Le monopole libéral

Élections 2006

En lançant la deuxième phase de sa campagne cette semaine, le chef libéral Paul Martin a situé le débat électoral au niveau des valeurs canadiennes. Comme tous les partis nationalistes- même s'il s'en défend, le PLC est indéniablement nationaliste - les libéraux aiment s'arroger le monopole des vertus du pays. C'est une prétention terriblement agaçante, qui masque les véritables enjeux.
Voici comment M. Martin a présenté le choix qui s'offre aux électeurs canadiens. D'un côté, Stephen Harper, qui proposerait " un Canada où c'est chacun pour soi "; de l'autre, lui, qui veut " un pays où nous visons, ensemble, le bien commun. " Selon le premier ministre, le chef conservateur voudrait " faire une croix sur tout ce que nous avons réussi, ensemble, et faire du Canada un pays tout à fait différent. " On retrouve dans ces accusations des échos des attaques du Parti québécois contre Jean Charest, qui voudrait " démolir ", " détruire ", " saccager " le modèle québécois. Après le PQ, le déluge! Version fédérale: seul le Parti libéral est digne de gouverner le Canada. Comme si nous vivions dans des régimes de parti unique...
S'il est évidemment vrai que les Canadiens partagent certaines valeurs, il est clair aussi qu'ils diffèrent d'opinion sur les manières concrètes de les réaliser. Par exemple: les libéraux font grand cas du désir de leurs adversaires de verser une aide financière directement aux parents plutôt que d'investir dans la mise sur pied d'un réseau national de garderies. Les Québécois ont choisi ce second modèle, mais cela n'en fait pas la seule et unique manière pour l'État de venir en aide aux familles. Et il est caricatural de prétendre que M. Harper veut ici imposer un Canada du " chacun pour soi ". Les conservateurs ne proposent pas un désengagement du gouvernement dans ce domaine; au contraire, la contribution gouvernementale augmenterait de 11 milliards sur cinq ans.
M. Martin laisse entendre que Stephen Harper ne défendrait pas la Charte canadienne des droits et libertés parce que le chef conservateur veut tenir un vote libre aux Communes sur le mariage des personnes de même sexe. Nous avons, dans cette colonne, vivement dénoncé la position du chef conservateur sur cette question, y voyant un mépris pour les droits fondamentaux de certains Canadiens. Mais cela n'est pas synonyme d'un mépris pour la Charte elle-même, dont le texte prévoit explicitement qu'un Parlement peut passer outre. C'est la clause dérogatoire de la Charte, non Stephen Harper, qui laisse le dernier mot aux législateurs.
Le Canada n'a pas été créé par (ou pour...) les libéraux. Chacun sait que le Parti conservateur a joué dans notre histoire un rôle crucial. Les politiques mises de l'avant par les conservateurs d'aujourd'hui sont approuvées par des millions de citoyens; ces gens-là sont-ils de moins bons Canadiens pour autant?
Souhaitons que le débat d'ici au 23 janvier ne dérape pas vers une surenchère nationaliste. Ces élections ne visent pas à déterminer qui, de M. Harper ou de M. Martin, aime davantage le Canada; nous ne sommes pas à " Patriotisme Académie ". Les Canadiens ont plus simplement et plus sérieusement à déterminer quel parti est le plus apte à gouverner le pays au cours des prochaines années.

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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