Le quatrième trio

Budget de MJF - mars 2009

Avant d'être congédié, Guy Carbonneau répétait continuellement que le Canadien ne pouvait pas gagner si ses meilleurs joueurs n'étaient pas les meilleurs sur la glace. Comme ceux-ci continuent de traîner les pieds, le Canadien continue de perdre. Il y a des limites à ce qu'on peut demander à un troisième trio.
Le gouvernement Charest a présentement le même problème. Certes, l'abondance est nettement plus facile à gérer que la crise, mais il demeure que ses vedettes ne sont pas à la hauteur des attentes, à commencer par le premier ministre lui-même, qui est aussi apathique qu'Alex Kovalev depuis les élections, avec le même effet sur le reste de l'équipe.
Au début du premier mandat, le ministre des Finances, Yves Séguin, et son collègue de la Santé, Philippe Couillard, étaient clairement ceux dont la population avait la meilleure opinion, selon un sondage réalisé par Léger Marketing en janvier 2004. Quand M. Séguin a été exclu du cabinet, M. Couillard est devenu le numéro un, suivi de Tom Mulcair, jusqu'à ce que ce dernier soit écarté à son tour.
Au cours du deuxième mandat, Jean Charest s'est littéralement transfiguré, mais il a aussi été secondé par un remarquable triumvirat. Malgré des moments plus difficiles, la cote de M. Couillard s'est maintenue. Aux Finances, Monique Jérôme-Forget a atteint une nouvelle stature et Michelle Courchesne s'est révélée à l'Éducation.
Les choses ont bien changé depuis. Selon le plus récent baromètre politique de Léger Marketing, dont les résultats ont été publiés en début de semaine, le trio libéral le plus estimé est composé de Marguerite Blais, de Claude Béchard et de Pierre Paradis. Là, on ne parle plus d'un troisième, mais d'un quatrième trio.
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Sans vouloir la déprécier, on peut penser que la popularité de Mme Blais tient davantage à son passé d'animatrice à la télévision qu'à ses réalisations comme ministre responsable des Aînés. La lutte que M. Béchard a dû livrer contre le cancer lui a sûrement valu plus de sympathie que le projet de vente du mont
Orford. Quant à M. Paradis, on semble surtout l'apprécier parce qu'il ne fait pas partie du gouvernement.
M. Couillard est parti dans des circonstances qui sont maintenant bien documentées et l'étoile de Mme Courchesne a sérieusement pâli. La dégringolade la plus spectaculaire est toutefois celle de Mme Jérôme-Forget, qui est aujourd'hui à peine moins impopulaire que M. Charest lui-même.
Notez que l'enquête de Léger Marketing a été effectuée les 4 et 5 mars, soit avant l'ouverture de la session à l'Assemblée nationale et surtout avant la pénible comparution de la ministre des Finances devant la commission parlementaire qui s'est penchée sur les déboires de la Caisse de dépôt.
Même si on voit mal comment elle aurait pu faire les choses très différemment avec la faible marge de manoeuvre dont elle disposait, le budget de jeudi n'augmentera pas sa popularité, ni celle du gouvernement. D'ailleurs, à moins d'être en mesure de distribuer des milliards, un budget a généralement moins d'effet sur l'opinion publique qu'on pourrait le croire. En période de crise économique, un gouvernement peut s'estimer heureux qu'il ait un impact politique neutre.
Mme Jérôme-Forget a clairement laissé entendre qu'il appartiendra à son successeur de trouver une solution à l'écart colossal qui subsistera entre les dépenses et les revenus, même quand l'économie aura repris et que la TVQ aura été augmentée.
Il ne faut pas être grand clerc pour voir qu'elle préconise une augmentation massive des tarifs, qui pourrait aller bien au-delà de l'indexation annoncée pour le 1er janvier 2011 et toucher des services aussi essentiels que l'eau et l'électricité. Le document de 110 pages sur le financement des services publics annexé au budget constitue en quelque sorte une feuille de route.
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Il est regrettable qu'on ait «brûlé» Mme Jérôme-Forget en lui faisant porter tout le blâme pour les cachotteries de la campagne électorale, qu'il s'agisse du déficit, de la péréquation ou de la performance désastreuse de la Caisse de dépôt.
Personne n'est irremplaçable, mais certains sont plus difficiles à remplacer que d'autres. Jusqu'à l'automne dernier, la ministre des Finances avait suffisamment de crédibilité pour plaider de façon efficace les avantages d'une tarification établie sur le principe de l'utilisateur-payeur.
Les Québécois avaient appris à apprécier son ton direct qui semblait être un gage de franchise. Si la chute de sa popularité a été aussi brutale, c'est peut-être qu'ils ont eu le sentiment d'avoir été trahis.
Après ses manigances dans les dossiers d'AbitibiBowater et de Rio Tinto, il semble douteux que Raymond Bachand, qui semble destiné à lui succéder, ait l'ascendant requis. Pauline Marois avait fait bon accueil au rapport Montmarquette l'an dernier, mais le PQ risque de s'intéresser davantage aux problèmes qu'aux solutions tant qu'il sera dans l'opposition. D'ailleurs, il n'y a aucun consensus sur la question des tarifs au sein du parti.
Si ce n'est pas M. Bachand, qui saura convaincre la population de la nécessité d'une réforme aussi insécurisante? Le quatrième trio ne peut pas faire de miracles.
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mdavid@ledevoir.com


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