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Le lobby des gens d'affaires est pris à partie

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mercredi 5 janvier 2005
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Après le Comité des usagers du CHUM la semaine dernière, c'était hier au tour de l'Union des forces progressistes (UFP), du représentant de la population au sein du conseil d'administration du CHUM et de la Coalition des médecins pour la justice sociale de protester haut et fort contre le lobby du monde des affaires qui menace de ne pas contribuer au financement du nouveau CHUM si le site au centre-ville est retenu.
Cette sortie, aussi énergique soit-elle, n'empêchera certainement pas le lobby du monde des affaires de se manifester. En effet, Le Devoir a appris que le quotidien La Presse s'apprêterait à publier une lettre ouverte signée par ce lobby pour soutenir le projet d'Outremont défendu par le recteur de l'Université de Montréal, Robert Lacroix.
D'après nos informations, cette lettre serait notamment signée par le chancelier et président du conseil d'administration de l'Université de Montréal et p.-d.g. d'Hydro-Québec, André Caillé, mais aussi par Hélène Desmarais, épouse de Paul Desmarais fils et attachée au centre d'entreprise et d'innovation de Montréal, Louis Audet, du groupe Cogeco, André Bérard, de la Banque Nationale, et Pierre Boivin, du Canadien de Montréal.
Le directeur général du CHUM, le Dr René Roy, a lui aussi choisi de prendre part au débat afin de rappeler ce qu'il juge être «l'essentiel», soit le patient. Dans une lettre publiée ce matin dans nos pages, le Dr Roy souligne la nécessité d'un centre hospitalier universitaire de 700 lits sur un site unique, une condition que le site d'Outremont ne saurait remplir avec ses 550 lits autorisés par le ministre de la Santé, Philippe Couillard.
Et pas question pour le Dr Roy de fractionner le projet en deux. «Pour assurer la formation de l'élite de la santé de demain, il est nécessaire de créer cette synergie sur un seul site», écrit-il. S'inspirant des grandes tendances observées dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) en Amérique du Nord, le Dr Roy note que plusieurs ont pour caractéristiques communes à la fois une localisation au centre-ville et un rattachement à la faculté de médecine, et ce, à bonne distance du campus universitaire.
Chantage et démagogie
L'argument de la nécessité d'un hôpital de 700 lits sur un seul site a aussi été repris hier par l'UFP, le représentant de la population au sein du conseil d'administration du CHUM et la Coalition des médecins pour la justice sociale. Désireux de retirer le débat «des mains des lobbyistes et des promoteurs de cliniques privées», le trio a demandé au ministre Couillard de maintenir la décision annoncée le 23 juin dernier voulant que le nouveau CHUM soit implanté sur le site de l'actuel hôpital Saint-Luc.
«C'est à la population et aux instances démocratiques désignées de trancher. Il ne faudrait pas répéter l'erreur du Centre universitaire de santé McGill [CUSM], où une décision a été prise tout d'un coup par des individus liés à des promoteurs et à des compagnies pharmaceutiques, qui veulent court-circuiter le processus», a dénoncé le porte-parole de l'UFP, le Dr Amir Khadir.
Le Dr Khadir vilipende le puissant jeu de chantage et de démagogie. «Il faut que le ministre de la Santé refuse de laisser Robert Lacroix, le recteur de l'Université de Montréal, et son ami Paul Desmarais, de Power Corporation, agir à sa place pour forcer le Québec à opter pour la cour de triage d'Outremont.»
Voilà une attitude qui agace aussi profondément le représentant de la population au conseil d'administration du CHUM, l'ancien président de la CSN Marc Laviolette. «Qui a mandaté M. Desmarais pour négocier un terrain à Outremont pour le CHUM ? a-t-il demandé hier avec indignation. Si j'avais eu besoin d'un agent d'immeubles, je le lui aurais demandé !»
Si le conseil d'administration du CHUM ne s'est pas prononcé en faveur de l'une ou l'autre des deux options, le représentant de la population, lui, ne cache pas ses convictions. Pour lui, il est important de rappeler que le site du 1000 Saint-Denis n'engagerait la fermeture que d'un hôpital alors que celui d'Outremont signerait l'arrêt de mort de deux hôpitaux au centre-ville. Voilà une perte que les Montréalais n'ont pas les moyens d'essuyer, a-t-il déploré.
Dans son rapport, l'Agence de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal confirme que le projet outremontais se ferait au détriment de la population de l'est de Montréal, qui aurait à subir un déficit de 125 lits.
À la Coalition des médecins pour la justice sociale, le Dr Paul Saba ne cache pas lui non plus son inquiétude quant à ce déficit anticipé. «La position de la coalition est très claire : il vaut mieux construire sur un site existant, un site près des usagers, a-t-il dit. On a déjà vu les dégâts que cause la fermeture d'hôpitaux, avec la fermeture de sept hôpitaux au Québec, et nous ne voulons pas revoir cette pénurie.»
Or, entre Saint-Luc et Outremont, le Dr Saba rappelle que le site du centre-ville semble s'imposer aux yeux de la plupart des intervenants. D'ailleurs, les trois comités mandatés par le gouvernement se sont prononcés en sa faveur. Quant au terrain du CP, le Dr Saba croit qu'il n'est pas perdu pour autant puisqu'il pourrait être utile à d'autres usages dans les domaines de la santé ou du savoir.


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