Le F-35, un gouffre inutile

Les menaces sont ailleurs

Contrats fédéraux - F-35 - rejet du Québec


Petit, ma mère m'emmenait dans ses manifestations pour la paix, dans ses manifestations féministes et dans ses manifestations syndicales. Je n'ai donc pas besoin que l'on me fasse la démonstration du caractère absolument immoral d'encourager le complexe militaire et industriel américain et canadien par l'achat de 65 avions d'attaque super modernes, mais j'aimerais partager ma compréhension de certaines implications de cette décision. En effet, certain(es) sont tellement outré(es) par cette décision, qu'ils n'osent pas l'examiner. Or, seule une véritable compréhension des périls est susceptible de réveiller une contestation.
Tout d'abord, le simple fait de posséder de tels joujoux encourage les militaires à faire des pressions pour les tester et donc à soumettre des plans d'interventions ou à soumettre des analyses à travers lesquelles les dites interventions sont nécessaires, voire vitales. C'est ainsi qu'un cercle vicieux s'instaure, encourageant les industries de l'armement et les conflits militaires à travers le monde, pour le plus grand bénéfice des firmes et des pays producteurs d'armement.
Cette dépense a aussi un caractère insidieux : en dopant le milieu militaire, on augmente son pouvoir et dès lors sa crédibilité. C'est ainsi qu'à son instigation, on entre en guerre, on devient patriote et pour ce faire, on attaque les libertés civiles, lesquelles sont, on le sait, un espace où pourrait se loger la dissidence, la démoralisation des troupes ou l'aide à l'ennemi.
En ce sens, cette militarisation de la politique, de l'économie et de la société civile diminue considérablement la liberté des citoyens. En effet, les écoutes préventives, le fichage, le manque de transparence, les secrets d'État, l'augmentation des budgets de sécurité sont autant de travers totalitaires même si elles ont pour but, peut-être naïvement, de nous protéger. Le « Patriot Act » est un bon exemple du type de mesures qui que tend à produire un gouvernement militariste.
Sommes-nous réellement menacés par la Corée, l'Iran ou la Russie ? Nous sommes en tout cas menacés par notre propre gouvernement. Ainsi, l'achat de ces 65 avions représente une menace véritable bien supérieure à celle que posent les pays contre lesquels nous nous battrons lorsqu'on nous aura livré nos nouveaux joujoux.
Enfin, même si on joue le jeu et que l'on mette un instant cette analyse pacifiste de côté, une analyse tactique et technique permet de comprendre que cet avion, le F-35, n'est pas ce dont les militaires ont besoin.
Le F-35 est un avion d'attaque, ce n'est pas un chasseur. Il est truffé de technologies pour permettre à son pilote de bombarder sans danger des cibles dans des théâtres d'opérations comme le Kosovo ou l'Irak. Par contre, ces technologies ne lui permettront pas de gagner des engagements contre des chasseurs, surtout s'il s'agit de chasseurs russes de dernière génération. Le F-35, dans un contexte de combat aérien contre une flotte moderne, a besoin du support d'un avion encore plus couteux, le F-22, lequel est trop cher pour nous. Cet achat est donc la preuve que nous abandonnons notre souveraineté aérienne en échange du support américain ou alors, l'admission implicite que nos militaires ne voient pas en la Russie une menace, car si c'était le cas, nous aurions acheté des avions capables de rivaliser avec les siens.
Ces avions ne nous seront efficaces qu'à une seule fin : permettre aux Canadiens de bombarder, dans le cadre de coalitions avec l'apport américain, de pays militairement bien moins forts. Mais dans ce cas, nous n'avons pas besoin d'avions aussi sophistiqués, le support logistique de nos alliés nous permettrait de toute façon d'utiliser des avions moins récents.
Enfin, ces avions moins récents seraient d'autant plus capables de défendre notre souveraineté dans l'arctique qu'ils ont plus d'autonomie et sont plus fiables ; les Américains eux-mêmes ne se fieront sans doute pas au F-35 pour assurer leur part dans le cadre de NORAD. En effet, le F-35 est moins rapide, moins maniable et a moins d'autonomie que les chasseurs russes de dernière génération. Notre souveraineté aérienne étant donc symbolique, pourquoi ne pas la pratiquer à moindre cout ?
Cette analyse rapide permet de comprendre qu'il n'y a pas de véritable avantage tactique à investir dans le F-35, sinon que dans l'affirmation symbolique et dans la prétention de faire du Canada une puissance militaire. Malheureusement, il faudra exercer cette puissance pour qu'elle soit manifeste, car on l'a compris, elle n'est que partielle. Nous serons donc complices d'interventions militaires agressives et ainsi coupables de crimes de guerre et de bavures. Cet achat sert donc renforcer l'assise du complexe militaire et industriel au Canada et à lui donner un plus grand pouvoir.
L'achat de 65 f-35 n'est pas l'aboutissement d'un processus, mais son début. Si vous êtes inquiets, imaginez comment vous le serez lorsque les retombées économiques de cette dépense seront telles, que ledit complexe pourra s'acheter encore plus de voix, de think tanks, de journaux et de politiciens.
Cette décision est beaucoup plus grave pour la démocratie que les décisions récentes sur le recensement. Nos réactions ne sont pas proportionnelles aux menaces que représentent ces 65 engins de mort.
Auteur : Charles Gill


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2 commentaires

  • Serge Gingras Répondre

    7 août 2010

    Tiens! tiens! On nous avait pas dit ça. Comme c'est intéressant, et surtout révélateur, lourd de menaces pour notre démocratie.
    Matière à penser...

  • Andréa Richard Répondre

    7 août 2010

    Monsieur Gilles,
    Merci pour cette information très très importante! Dans tous les domaines politiques et sociaux, nous avons besoin de gens comme vous, qui viennent éclairer nos lanternes.
    Monsieur, il est souhaitable que vous publiez votre texte dans le journal Le Devoir ainsi que dans le plus de journaux et médias possible, ce dont nous vous remercions.
    Andréa Richard