Le <i>Moulin</i> et les jeunes

le temps est venu pour que le mouvement indépendantiste québécois devienne indépendant, indépendant du vieux parti qui veut le contrôler

PQ - XVIe congrès avril 2011


Les jeunes? Oui, les jeunes. Vous savez, la relève? Les grandes femmes et les grands hommes de demain? Vous savez, la génération de l’avenir? La vague de changements? Cette inspirante et enthousiaste brise de fraîcheur? Ceux qui hériteront du monde et de ce qu’on en aura fait? Bref, les moins de 30 ans…
Les moins de 30 ans.
Avez-vous assisté au Moulin à Paroles? Oui? Moi aussi, de 15h00 samedi à 16h00 dimanche. Ouais, je sais : je suis fait « toffe » comme m’ont dit certains.
Vous y avez remarqué quelque chose de bizarre, d’un peu paradoxal… vous savez, le genre de truc qui passe mal quand on veut l’avaler? Ah, oui, vous avez trouvé vous aussi : elle était plutôt absente cette relève…
Samedi, au début, c’était juste bizarre. Samedi, à minuit, ça paraissait moins, car on n’était pas beaucoup, puis on va se le dire franchement : les vieux, ça veillent pas tard. On ne leur reproche pas, évidemment.
Mais dimanche, à la fin, après l’arrivée de la marche pour l’indépendance, alors que la fébrilité était à son paroxysme, cette absence faisait malaise.
Comme l’ont noté certains journalistes, les moins de 30 ans représentaient une faible part du public : 10%, peut-être 20% des gens présents. Cet aspect de l’événement était peu réjouissant, surtout quand on pense que c’était le public cible : c’est à eux qu’on voulait offrir la chance d’apprendre leur histoire dans une atmosphère d’enthousiasme et d’espoir en l’avenir!
Pourquoi ce désintérêt? Pourquoi ont-ils boudé l’événement? Pourquoi n’étaient-ils pas davantage excités face à ces lectures publiques, à cet événement grandiose?
Hypothèses
Serait-ce à cause de la mauvaise pub des libéraux du Québec et du gouvernement fédéral?
Non, sûrement pas, car cette basse propagande a plus faire rire qu’autre chose : l’image de Sam Hamad montant sur ses grands chevaux, craignant la lecture du méchant manifeste et l’arrivée sur scène d’un méchant terroriste était d’avantage caractéristique d’un petit trouble paranoïaque que d’une crainte légitime et rationnelle… S’il avait su qu’on allait y lire une lettre de Norman Bethune, Sam Hamad aurait sans doute dénoncé doublement ce rassemblement de terroristes, comme l’ironisait Simon Tremblay Pepin! Non, franchement, ça ne peut être ça.
Les jeunes sont peut-être simplement stupides?
Pourquoi pas? Après tout, on les plante devant les illusions de la télé dès la naissance... Rendus à l’adolescence, on leur demanderait de s’intéresser à la vraie vie, à notre histoire commune, donc à notre avenir collectif? N’importe quoi! Quelle utopie! Ha! Ha!
Mais non, c’est moi qui ironise cette fois-ci… Même après des années de brainwash télévisuel, les jeunes ne sont pas des êtres ignares, sans intérêts pour rien et incapables de jugement critique : ils jasent entre eux après leurs (rares) cours d’histoire, voyagent et visitent le monde dès qu’ils ont un peu d’argent pour s’échapper, lisent dans leur temps libre (que ce soit des livres, des BD ou des blogues sur le Web), écoutent Loco Locass, Webster et les Cowboys Fringants en revenant de l’école… À la limite, ils se foutaient peut-être de l’événement, mais ils le comprenaient et auraient pu y apprécier la poésie et la grandeur des textes lus. La réponse est ailleurs.
Et si c’était en réaction à une certaine partisanerie politique qui les écœure au plus haut point depuis des années?
Peut-être que les jeunes ne se retrouvent plus dans nos débats politiques… Peut-être que le discours de nos trois « gros vieux partis » ne les touchent pas vraiment… Si tel est le cas, serait-ce déraisonnable de croire qu’il puisse y avoir une rupture, un conflit dans notre société ? En d’autres mots : « hey, si le présent est tant à chier, pourquoi je m’intéresserais à l’histoire de ceux qui l’ont construit? ». Faites autant de liens que vous voulez avec notre haut taux de décrochage et de suicide…
Les jeunes ne sont pas dupes. Ils se doutaient que de nombreux péquistes allaient s’y retrouver, que des textes de péquistes y seraient lus, que des idées de péquistes y seraient fièrement défendues… Loin de moi l’idée de dénigrer les discours et les idées de feu René Lévesque : c’était un grand homme, droit et honnête, qui mérite qu’on se souvienne de lui et de son oeuvre. Loin de moi l’idée de dénigrer le rôle passé du PQ : du temps de ses grands gourous, c’était un parti énergique, stimulant, innovant et presque révolutionnaire à certains aspects.
Mais René Lévesque est mort et le PQ n’est plus ce qu’il était… Oui oui, il est mort, c’est vraiment vrai! Le PQ continue pourtant d’idolâtrer ce personnage des années après sa mort, même si son discours et les grandes valeurs qu’il défendait ont été largement abandonnés et oubliés par l’élite qui dirige ce parti…Et vous pensez que les jeunes ne s’en rendent pas compte? Oui, ils s’en rendent compte. Ils s’en rendent tellement compte que plusieurs ne votent plus. Ils s’en rendent tellement compte que certains vont voter, oui, mais pour l’ADQ (Ouch! Pardonnez moi : l’écrire fut douloureux…). Sûrement un peu par découragement. Sûrement un peu par contestation. Mais par pure conviction? Ah non, quand même, faut pas virer fou…
Un mouvement indépendantiste vraiment indépendant pour le Québec!
Ah! mais trêve de digressions. Revenons aux questions qui comptent vraiment : pourquoi les jeunes ont été si absents lors du Moulin à Paroles? Pourquoi ne s’impliquent-ils plus pour défendre l’indépendance du Québec ou pour bâtir une société plus juste et progressive? Et pourquoi ne vont-ils plus voter, ce devoir minimal de tous citoyens?
Selon moi, pour un jeune moindrement au courant de la basse politique québécoise des 20 dernières années, la réponse est simple : « On a peut-être construit une belle société dans le passé, mais les "trois vieux partis" se liguent maintenant pour l’émietter progressivement, pour l’offrir peu à peu au privé... Alors, à quoi bon aller célébrer les exploits de ceux qui croyaient vraiment, honnêtement, passionnément en notre avenir collectif? À quoi bon s’impliquer pour la collectivité? À quoi bon aller voter? Après tout, tant que ce sera le PQ, le PLQ et l’ADQ, ce sera du pareil au même, non? »
Oui, ce sera du pareil au même. Mais il y a d’autres options sur le bulletin de vote. Il y a encore de nombreuses personnes, honnêtes et motivées, qui militent pour une meilleure société, au sein d’un parti des urnes et de la rue. Ce parti c’est Québec solidaire, un petit parti qui défend un grand projet de société : un projet cohérent, progressiste, égalitaire, démocratique et inspirant. Mais surtout, c’est un parti qui veut être le porte-parole des mouvements sociaux et non pas le dirigeant de ces discours : mieux vaut offrir à ces citoyens un tremplin ou un porte-voix pour s’exprimer que d’essayer d’avoir toutes les réponses et de parler en leur nom comme l’ont fait d’autres partis dans le passé.
Selon moi, le temps est venu pour que le mouvement indépendantiste québécois devienne indépendant, indépendant du vieux parti qui veut le contrôler.
Le temps est venu pour que les militants indépendantistes, ceux qui ont voué une bonne partie de leur vie à ce grand projet, comprennent qu’il n’y a pas qu’une façon de militer pour leurs idées. Présentement, l’approche favorisée par Québec solidaire, qu’on appelle assemblée constituante, est certainement la plus réaliste dans notre contexte contemporain. Le temps serait-il venu de proposer un projet différent, plus réaliste et démocratique, à notre jeunesse québécoise?
Nos conceptions d’un futur Québec libre sont multiples : c’est donc par une multitudes d’approches que nous le bâtirons.
Jean-Nicolas Denis
Étudiant en Philosophie et Science politique

Université Laval

Squared

Jean-Nicolas Denis4 articles

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Porte-parole de Québec solidaire - Chaudière-Appalaches

Bac. en Philosophie et Science politique - Université Laval

Administrateur de la Coopérative Tendre Vert - Lévis

Membre de Québec solidaire - Campus Université Laval





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2009

    Bien le bonjour tout le monde,
    Je tiens à m'excuser pour cette réponse tardive. J'ai été vraiment très occupé dans les 2 dernières semaines, alors voilà... je voulais répondre, mais je ne trouvais le temps pour le faire.
    Je vais répondre à chacun d'entre vous. Je commencerai donc par Julien, pour terminer avec madame Isabelle.
    Julien, je crois que tu as laissé le meilleur commentaire qui pouvait être laissé après mon humble baraguinage. Je suis de ceux qui pensent que les militants indépendantistes doivent trouver un lieu, une organisation, où défendre leurs idées librement, où ils se sentiront confortables. Ce faisant, à mon sens le RRQ est des plus intéressant : vous êtes sûrement le groupe le plus honnête dans son approche face à l'indépendance du Québec. Vous osez critiquer les partis (et autres groupes et individus) qui ont un discours incohérent.
    Évidemment, vous allez sûrement critiquer au passage Québec solidaire, parti pour lequel je milite... néanmoins, je crois que ce sera 1) votre responsabilité de le faire, 2) que vous le ferez d'une façon honnête et raisonnée (ie : favorisant le dialogue et le partage d'idées) et 3) que les militants de QS en bénéficieront eux aussi.
    Alors voilà, à mon sens le RRQ est un exemple/modèle pour bien des gens qui n'osent pas affirmer tout haut ce qu'ils pensent, ou qui préfèrent faire avancer leur cause (grande ou petite, voire d'intérêt personnel) par de la basse politicaillerie, en se cachant, en mettant des poignards dans le dos de leurs anciens alliés, etc... Bref, vous êtes déjà un groupe dont je respecte le travail. Je parle souvent de vous dans mon entourage.
    Patrick, sachez que je comprends très bien ta position. Effectivement, je crois que comprendre l'impact de l'individualisme est un élément clé de notre réflexion. Nous devons critiquer le système économique en place, la conception du sens de la vie que nous projettent les médias, etc.
    Sur ce sujet, je crois qu'une réflexion doit se faire dans l'ensemble des partis politiques. L'ensemble des partis tombent trop facilement dans le désir de créer une société où les besoins individuels seront comblés... de nouveaux besoins individuels apparaissant constamment, on met l'emphase là-dessus, on en oublie les besoins de bases, souvent collectifs, que l'État a pourtant la responsabilité de combler. Aussi, ça devient un peu du "pain et des jeux"... aucun mouvement social (peu importe lequel) ne sera favorisé par ce désir à rester chez soi, etc.
    Je crois que des solutions existent pour changer les choses. Il importe de toujours garder à l'esprit que ces solutions doivent être adaptées au contexte du présent. Néanmoins, ce serait long de s'embarquer là-dedans... je préfère écrire un autre texte sur le sujet un peu plus tard.
    Renaud, merci pour ton commentaire. Je suis d'accord avec toi : les gens comprennent mal, souvent du moins, les concepts marxistes, socialistes, etc., puis décrochent quand on y fait référence.
    C'est très représentatif des carences de notre système d'éducation. Le marxisme est clairement le meilleur exemple : bien qu'il ait grandement influencé l'évolution de la "science" économique (voir "La stratégie d'autruche" d'Omar Aktouf à ce sujet), on parle très peu des concepts de Karl Marx. Pourtant, ils se retrouvent partout... mais on leur a juste donner un autre nom pour pas avoir à faire référence à Marx... héhé... c'est un peu hypocrite. Enfin... ;-)
    Je crois que si on veut parvenir à toucher les jeunes, il faut développer un discours qu'ils vont comprendre. Il serait aussi bien utile de miser dans l'éducation populaire pour qu'ils comprennent d'avantage les grands courants politiques et philosophiques dont on entend peu parler ici. Voilà, à mon sens, le seul moyen de permettre un réel débat d'idées, qui mènera à des solutions concrètes et applicables (auxquelles les moins de 30 ans adhèreront!)...
    Isabelle, je tiens à préciser que oui, mon texte était partiellement partisan. Je ne m'en cache point. Je suis un militant de Québec solidaire, puis je militais avant dans l'UFP. J'ai aussi vu de nombreuses personnes se décourager de la politique à cause du PQ, de sa fermeture d'esprit, de la mégalomanie de certains membres de ce parti... Je ne dirai jamais que l'ensemble, la majorité, des membres actifs du PQ sont malhonnêtes ; néanmoins, ceux que je vois monter dans les échelons le sont souvent et ÇA ça décourage bien des gens (les péquistes indépendantistes en premier!!!).
    Souvent, quand j'en discute ou quand j'écris un texte sur le sujet, j'ai un dilemme qui se pose dans ma tête : dois-je dire ou cacher aux auditeurs/lecteurs pour quel parti je milite, quelles sont les idées que je supporte? Je pourrais exprimer le dilemme ainsi : [honnêteté = nommer parti pour lequel je milite] vs [stratégie = ne pas le nommer et parvenir à mieux convaincre les gens]. Le fait de soutenir un parti, ce qu'on pourrait appeler "être partisan", éloigne souvent plusieurs personnes... c'est dommage, car comment peut-on aller défendre nos idées dans les institutions politiques sans soutenir un parti? Pourtant, il est nécessaire que notre voix se fasse entendre à tous les niveaux, dans toutes les sphères de la société, pour espérer avoir un impact sur son évolution.
    Et oui, comme je disais à Patrick, l'approche individualiste est très nuisible à notre société, car elle en émiette la cohésion, puis endort les idées et les revendications des gens... ce crée alors un malaise inconfortable qu'on peine à expliquer, qui a des conséquences fâcheuses. Cette approche (développement de la société) n'est remise en question par aucun parti, même pas par le PQ, qui est pourtant le premier à en avoir souffert depuis les 20 dernières années : si les gens s'intéressaient et s'impliquaient d'avantage pour de grandes causes, nous aurions peut-être gagné le référendum de 1995... enfin, c'est une opinion bien personnelle. Le fait est quand même que présentement, seul QS et le Parti vert du Québec remettent en question cet individualisme. Non par pour le faire disparaître, mais au moins pour le remettre sur un pieds d'égalité avec l'approche collectiviste...
    Enfin, je m'arrête ici. ;-)
    Merci tout le monde pour vos commentaires forts intéressants!

  • Archives de Vigile Répondre

    28 septembre 2009

    Intéressant comme point de vue,
    mais j'ai tout de même le sentiment que c'est parce que les jeunes ne se sentent pas concernés....parce qu'on ne leur a pas apprit l'importance d'être citoyen. Qu'on ne leur a pas apprit ce qu'est un citoyen. Parce qu'ils ne savent pas d'où vient le terme citoyen et enfin, parce qu'ils ne savent pas que l'être est la raison pour laquelle ils vont à l'école et qu'ils ne sont pas condamnés à rester dans la plus parfaite ignorance creuse.
    Non, ce qui les concernes, ce sont les loisirs et leur vie personnelle. Moi, mon fun, mon argent, mes amis, ma blonde. Et c'est à moitié de leur faute parce que je crois que c'est ce qu'on leur montre. Et....dans «moi, mon fun, mon argent, mes amis et ma blonde» ne figure pas s'intéresser à la communauté et à la politique....qui de toute façon est sujet de chicannes et de chialage stérile puisque de toute façon, personne ne fait rien.
    Culture de soumis.
    Tu comprendras alors pourquoi je trouve ton texte maladroitement partisan, bien que j'encourage et supporte QS.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Salut Jean-Nicolas,
    Bravo
    Très bon texte, de mon point de vue, voici pourquoi.
    1- Il est simple, vulgarisé, donc accessible et SURTOUT
    il n'inclu aucun prosélytisme en "isme" comme dans socialisme et communisme.
    2- Je trouve très rafraichissant de te lire. J'ai beaucoup de difficulté avec certains "vieux" de mon âge, qui ne comprennent pas qu'il faut éviter le vocabulaire du XIXe siècle, cf. KMarx.
    Pour la simple raison que les jeunes ne connaissent pas ces concepts.
    Renaud Blais

  • Archives de Vigile Répondre

    24 septembre 2009

    hmm, intéressant :) pour ma part, je ne saurais trop dire pourquoi je n'étais présent au moulin à parole... Sans doute par manque d'intérêt, de ce que tu pointes justement dans ton texte par "anyway, ce sera du pareil au même"... Peut-être aussi ma tendance de tendre vers l'individualisme, un problème que certains pourraient qualifier de générationnel, mais je croirais plutôt que c'est le système qui nous y pousse...
    Ce genre de sujet me touche beaucoup, mais je me sens impuissant quand à son dénouement, alors je préfère mettre des efforts dans ma propre vie plutôt que dans le système...
    Mais ça fait plaisir de voir que des gens de notre entourage mettent les efforts pour changer les choses, et j'essaierai d'au moins ne pas ramer dans le sens contraire...

  • Archives de Vigile Répondre

    24 septembre 2009

    Je te propose le Réseau de Résistance du Québécois : resistancequebecoise.org
    Des membres du Réseau sont présent sur le campus de l'université si tu souhaites en savoir plus.
    Julien Gaudreau
    Étudiant en Économique et Science-Politique à l'université Laval