THOMAS MULCAIR ET LES « AMIS » ISRAÉLIENS

Le NPD et ses impasses

Canada - Allié sioniste



La « ré­vo­lu­tion » de droite continue à Ot­tawa. Le bull­dozer Harper s’entête et pour­suit, no­tam­ment pour ac­cen­tuer la par­ti­ci­pa­tion ca­na­dienne à la « guerre sans fin » qui risque de re­com­mencer bientôt. En effet, les ru­meurs à Wa­shington et à Tel-Aviv font état d’un nou­veau consensus sur l’idée d’attaquer l’Iran. En 2007, les gé­né­raux états-uniens s’étaient op­posés à l’aventure, ju­geant le plan ir­réa­liste compte tenu de la ca­pa­cité de l’Iran de se dé­fendre et des dé­boires mi­li­taires en Irak et en Af­gha­nistan. Mais main­te­nant l’idée resurgit.
En effet, l’Iran est à nou­veau en crise. Les pays arabes sont di­visés sur la crise sy­rienne. La Libye « li­bérée » est en proie aux fac­tions. Le « prin­temps arabe » en Égypte et en Tu­nisie stagne puisque les an­ciens pou­voirs sou­tenus par les États-Unis s’accrochent en se pa­rant du dra­peau du chan­ge­ment sans rien changer. On se dit à Wa­shington, peut-être que le mo­ment est pro­pice pour porter un autre grand coup. En fait, le « rêve » est de faire « éclater » des pays comme l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Pa­les­tine en au­tant de mini en­tités confes­sion­nelles hos­tiles les unes aux autres. Certes, ce projet est d’autant plus pen­sable du fait que les ré­gimes au­to­cra­tiques comme ceux de l’Iran ou de la Syrie (comme l’était celui de Saddam Hus­sein) ont peu à pro­poser aux po­pu­la­tions lo­cales à part plus de ré­pres­sion et plus de pré­da­tion. Est-ce pos­sible ? Est-ce pen­sable ? Est-ce que les ré­ti­cences des mi­li­taires vont pré­va­loir sur l’appétit de di­ri­geants va-t-en-guerre ? Il faudra voir.
Mais tout cela nous amène à parler d’un autre sujet : le NPD !
Thomas Mul­cair et les « amis » israéliens
Plus la campagne au lea­der­ship du NPD s’étiole, plus le débat s’enlise et fait res­sortir l’impasse dans la­quelle se re­trouve ce parti qu’on qua­lifie par­fois de gauche. On est au loin des es­poirs que cer­tains avaient ex­primés en mai der­nier puisque sur la plu­part des ques­tions de fonds, le NPD peine à for­muler une vi­sion al­ter­na­tive, y com­pris sur des ques­tions très im­por­tantes comme la guerre sans fin jus­te­ment. Cela est fla­grant dans le cas de Thomas Mul­cair qui pré­tend avoir une lon­gueur d’avance sur les autres can­di­dats à la chef­ferie. Mul­cair ne s’en cache pas, c’est le meilleur ami d’Israël et cela, l’a-t-il dit, « de ma­nière in­con­di­tion­nelle » (Ca­na­dian Je­wish News, 30 avril 2008). L’occupation des ter­ri­toires pa­les­ti­niens, la ré­pres­sion sans li­mite contre la po­pu­la­tion, les agres­sions mul­tiples contre le Liban et d’autres pays de la ré­gion, cela n’est pas l’affaire de Mul­cair qui adopte sur tout cela des po­si­tions iden­tiques à celles de Harper.
Comme la droite états-unienne et ca­na­dienne, Mul­cair as­socie toute cri­tique de la conduite de l’État is­raé­lien à une forme d’antisémitisme (voir à ce sujet l’analyse du ré­seau « Ca­na­diens pour la jus­tice et la paix au Moyen Orient » de jan­vier 2012). Cette épou­van­table dé­ma­gogie est to­ta­le­ment men­son­gère, consi­dé­rant le fait de l’opposition d’une grande partie de la po­pu­la­tion is­raé­lienne et de com­mu­nautés juives par­tout dans le monde à la po­li­tique ac­tuelle de l’État.
Mais Mul­cair n’écoute pas ces voix bien sûr. On l’a vu ces der­nières an­nées à Ot­tawa mener ba­taille au sein du caucus du NPD pour isoler la dé­putée Libby Davis, qui avait osé ap­puyer des cam­pagnes de pres­sion contre ce qu’il ap­pelle la « seule dé­mo­cratie au Moyen-Orient ». Dans la même li­gnée, Mul­cair a réussi à bâillonner le NPD lors de l’attaque is­raé­lienne contre Gaza (jan­vier 2009) du­rant la­quelle plus de 1500 ci­vils ont été tués. Lorsque les sol­dats is­raé­liens ont at­taqué en mai 2010 un ba­teau rempli d’aide hu­ma­ni­taire qui vou­lait forcer le blocus de Gaza (9 ci­vils tués), Mul­cair s’est re­trouvé sur la même lon­gueur d’onde que Harper pour condamner les « terroristes anti-israéliens ».
Sur la ques­tion pa­les­ti­nienne, le NPD a tou­jours été fri­leux, y com­pris à l’époque où les partis sio­nistes de « gauche » au pou­voir en Is­rael se pro­me­naient dans les cor­ri­dors de l’Internationale so­cia­liste. De­puis, le NPD a cherché à es­quiver les ques­tions, se conten­tant d’appuyer de ma­nière vague et ir­ré­solue cer­taines ré­so­lu­tions de l’ONU, en gros en phase avec les po­li­tiques des gou­ver­ne­ments li­bé­raux qui ont été au pou­voir à Ot­tawa si long­temps. Mais main­te­nant que la droite cherche à in­flé­chir ces po­li­tiques, le NPD pour­rait être dans l’eau chaude, sur­tout si Mul­cair em­porte la course au leadership.
Face à l’offensive impérialiste
Lors de la crise en Libye l’été der­nier, le NPD s’est rangé der­rière Harper pour ap­plaudir la par­ti­ci­pa­tion du Ca­nada dans l’opération de l’OTAN, en­core là drapée de l’humanitarisme. Pour­tant après la dé­bâche en Irak et en Af­gha­nistan, on au­rait pu se mé­fier un peu. Il est vrai que sous Jack Layton, la po­si­tion contre la guerre en Af­gha­nistan a été plus ferme. Mais main­te­nant où s’en va-t-on ?
Il était certes lé­gi­time de s’opposer à la dic­ta­ture de Kadhafi, mais fallait-il pour au­tant armer une coa­li­tion bric-à-brac qui de­puis n’a dé­montré au­cune ha­bi­lité à re­cons­truire le pays et qui pra­tique al­lè­gre­ment la tor­ture et les em­pri­son­ne­ments ar­bi­traires ? Et pour­quoi, si on est sou­cieux de la pro­tec­tion des droits hu­mains, ne pas s’opposer aux États-Unis et à leurs su­bor­donnés de l’OTAN qui conti­nuent de pro­téger les dic­ta­tures en Arabie saou­dite, à Bah­reïn et dans les autres pé­tro­mo­nar­chies du Golfe, sans compter l’occupation de la Pa­les­tine évi­dem­ment ? Pour­quoi tolère-t-on la per­pé­tua­tion du ré­gime mi­li­taire en Égypte alors que la po­pu­la­tion de­mande de vrais changements ?
En réa­lité, la mi­li­ta­ri­sa­tion ac­tuelle qu’Obama n’a pu ra­lentir, re­lance la guerre sans fin tout en pré­ten­dant ter­miner des opé­ra­tions comme celle de l’Afghanistan. L’ONU, l’institution qui par dé­fi­ni­tion doit trouver des so­lu­tions est pa­ra­lysée par les États-Unis. En­core ré­cem­ment, les États-Unis et leurs al­liés ont or­ga­nisé l’intervention en Libye sous le com­man­de­ment de l’OTAN. Mais alors que cette opé­ra­tion était an­noncée pour des fins hu­ma­ni­taires, elle s’est trans­formée en une en­tre­prise pour ren­verser le ré­gime. On ne peut pas être sur­pris dans ce contexte que les pays « émer­gents » comme la Chine, la Russie et le Brésil se soient ob­jectés, non pas parce qu’ils « ai­maient » Kadhafi (comme l’ont ré­pété les ro­quets ha­bi­tuels de Que­becor) mais parce qu’ils es­ti­maient que cet uni­la­té­ra­lisme crée de dan­ge­reux pré­cé­dents. Harper pour sa part res­sort les ti­rades de Bush : « Dieu est de notre côté », la « ci­vi­li­sa­tion oc­ci­den­tale » doit pré­va­loir sur les « bar­bares », etc. Com­ment ex­pli­quer le si­lence as­sour­dis­sant du NPD sur cela ?
S’il existe en­core dans ce parti une aile pro­gres­siste avide de dé­ve­lopper une al­ter­na­tive réelle au projet néo­con­ser­va­teur à Ot­tawa, on ai­me­rait bien l’entendre.


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