Le monde de Justin

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Sous Pee Wee Trudeau, le Canada est devenu une vaste farce

Les Québécois, en majorité, sont des déserteurs du fédéralisme. Ils sont ou bien souverainistes, et ils considèrent alors le Canada comme un pays étranger qui ne les représente pas, ou bien antisouverainistes, et ils regardent alors froidement le cadre fédéral comme un système plus favorable à l’économie d’ici qu’un éventuel Québec indépendant. Dans un cas comme dans l’autre, le Canada est perçu comme une structure qui nous est extérieure et à laquelle, par conséquent, notre participation active demeure essentiellement fonctionnelle et minimaliste.


Or, en décrochant ainsi de l’État fédéral — souvent pour de bonnes raisons, d’ailleurs — sans pour autant opter pour la souveraineté, les Québécois courent le risque de décrocher du monde. Politiquement, en effet, une province ne pèse pas lourd sur la scène internationale. Le Québec, dans le monde, n’a qu’une existence symbolique, pour ainsi dire. Que cela fasse ou non notre affaire, c’est le Canada, à cette échelle, qui nous représente, qui parle pour nous.


Notre désintérêt à son endroit nous condamne donc à un provincialisme étriqué, à un rapetissement de nos horizons. Pour le moment, en ce qui concerne les grandes questions qui agitent la scène internationale (enjeux de la guerre et de la paix, réchauffement climatique, grands traités économiques, lutte contre le terrorisme, aide au développement), la voix du Québec est celle du Canada. Nous aurions donc tout intérêt à nous en occuper. Dans le monde, actuellement, Justin Trudeau, souvent costumé, parle pour nous. Doit-on s’en réjouir ?


L’image sans les idées


Dans Le Journal de Montréal du 17 avril dernier, le politologue Loïc Tassé affirmait que, « plus Justin Trudeau se mêle de politique étrangère, plus celle-ci devient à l’image de ses chaussettes : clownesque et niaise ». Son collègue Jocelyn Coulon formule un jugement aussi sévère, mais plus étayé, dans Un selfie avec Justin Trudeau (Québec Amérique, 2018), un solide réquisitoire contre la politique étrangère du premier ministre libéral, forte en images, mais faible en idées justes.


Coulon n’a rien d’un souverainiste allergique au Canada. Spécialiste des dossiers internationaux, il a déjà été candidat du Parti libéral du Canada (PLC) et a accepté, en février 2016, un poste de conseiller auprès de Stéphane Dion, alors ministre des Affaires étrangères. Sa critique de l’action internationale de Justin Trudeau est donc celle d’un fédéraliste convaincu, profondément déçu par l’incurie du premier ministre en la matière.


De 2006 à 2015, la politique étrangère du gouvernement Harper a heurté bien des Canadiens et presque tous les Québécois. Militariste, cette politique tranchait avec la tradition canadienne et se caractérisait par un mépris pour l’ONU, par une indifférence envers l’Afrique, par une critique de l’aide au développement, par un appui sans nuance à Israël et par un alignement sur les États-Unis.


Les Canadiens, pourtant, et les Québécois ne font pas exception à cet égard, demeurent très attachés à l’ONU, aux Casques bleus et à l’aide au développement, constate Coulon. Ils ont donc accueilli avec soulagement, en 2015, la victoire de Justin Trudeau, qui annonçait un retour à « l’internationalisme libéral », fondé, explique Coulon, « sur une participation active au multilatéralisme, aux négociations de désarmement, aux opérations de paix et au renforcement du droit international ».


Promesses non tenues


La suite allait se révéler frustrante. Nommé ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, partisan de l’internationalisme libéral, a été neutralisé par Trudeau, qui n’a jamais accepté de le rencontrer, une situation absolument aberrante quand on considère l’importance de la politique étrangère d’un pays. Dion, qui avait forgé le concept d’« éthique de la conviction responsable » pour guider son action — une approche honorable, certes, mais qui a tout de même servi à justifier la vente de véhicules militaires à l’Arabie saoudite —, a été remplacé, en janvier 2017, par Chrystia Freeland, qui a reçu le mandat de se consacrer à la renégociation de l’accord de libre-échange nord-américain.


Trois ans après son élection, le gouvernement Trudeau n’a pas tenu sa promesse d’augmenter l’aide au développement, il continue d’entretenir de mauvaises relations avec la Russie et d’appuyer inconsidérément Israël, son engagement en Afrique francophone — une priorité pour le Québec — demeure modeste et son multilatéralisme affiché demeure soumis au regard américain.


> La suite sur Le Devoir.



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