Entre le nous et le mou

« Il faut vouloir ce qui nous suppose et nous dépasse à la fois ». (G. Bataille)

Chronique de Jean-Claude Pomerleau


Il est évident que le premier ministre John Charest a créé la commission
Bouchard-Taylor pour pallier à son manque de leadership face à la question
identitaire, c’est-à-dire la définition du « nous », peuple du Québec. À
cet égard, il n'y a rien à attendre de ce spectacle itinérant et nomade qui
adopte le visage d’une vaste thérapie collective où le Québec prête le
flanc à une critique venant de nos « amis » du « Rest of Canada » (le ROC),
le présentant comme intolérant et raciste.
Cette impression est d’ailleurs amplifiée volontairement par le discours
de ce même M. Charest, lors du dernier Conseil général du Parti libéral du
Québec, ainsi que par tous ces idéologues de la médiacratie fédéraliste en
mission pour contenir le « nous » peuple du Québec à l’intérieur de la cage
à castor canadienne. Mais, on sent manifestement que ce « nous » commence à
en avoir plein le « casse ».
En fait, la question qui se pose ne porte ni sur les accommodements, ni
sur l’immigration, qui ne sont qu’accessoires à la véritable question qui
est celle de la définition du « nous » (peuple du Québec). On s’étonne que
les deux grands intellectuels qui ont daigné descendre de leurs tours d’ivoire
pour se transformer en thérapeutes « populaires », ne l’aient pas encore
compris ou feignent de ne pas le comprendre.
Pourtant, la réponse est facile et limpide, pour peu que l’on ait quelques
notions de géopolitique. Le « nous », peuple du Québec, ne peut s’incarner
et se définir en termes politiques et juridiques que dans un État national.
Ce qui veut dire en clair que l’Assemblée nationale du Québec doit adopter
une constitution du Québec contenant un Code de citoyenneté; une Charte des
droits (celle du Québec 1975 et non celle du Canada) et une Charte de la
laïcité. Ce cadre politique et juridique baliserait ainsi la problématique
dans son ensemble. Cette constitution du Québec aura évidemment préséance
sur la constitution canadienne. Il faut, comme disait Jean Lesage être «
maître chez nous ». Fin du débat.
Toutefois, il est évident qu’une constitution du Québec qui aurait
prévalence sur la constitution canadienne entrerait tôt ou tard en conflit
de légitimité avec cette dernière : le nous, peuple du Québec, aurait
alors à trancher entre la constitution canadienne de 1982, rejetée à
l’unanimité par l’Assemblée nationale et la constitution du Québec qu’une
majorité (démocratique) de Québécois se donnerait pour se définir comme
peuple. Ce rapport de force établi sur un point précis (ex : Charte
canadienne vs Charte du Québec) ne pourrait que procurer un avantage
stratégique déterminant à la cause de la souveraineté. C’est cette
perspective qui fait paniquer les idéologues fédéralistes. Il leur est, en
effet, intolérable que le « nous » peuple du Québec échappe à leur contrôle
et sorte de la cage à castor canadienne.
À cette étape de notre histoire, la question qui se pose en ce qui
concerne le « nous » peuple du Québec qui veut incarner sa volonté dans les
instances d’un État national ne relève pas de la sémantique, mais plutôt de
la géopolitique.
Un jour, il faudra bien trancher entre le nous et le mou. Et ce sera à
nous de trancher et non aux deux grands intellectuels de cette commission.
Jean Claude Pomerleau

Membre du Parti Indépendantiste (PI)
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    21 octobre 2007

    21 Octobre.
    Avec le dépôt d’un projet de loi portant sur une Constitution du Québec les considérations stratégiques et tactiques sur ce thème deviennent plus actuelles. On peut entrevoir plus précisément le conflit de légitimité qui se dessine ,entre la Constitution du Canada (1982) et celle du Québec (si elle est adptée) , portant particulièrement sur les Chartes,
    Je mentionne dans mon texte que le rapport de force qui s’établira sur ce point précis (Charte vs Charte) sera favorable au souverainistes. Un sondage récent (1) révèle que 75% des gens au Québec sont favorables à une modification de la Charte pour établir la primauté du principe d’égalité entre homme et femme.
    Or seul la Charte du Québec peut être modifié pour répondre à cette exigence. Mais même inscrite dans une Constitution du Québec cette Charte n’a pas de prévalence sur la Charte de Trudeau, laquelle est enchâssée dans une Constitution de pays contenant une clause d’interprétation indiquant qu’elle doit être lue en tenant compte du concept du multiculturalisme.

    Ce sondage est donc réconfortant pour l enjeu qui se dessine.
    (1) http://www.canada.com/montrealgazette/news/story.html?id=21eed69e-1c92-4836-8ac4-f0b92130e7f7&k=34159
    “Women's rights: Seventy-five per cent of Quebecers want to amend the Charter of Rights and Freedoms to make the equality of men and women more important than the rights of religious groups. In the rest of Canada, support for such a measure is lower – “
    J.C. Pomerleau