Le pari PPP de Couillard-Sabia

93f21c7f50cb2c0cae84360dfd8efb39

Une manne pour les magouilleurs

Comment avoir des trains de banlieue à tarif intéressant, un gouvernement qui ne s’endette pas et une Caisse de dépôt qui fait de l’argent ? Le duo Couillard-Sabia semble avoir trouvé une solution à cette énigme, mais les démarches sont remplies d’embûches.
D’abord, de tels projets de transport en commun doivent être menés de main de maître et leur rentabilité est incertaine. Or, la Caisse n’a jamais été l’exécutant principal d’un projet d’infrastructures ni l’exploitant, seulement le partenaire minoritaire. Gérer l’achat des terrains, les appels d’offres, les problèmes de chantier et, ultimement, la satisfaction de la clientèle est un tout autre métier que celui de financier.
Quand le train vers Montréal sera en retard, blâmera-t-on la Caisse ? Quand les employés du train déclencheront une grève, les syndicats demanderont-ils au gouvernement de raisonner Sabia ?
Les dirigeants de la Caisse répliquent qu’ils ont acquis une expertise tangible dans les projets d’infrastructures à l’international et que l’institution n’a pas seulement été un investisseur passif. Par exemple, la Caisse est actionnaire à 30 % de la firme Keolis, qui a conçu et géré des réseaux de transport en commun en France, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour ces projets, l’institution devait approuver les décisions à chaque étape.
La Caisse dit également pouvoir compter sur l’expérience de sa filiale Ivanhoé Cambridge, qui a géré des projets immobiliers de A à Z. Enfin, pour bien s’entourer, la Caisse a embauché Jean-Marc Arbaud, l’ex-patron du projet de train de banlieue à succès Canada Line, de Vancouver.
Bref, la Caisse ne part pas de zéro, mais elle sort de son principal champ de compétence : le placement. Ce risque d’exécution est le principal point d’interrogation de l’entente Couillard-Sabia. La grosse Caisse aura-t-elle la nervosité et l’agilité des entrepreneurs aguerris du secteur privé ?
DES AVANTAGES
Cela dit, le transfert de projets majeurs d’infrastructures du Québec à la Caisse n’est pas sans avantage. Le gouvernement du Québec veut cesser de s’endetter. Or, chaque fois qu’il construit un pont, il doit emprunter et alourdir sa dette. En faisant investir la Caisse, il limite son endettement à sa participation minoritaire dans un projet.
La formule des partenariats public-privé (PPP) partait du même principe, mais pour bien des intervenants critiques, le gouvernement permettait alors à des consortiums privés de faire de l’argent sur le dos des contribuables. Dans le cas de la Caisse, personne ne s’opposera à ce que l’institution engrange des profits, puisque cet argent servira à assurer nos retraites.
Les PPP ont fait face à une autre critique. Certes, le privé est plus efficace pour gérer des projets. Toutefois, ses coûts de financement pour un projet sont plus importants que ceux du gouvernement, disent les dénigreurs, à tel point qu’ils effacent les avantages de la formule. Par exemple, le gouvernement du Québec peut aisément trouver un financement à long terme à 4 %, tandis qu’un promoteur privé peut payer 7, 8, 9 % ou plus.
Avec la Caisse, cet inconvénient disparaît, ou presque, puisque l’institution peut trouver des fonds à très bons taux avec sa cote de crédit AAA. En quelque sorte, c’est un PP et demi-P.
Cela dit, il est loin d’être acquis que le gouvernement du Québec se retirera complètement du financement des projets.
Pour que la Caisse et ses déposants y trouvent leur compte, les projets doivent être rentables. Et pour qu’un projet de transport en commun soit rentable, il faut des tarifs raisonnables, qui attirent l’achalandage, et donc de faibles coûts.
La Caisse cherchera à obtenir une part des subventions du gouvernement fédéral destinées aux infrastructures pour réduire les coûts. Elle tentera aussi d’extirper le maximum de plus-value des terrains acquis le long des futurs tracés, que ce soit avec des projets immobiliers ou des parcs de stationnement.
Néanmoins, il faut être très optimiste pour penser que l’apport du gouvernement ne sera pas nécessaire, sachant qu’à Montréal, il doit financer 50 % de l’achat des autobus de la STM et 13 % des dépenses de fonctionnement du réseau pour que les tarifs soient raisonnables.
Selon l’entente Couillard-Sabia, l’injection du gouvernement ne serait pas une subvention, mais un investissement sous forme d’actions privilégiées, qui lui donnerait droit à un petit dividende, par exemple de 3%. Ce dividende serait suffisant pour permettre au gouvernement de rembourser les intérêts de l’emprunt ayant servi à l’investissement, ce qui aurait donc un effet pratiquement nul sur son déficit.
Avant d’injecter des fonds, le gouvernement s’assurera que le rendement de la Caisse et de ses partenaires dans chaque projet sera conforme au marché, tel que vérifié par un expert indépendant.
En somme, l’entente comporte plusieurs avantages, mais elle n’est certainement pas sans risques. Pour ma part, j’aime bien l’adage « qui ne risque rien n’a rien » pour cette affaire. Pas vous ?


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé