La courtoisie est une belle chose, mais il était assez saisissant de voir un parterre de gens d'affaires se lever d'un bond pour applaudir un homme venu expliquer pourquoi la société qu'il dirigeait a perdu 40 milliards.
Un peu plus et on aurait offert à Henri-Paul Rousseau un souvenir de son passage à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Dans les circonstances politiques actuelles, cela sentait l'opération de relations publiques à plein nez.
D'ailleurs, on peut se demander quel sort ces éminents représentants de Québec Inc. auraient réservé à un de leurs employés qui, toutes proportions gardées, aurait été tenu responsable d'une contre-performance équivalant à celle de la Caisse de dépôt. Heureusement, il s'agit simplement de fonds publics.
Il est vrai que, à l'entendre, Henri-Paul Rousseau n'a pas grand-chose à voir avec ses déboires. «J'ai vécu la crise à l'extérieur de la Caisse», a-t-il déclaré, même s'il se reconnaît une certaine responsabilité en ce qui concerne les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA). De là à dire qu'il a quitté le navire au bon moment, il y a un pas qu'il refuse évidemment de franchir.
S'il s'agissait d'apprécier ses talents de communicateur, l'ovation qu'il a reçue était tout à fait justifiée. Indéniablement, M. Rousseau est un maître en cette matière. Il y a toutefois une grande différence entre la communication et l'information.
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Bien sûr, la Caisse ne pouvait pas échapper à l'écroulement des marchés financiers l'automne dernier. Il est également vrai que les règles comptables auxquelles la Caisse est astreinte contribuent à noircir le portrait.
Les explications de M. Rousseau laissent toutefois sans réponse la question la plus importante: pourquoi la performance de la Caisse a-t-elle été à ce point inférieure à celle des institutions comparables? «On a mis notre argent dans un truc qui a mal viré», a-t-il déclaré en conférence de presse. C'est un peu court.
Il est loin d'être certain qu'une commission parlementaire permettrait d'en apprendre davantage. Lors de sa comparution en novembre 2007, M. Rousseau n'avait eu aucune difficulté à minimiser l'impact négatif des achats massifs de PCAA effectués par la Caisse. Cela ne coûte cependant rien de faire une nouvelle tentative, même si le caractère partisan d'un tel exercice «complique le chemin de la vérité», comme Bernard Landry l'a joliment exprimé.
D'ailleurs, si M. Rousseau a «vécu la crise à l'extérieur de la Caisse», il faudrait peut-être inviter ceux qui l'ont vécue de l'intérieur. Le porte-parole de l'opposition, François Legault, a raison de dire qu'il y a encore beaucoup de choses à éclaircir sur la politique de gestion des risques. En commençant par une question toute simple: quelle est-elle?
Comment se fait-il que cette politique «extrêmement sophistiquée», selon son ancien président, ne comportait aucun plafond pour l'achat de produits de marché monétaire de première qualité? Surtout, pourquoi avoir inclus les PCAA dans cette catégorie, alors que deux agences de crédit sur trois les avaient jugés trop risqués pour leur attribuer une cote?
À entendre M. Rousseau, c'est comme si n'importe qui à la Caisse achetait du PCAA depuis des années sans en aviser qui que ce soit. Avec le résultat qu'elle s'est soudainement retrouvée avec un paquet de 13 milliards. Extrêmement sophistiqué.
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Dans son discours, l'ancien président de la Caisse a longuement insisté sur l'impact que la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, a eu sur les marchés financiers de toute la planète.
«On ne peut pas exagérer la rupture, la dislocation que ce point de bascule a représentées», a-t-il expliqué. La confiance ayant disparu, le monde financier a chaviré. Le mois d'octobre a été marqué par une chute spectaculaire et simultanée de toutes les valeurs dans toutes les Bourses. Selon M. Rousseau, aucune politique de gestion des risques n'aurait pu mettre la Caisse à l'abri d'un tel synchronisme.
«Cette tempête parfaite a frappé tout le monde», a-t-il déclaré. Tout le monde? Ce n'est pas ce qu'on a dit aux Québécois l'automne dernier. Il y avait au moins un endroit sur la Terre où les politiques particulièrement avisées d'un gouvernement visionnaire allaient permettre d'éviter que l'effondrement des marchés financiers ne contamine l'économie réelle.
Hier, M. Rousseau a refusé d'établir tout lien de cause à effet entre l'objectif de «rendement optimal» qui a été imposé à la Caisse en 2004 et une politique de placement trop risquée qui expliquerait en partie ses déboires de l'an dernier.
En revanche, sa description de la «tempête parfaite» survenue en septembre et octobre derniers constitue cependant la meilleure confirmation de la duplicité du discours libéral au cours de la dernière campagne électorale. Personne ne peut croire que le gouvernement a été tenu dans l'ignorance de l'ampleur du désastre qui s'annonçait. Voilà au moins un truc qui a réussi.
mdavid@ledevoir.com
Le mauvais truc
Un peu plus et on aurait offert à Henri-Paul Rousseau un souvenir de son passage à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Dans les circonstances politiques actuelles, cela sentait l'opération de relations publiques à plein nez.
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