En réponse à la lettre d’opinion de M. Mario Dumont, député de
Rivière-du-Loup et Chef de l'Opposition officielle, parue le 16 octobre
2007 et intitulée [« L’autonomie économique : un devoir de leadership »->9610].
(1)
« Maître chez nous », vers un État optimal
Quelle surprise de constater que M. Dumont découvre maintenant les vertus
de l’interventionnisme de l’État et de l’utilisation de ses leviers comme
moyens de développement économique de la nation. Lui qui nous a depuis
longtemps habitués à un discours néolibéral visant à la marginalisation et
à la déstructuration de l’État, voici qu’il nous donne du « Maître chez
nous », deux fois plutôt qu’une.
M. Dumont devrait savoir que ce slogan politique aurait vite été mis aux
poubelles de l’histoire n’eut été du fait que ce « Nous, peuple du Québec
» s’est incarné concrètement dans des structures d’un État moderne, avec
une stratégie d’en tirer le maximum pour le bien commun dans toutes
circonstances. À titre d’exemples, la nationalisation de l’Hydro-Québec et
la création de la Caisse de dépôt et placement (avec des actifs combinés
de plus de 200 milliards) sont les résultats de décisions politiques
lucides et courageuses prises par des hommes politiques comme MM. Jacques
Parizeau et Bernard Landry, entre autres. Quand la volonté politique se
transforme en actes dans l’État, cela rapporte inévitablement des
dividendes pour l’ensemble des citoyens du Québec. Voilà ce que certains
veulent nous faire oublier.
Malgré le fait que le modèle québécois demande périodiquement des
ajustements stratégiques et tactiques, on doit admettre que l’utilisation
de l’État comme levier de développement nous a été profitable. Le Québec,
comme demi État annexé par un autre, a réussi ce tour de force. Alors,
essayons d’imaginer ce qui aurait pu être fait avec un État entier
maîtrisant l’ensemble de ses leviers de développement, c’est-à-dire un État
optimal. M. Dumont avait-il cela en esprit lorsqu’il s’est rangé dans le
camp du Oui lors du référendum de 1995 ?
Il est évident qu’un Oui gagnant en 1995 nous aurait possiblement permis
de créer un État optimal du type de ceux que l’on trouve en Europe du Nord
(Suède, Norvège, Finlande, Danemark et Islande), qui sont les pays les plus
avancés au monde dans le domaine de la création et la répartition de la
richesse. Le Québec en a les caractéristiques, mais il lui manque les
conditions.
Malgré son engagement d’assumer un « devoir de leadership » en matière de
développement économique dans le cadre de son « autonomie », on peut douter
cependant que M. Dumont arrive à nous produire un État optimal. À cause de
son confinement idéologique, fédéraliste de droite, je doute, en effet,
qu’il puisse apprécier correctement les deux conditions qui permettent la
réalisation de ce genre d’État optimal : l’indépendance d’une part, et la
social économie, d’autre part (2).
L’indépendance, parce que le Québec doit avoir entre ses mains tous les
leviers de décisions pour se donner une stratégique d’État cohérente en
matière de développement.
La social économie, parce qu'un État-nation de la taille du Québec doit
réunir tous les acteurs socio-économiques (gouvernement, patronat et
syndicats) pour se donner des objectifs clairs qui vont dans le sens des
intérêts supérieurs de la nation. L’oscillation du noyau central de
décision entre le centre gauche et le centre droit est la formule qui
permet d’élargir la base participative à la stratégie d’État. Un
gouvernement qui autorise un déséquilibre à cet égard favorise un braquage
idéologique stérile qui nuit au projet d’État optimal, ce que fait
actuellement le gouvernement libéral fédéraliste de M. John Charest.
Le fédéralisme a mené à la déstructuration de nos voies de
commercialisation
Supposons que le Québec porte M. Dumont au pouvoir pour lui permettre
d’assumer son « devoir de leadership » en matière économique, ce dernier
pourrait-il nous indiquer cependant quels seront les actes d’État que son
gouvernement va poser pour réparer les torts énormes causés par l’ensemble
des décisions du gouvernement fédéral qui ont mené à la déstructuration des
voies de commercialisation du Québec au cours des années? Sachant que le
Québec exporte proportionnellement 3 fois plus que le Japon et que cette
activité est cruciale pour le maintien de son niveau de vie et vu
l’importance de l’enjeu, il serait bon, en effet, de connaître l’opinion
du Chef de l’Opposition officielle sur le sujet.
Quand on prend conscience du défi qui se pose au Québec en matière de
restructuration de ses voies de commercialisation, les silences et
suggestions de M. Dumont laissent songeur. On peut raisonnablement croire
cependant que son affiliation idéologique avec le gouvernement Harper le
limite dans ses capacités à se porter à la défense des intérêts supérieurs
du Québec en cette matière.
Pour ce qui est du plan d’investissement de 2 milliards$ du gouvernement
fédéral concernant les voies de commercialisation, on sait qu’Ottawa a
décidé de prioriser le corridor Québec- Ontario, alors que le corridor
Québec-New York, beaucoup plus important avec ses 60 milliards$ de
commerce, est totalement négligé (3), à la grande déception de la
présidente de la Chambre de Commerce de Montréal. Le silence de M. Dumont
sur un enjeu aussi important ne peut s’expliquer que parce qu’il a choisi
de ne pas embarrasser ses alliés idéologiques à Ottawa. Ce choix s’est fait
au détriment de la défense des intérêts supérieurs du Québec. Idéologie,
quand tu nous tiens !
Il ne fait aucune doute, à mon avis, que la suggestion d’investir dans un
train Québec-Windsor ne doit pas avoir priorité sur une liaison moins
coûteuse et plus prometteuse Québec-New York (US). À cet égard, M. Dumont,
qui veut prendre le train pour « vaincre l’immobilisme », semble avoir pris
la direction de l’intégration canadienne plutôt que celle que commandent
les intérêts supérieurs du Québec qui exigent de favoriser nos
communications vers un marché autrement plus important (100 millions de
clients dans un rayon de 1 000 km.). Est-ce un hasard si son choix rejoint
celui de La Presse, dont une des « plumes à gage » fut affectée à la
mission de lui écrire une biographie dans le but de lui construire un «
profil » comme premier ministrable ? Idéologie, quand tu nous tiens !
M. Dumont, Chef de l’ Opposition officielle, ce « gouvernement en attente
», qui nous rejoue le slogan du « Maître chez nous partie 2 » et nous
promet « l’autonomie économique », sait-il seulement que « le pouvoir est
dans ses communications et entièrement dans ses communications » comme
l’explique si bien le géographe Jean-René Marcel Sauvé et que faute de les
contrôler effectivement (4), on se confine à l’insignifiance en matière de
stratégie d’État.
Conclusion.
M. Dumont n’a ni la volonté, ni la vision que suppose le leadership pour
livrer au Québec une quelconque « Autonomie économique ». De plus son
affiliation idéologie (fédéraliste de droite) limite sa capacité de
défendre les intérêts supérieurs du Québec. Sa réaction timorée au Discours
du Trône est éloquente à cet égard. Il a préféré cacher sa démission en
critiquant l’ineptie de M. Charest, plutôt que de se porter à la défense
de « l’autonomie » du Québec, de peur d’embarrasser son ami M. Harper
Le « Maître chez nous » de M. Mario Dumont n’est pas crédible.
Jean Claude Pomerleau
(1) http://www.ledevoir.com/2007/10/16/160651.html
(2) http://www.vigile.net/Oui-mais-a-deux-conditions-l
(3) http://www.vigile.net/Corridor-ou-cul-de-sac
(4) Pour se faire une tête en matière de géopolitique je suggère fortement
à M. Dumont de consulter les réflexions d’une sommité ignorée des médias, M
J.R.M. Sauvé, dont on peut lire quelques textes ici :
http://www.vigile.net/_Sauve-Rene-Marcel_
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Le «Maître chez nous» de M. Mario Dumont n’est pas crédible
M. Dumont n’a ni la volonté, ni la vision que suppose le leadership pour livrer au Québec une quelconque « Autonomie économique »
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