvrir la voie aux entreprises vers un nouveau monde économique

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Le Fonds de solidarité de la FTQ et Hydro-Québec, deux des plus grands investisseurs du Québec, s'apprêtent à débarquer en force en Amérique latine, ouvrant du coup la voie vers un nouveau monde économique aux entrepreneurs québécois. Privatisations massives des infrastructures, besoins énormes en environnement, développement des secteurs de la santé et de l'éducation, transformation des industries minière et forestière, Équipe Canada explore ces jours-ci un véritable Eldorado en Amérique latine.
Les entreprises canadiennes sont toutefois en retard sur les Européens et les Américains, ce qui les forcera à prendre des bouchées doubles, selon les entrepreneurs qui connaissent la région.
Au Québec, les joueurs majeurs commencent à peine à s'intéresser au sous-continent. Le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ, qui signera d'ici vendredi pour plus de 50 millions de dollars en contrats, et Hydro-Québec, qui place ses pions sur l'immense échiquier hydroélectrique, font figure de pionniers en Amérique latine. Le Fonds de solidarité est aussi de plus en plus présent dans le décor latino-américain. Son vice-président au développement international, Jean-Guy Frenette, est en train de tisser une toile entre le Mexique, le Brésil, l'Argentine et le Chili qui pourrait rapporter gros au cours des cinq prochaines années.
Le Fonds a déjà en poche des contrats pour la modernisation de 200 cliniques de santé en Argentine et des 2600 hôpitaux du Brésil et tente d'obtenir un contrat de construction d'un hôpital. Au Chili, le Fonds vise un contrat de 15 millions de dollars en foresterie. Au Mexique, même si aucun contrat ferme n'a été signé la semaine dernière, les négociations sont en cours pour de gros projets de plusieurs centaines de millions en construction ainsi que pour un train électrique. En Argentine, le Fonds signera aujourd'hui deux protocoles d'entente dans les secteurs de l'énergie et de la santé. "En Argentine, nous sommes en pays de connaissance parce qu'ici, les syndicats ont toujours été en affaires, dit M. Frenette. Et en Argentine, on peut tout acheter parce que tout est à vendre."
Le Fonds joue donc la carte syndicale pour conclure des alliances avec les syndicats argentins qui ont acheté des centrales électriques et deux cliniques de santé au gouvernement lors de la première vague de privatisation. Affaires internationales et promotion du libre échange ne riment toutefois pas naturellement avec Fonds de solidarités des travailleurs de la FTQ. Les visées de M. Frenette en Amérique latine imposent un profond changement de philosophie au Fonds.
Dans un passé pas si lointain, la FTQ disait : "Pas de shop, pas d'union." Aujourd'hui, ce serait plutôt : "Pas d'exportation, pas de job au Québec." Selon les calculs du Fonds, chaque tranche d'investissement de 100 000 $ à l'étranger crée ou maintient un emploi pendant un an au Québec d'où vient le matériel et l'expertise.
En Amérique latine, il y a aussi l'incontournable question du respect des droits de la personne et des travailleurs, deux points chatouilleux des syndicats. Avant d'investir, le Fonds impose un code d'éthique, affirme M. Frenette. "On a l'argent, et avec l'argent, on est capable d'imposer nos conditions, dit Jean-Guy Frenette. Nous sommes de bons citoyens corporatifs, nous voulons faire affaire avec de bons citoyens corporatifs."
Hydro-Québec
Un autre joueur d'impact dans l'économie québécoise, Hydro-Québec, a les yeux rivés sur l'Amérique latine. La conjoncture favorise l'expansion d'Hydro-Québec à l'étranger, a expliqué Luc Thibault, le vice-président d'Hydro-Québec international pour l'Amérique latine, dans une interview à La Presse, hier à Buenos Aires. D'abord, le conseil d'administration de la société d'État vient de débloquer 1,2 milliard de dollars à investir hors Québec au cours des cinq prochaines années. Ensuite, Hydro-Québec international a décroché la semaine dernière un important contrat au Pérou pour la construction d'une ligne de transport d'électricité de 700 kilomètres.
"Le contrat au Pérou est une percée majeure, une première victoire internationale", renchérit M. Thibault. Impossible de dire précisément les retombées au Québec de ce contrat d'un peu plus de 100 millions, mais M. Thibault précise que 60 % de l'équipement sera construit au Québec.
Le but d'Hydro est simple : amener de nouveaux revenus et donner du travail aux entreprises du Québec. Et l'Amérique latine est, en ce moment et pour les trois prochaines années, le marché "le plus propice au monde dans le domaine énergétique", affirme Luc Thibault.
La priorité est le Brésil. Le géant latino doit tout privatiser, et vite, s'il veut effacer son inquiétant déficit. La vente des biens publics se fera au rythme infernal de 30 à 35 milliards de dollars par année au cours des trois prochaines années. Dans le lot, Hydro-Québec à l'oeil sur deux contrats majeurs : la prise en charge d'une centrale de 2700 mégawatt à Yacyretà (à la frontière du Paraguay) et la distribution de l'électricité dans la province de Mendosa, un marché de 350 000 clients.
La nouvelle vocation "énergétique" d'Hydro acquise avec Gaz Métro ouvre de plus larges horizons. Au Mexique, notamment, Hydro-Québec est fortement intéressée à mettre la main sur les alléchants contrats de transport et de distribution de gaz naturel à Mexico et Monterrey. En outre, Hydro ouvrira prochainement des bureaux permanents en Amérique latine, question de s'assurer une meilleure visibilité.
Le Québec est en retard sur l'Alberta et la Colombie Britannique en terme d'investissement en Argentine, mais aucune autre province n'a fait autant que le Québec pour faire sa place, affirme Roch Paquette, attaché commercial de la Société de développement économique de la Rive-Sud à Buenos Aires. "Ce qui manque ici, c'est la haute technologie, et ça, le Québec peut la fournir", soutient M. Paquette.
Les 18 municipalités de la Rive-Sud ont décidé en 95 de mettre le paquet pour augmenter les exportations de leurs entreprises. Mais au lieu de tirer dans toutes les directions, la SDERS a ciblé des marchés prioritaires, dont l'Amérique latine. Depuis la mission québécoise du ministre des Finances Bernard Landry en Amérique du Sud, l'an dernier, la SDERS a vu son rôle s'étendre à l'ensemble des municipalités du Québec. À Buenos Aires et Santiago (Chili) l'organisme remplace en quelque sorte les délégations du Québec qui ont été fermées.


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