Qu'ont en commun les dossiers de l'assurance-emploi et des F-35? La confusion qui les entoure et qu'entretient soigneusement le gouvernement Harper. Ce ne sont pas les seuls dossiers à en souffrir, mais l'espace étant restreint, je m'en tiendrai à ces deux-là. Plus précisément, à quelques éléments de ces dossiers.
Prenez le coût des F-35. Le ministre de la Défense, Peter MacKay, a affirmé en fin de semaine qu'il savait depuis deux ans que le coût total de ces appareils était évalué à environ 25 milliards quand on prenait en compte les salaires des pilotes et les coûts d'exploitation. Des frais qui seraient assumés avec tout appareil, a-t-il souligné. Publiquement, les conservateurs ont pourtant toujours utilisé le chiffre de 16 milliards, même après que le directeur parlementaire du budget Kevin Page eut publié, en mars 2010, une évaluation supérieure.
Litige comptable, de répondre aujourd'hui le ministre MacKay. M. Page faisait état des coûts d'acquisition et du cycle de vie (ce qui est la norme en matière d'achat d'équipements militaires et une information qu'avait demandée le Comité des finances dès novembre 2010). Le gouvernement, lui, s'en est tenu aux coûts associés à une nouvelle acquisition. Après tout, on ne tient pas compte des dépenses en essence quand on évalue le prix d'une automobile, a renchéri le ministre Peter Van Loan lundi.
Voilà des arguments nouveaux, car le gouvernement n'en a rien dit à l'époque. Il s'est plutôt contenté de mettre en doute la crédibilité de M. Page et d'entretenir l'illusion qu'il n'en coûterait que 16 milliards, évitant ainsi d'avoir à défendre une facture plus salée à la veille des élections.
Aujourd'hui, le ministre MacKay veut simplement sauver la face et sa peau. Il n'aurait pas à démissionner, dit-il, parce que «cet argent n'a pas été dépensé. L'argent ne s'est pas évaporé». C'est vrai, mais c'est oublier que le gouvernement et lui ont manqué à leur devoir en induisant le Parlement et le public en erreur et qu'à la lumière du rapport du vérificateur général, il est permis de douter du choix du F-35.
Michael Ferguson note que le ministère de la Défense avait conclu, en 2008, que trois avions pouvaient répondre à ses besoins opérationnels, mais que le F-35 offrait le meilleur rapport qualité-prix. Or c'était le seul avion encore en développement et le prix par appareil est encore, à ce jour, inconnu. S'il grimpe et si le gouvernement s'en tient, comme il l'affirme, à son budget de 9 milliards pour les seuls appareils, faudra-t-il s'attendre alors à ce qu'il en achète moins de 65, nombre jugé nécessaire pour répondre aux besoins de l'armée de l'air? Ces besoins seraient-ils devenus élastiques?
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L'assurance-emploi maintenant. Dans une chronique récente, je me penchais sur un changement apporté aux règles gouvernant les revenus gagnés par des prestataires. Je montrais comment les plus pauvres seraient les plus pénalisés. Eh bien, c'est pire que ne le laissaient croire les explications, visiblement erronées, fournies lors du huis clos du budget.
Deux lecteurs vigilants m'ont alertée d'une nuance fondamentale qui m'avait échappé. Depuis 2008, un prestataire peut, sans pénalité, gagner le plus haut des deux montants suivants: 75 $ ou l'équivalent de 40 % de ses PRESTATIONS. Le budget modifie cette règle de deux manières. Le montant plancher de 75 $ disparaît et les prestataires qui travailleront quelques heures verront à l'avenir leurs prestations amputées de la moitié du REVENU GAGNÉ, que ce revenu représente l'équivalent de 10, 30 ou 50 % de ses prestations.
Le gouvernement prétend pourtant que «les prestataires d'assurance-emploi auront donc toujours avantage à accepter du travail, car ils pourront garder une plus grande part de leurs gains pendant qu'ils touchent des prestations». C'est faux, surtout pour les plus petits salariés.
Voici comment la nouvelle règle se traduit pour une personne recevant 200 $ de prestations hebdomadaires. Jusqu'à présent, elle pouvait gagner jusqu'à 80$ (l'équivalent de 40 % de ses prestations) sans être pénalisée. Passé ce seuil, ses prestations étaient réduites. À l'avenir, même si elle ne gagne que 80 $, elle perdra au change. Ses prestations seront amputées de 40 $ (50 % du revenu gagné), ce qui veut dire qu'elle n'aura en poche que 240 $ et non plus 280 $.
En fait, à cause de l'absence de ce plancher de 75 $, une personne qui gagne seulement 20 $ perdra automatiquement 10 $ en prestations. Ceux qui gagnent le moins seront ceux qui perdront le plus, mais ça, le budget ne le dit pas. En fait, il tente de faire croire le contraire.
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Le plus désolant est qu'il en est ainsi dans la grande majorité des dossiers. Le gouvernement Harper garde le silence sur ses chiffres (comme le coût de la loi omnibus en matière de justice). Il refuse de partager les analyses en appui de ses décisions (comme dans le cas de la Sécurité de la vieillesse). Il esquive les questions (sur à peu près tout, en particulier l'environnement).
Les conservateurs veulent rarement expliquer ce qu'ils font, ils préfèrent le vendre. À tout prix. Quitte, bien souvent, à mentir, à taire, à déformer ou nier les faits, à discréditer et à museler les critiques, à attaquer ceux qui osent poser des questions. Ce qui aboutit à un climat constant d'affrontement et à de trop rares débats sérieux.
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