Revue de presse

Tirs nourris autour d'un avion de combat

Contrats fédéraux - F-35 - rejet du Québec



Les conservateurs devront se défendre seuls dans le dossier des F-35. Le rapport accablant du vérificateur général, Michael Ferguson, a ligué tout le monde contre eux. Leur réponse a laissé à peu près tous les commentateurs sur leur faim, plusieurs décrétant la fin de la réputation de supposé bon gestionnaire de ce gouvernement. Et deux questions restent sur presque toutes les lèvres. Qu'en est-il de la responsabilité ministérielle? Et de celle des bureaucrates et des militaires qui ont déformé les faits?
Le Globe and Mail rappelle que le vérificateur général a pour mandat de vérifier la qualité de la gestion, donc le travail des bureaucrates. Toutefois, les ministres auxquels ceux-ci se rapportent, et qui sont censés être les gardiens du bien public, restent les ultimes responsables. «Mais où est la reddition de comptes des maîtres politiques?» Selon le Globe, le rapport est un acte d'accusation autant contre le ministre de la Défense, Peter MacKay, que contre ses fonctionnaires. «Les devoirs d'un ministre à l'endroit d'une des plus coûteuses acquisitions militaires de l'histoire canadienne vont au-delà des séances de photo tenues dans un cockpit.» Les conservateurs ont relancé le processus d'achat, «mais on ne peut en tirer aucune certitude», dit le Globe.
Pour Andrew Coyne, de Postmedia News, toute cette affaire «où s'entremêlent les manques à l'éthique professionnelle, à la responsabilité ministérielle et à la reddition de comptes démocratique» est la démonstration que notre système de gouvernement responsable est en lambeaux. Les affirmations des fonctionnaires n'étaient accompagnées d'aucune preuve, mais les ministres ne semblent pas en avoir demandé non plus, tant à la Défense qu'à Travaux publics. La décision d'acheter l'avion a été annoncée avant même de connaître le détail des exigences opérationnelles des militaires. Selon Coyne, ce qui est véritablement en jeu ici est le manque total de transparence qui a permis de tenir le Parlement dans le noir. Il rappelle d'ailleurs que le gouvernement Harper a été défait en mars 2011 à cause de son refus de fournir, entre autres, l'information exacte sur les F-35. «Voilà ce qui est advenu des prérogatives parlementaires, de son pouvoir de tenir les ministres responsables. On les ignore ou on passe outre.» C'est plus qu'une question de procédures, insiste-t-il. «Il s'agit des remparts du gouvernement responsable, les seuls moyens de nous assurer que nos voeux soient respectés et que notre argent ne soit pas gaspillé. Le Parlement ayant perdu depuis longtemps le contrôle des fonds publics, ce n'était qu'une question de temps pour que le gouvernement le perde à son tour.»
Michael Harris, d'iPolitics, va dans le même sens. Il rappelle lui aussi la teneur de la motion de mars 2011 qui a mené à la chute du gouvernement. Harris refuse d'avaler la version du gouvernement qui fait maintenant porter tout le blâme aux fonctionnaires du ministère de la Défense pour justifier de confier le projet à un autre ministère. Comme plusieurs autres, le chroniqueur croit que la seule solution serait de tenir un véritable appel d'offres. Mais pour ce qui est de la responsabilité, elle repose sur les épaules des ministres, Peter MacKay en particulier puisqu'il aurait dû savoir et suivre de près un projet aussi onéreux. Harris rappelle que les ministres Maurice Lamontagne et René Tremblay ont, à une autre époque, démissionné pour beaucoup moins que cela. Au bout du compte, «la dernière victime de cette triste histoire est le Parlement lui-même», où les choses vont de mal en pis.
Démission!
L'agence QMI demande qu'on identifie ceux qui se sont employés à tromper tout le monde. Elle veut la tête des responsables, c'est-à-dire des généraux et des fonctionnaires qui ont caché des faits, et ensuite celles du ministre de la Défense et du chef d'état-major, Walter Natynczyk. Peter MacKay devrait aussi s'excuser pour avoir trompé le Parlement.
L'agence est loin d'être seule à demander que Peter MacKay soit tenu pour responsable. L'Ottawa Citizen et même l'Halifax Chronicle-Herald l'exigent. «C'est le travail du ministre de s'assurer que son ministère fasse le sien, surtout quand des milliards sont en jeu», dit le Citizen, qui déplore que, depuis le début, le gouvernement refuse d'avoir un débat franc sur le choix du remplacement du CF-18. Et le nouveau cadre de gestion annoncé par le gouvernement aurait dû être en place dès le départ. «À ce point-ci, la réponse rapide du gouvernement est insuffisante pour restaurer la confiance et croire que le Canada aura les avions de chasse dont il a besoin, en temps opportun et à un prix qu'il peut se permettre.»
Le Chronicle-Herald trouve que les conservateurs ont l'air d'incompétents pour s'être entêtés à nier ce qui devenait évident au reste du monde à l'égard du prix des appareils. Le premier remède a été de retirer le projet au ministère de la Défense, ce qui est une bonne chose, dit le Herald. Mais qu'en est-il de MacKay? Ce gâchis est survenu sous sa gouverne. Et qu'en est-il des généraux et bureaucrates qui ont délibérément caché l'ampleur des coûts et des risques? Le Herald se désole de ce que personne ne semble être puni pour un des pires scandales de l'histoire canadienne.


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