La ministre de l'Éducation prépare un plan d'action pour améliorer la réussite en français des élèves québécois. Il faut souhaiter aux générations à venir que cette énième politique, déclinée sur le thème des ratés de notre langue, permettra de voir grand et qu'elle sera portée par un courage inédit: celui d'affronter l'échec.
C'est une éternelle rengaine, qui fait mal chaque fois qu'on la reprend. Les résultats insatisfaisants, voire désastreux, des élèves en français écrit heurtent douloureusement la qualité de notre langue, que le Québec, plus qu'ailleurs, porte comme un étendard.
L'école s'acquitte très mal de cette première obligation qu'est l'apprentissage des rudiments du français écrit et oral. Une autre livraison de mauvaises notes a convaincu l'an dernier le ministère de l'Éducation de soumettre cet éternel malaise aux réflexions d'un comité d'experts dirigé par l'actuel président du Conseil supérieur de la langue française, le linguiste Conrad Ouellon. Ses conclusions, déjà présentées à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, doivent inspirer un plan d'action fort attendu.
Le problème a beau être associé à une rengaine, pour le régler, le gouvernement ne peut se permettre de faire dans la redite. D'autres avant lui ont produit plans et politiques dans l'espoir de donner leur envol à des étudiants en leur fournissant l'essentiel: la capacité de lire et d'écrire.
Au début des années 1960 déjà, le célèbre Rapport Parent formulait sa mise en garde: «L'école aura beau faire, le français utilisé au Québec continuera de se détériorer de façon lamentable si on n'adopte pas rapidement des mesures énergiques et dynamiques pour en sauvegarder et en élever la qualité.»
Trente ans plus tard, le ministre de l'Éducation d'alors, Michel Pagé, publiait un court plan intitulé Pour une langue belle, destiné à bonifier l'enseignement du français dans le but d'éradiquer les lacunes. Pour lutter contre les démons de l'époque -- l'audiovisuel et l'informatique --, on préconisa le retour aux grands classiques de la littérature.
Aujourd'hui, au considérable espace occupé par la technologie dans l'apprentissage s'ajoute un nouveau tentateur, celui-là nommé réforme.
La réforme de l'éducation n'a certes pas inventé les faiblesses des élèves québécois en français écrit. Mais, au lieu de corriger ce désolant tableau, comme elle le promettait haut et fort, elle semble avoir laissé les choses se dégrader tristement. Cette déconvenue inacceptable s'est faite malgré les constats des États généraux sur l'éducation, qui ont placé un accent prioritaire sur l'enseignement du français.
Pour remédier aux errements des élèves -- il n'est plus exagéré d'évoquer des étudiants ayant réussi leurs études primaires, secondaires et collégiales, mais peinant à produire ou à comprendre un texte --, il faudra oser frapper fort et partout, et bien plus qu'en rétablissant une dictée ayant prétendument disparu.
Miser sur la lecture chez les plus petits du primaire. Regarnir les bibliothèques, à coups de généreux millions. Espérer le minimum? Un dictionnaire et une grammaire dans chaque classe et, pourquoi pas, dans chaque pupitre? Étendre la maîtrise du français à tout l'apprentissage, plutôt que de la cantonner aux seuls cours de français.
Il faudra oser mesurer l'effet pervers que peut avoir en classe ordinaire une mauvaise intégration des élèves en difficulté, faute de ressources. Oser aussi remettre en question les modes d'évaluation prônés par la réforme, au-delà d'une secousse portée sur le bulletin.
Mais le gouvernement dévoilera son véritable courage lorsqu'il osera, ironiquement et paradoxalement, vivre avec l'échec. Lorsqu'il cessera, en effet, de pratiquer la promotion automatique et la délivrance de diplômes au rabais, quitte à montrer le fiasco dans toute son ampleur. Lorsqu'il retiendra des élèves plutôt que de les laisser se hisser dans la chaîne de l'éducation, pour tomber ensuite de plus haut.
À un autre tournant d'un ennuyeux cercle vicieux (l'élève formé par un enseignant lui-même mal préparé), il devra même se résigner à affronter l'immense problème de la sélection des futurs maîtres, dont on dit que la moitié aurait une connaissance insuffisante du français. Un examen national est attendu en septembre, dont l'objectif est évidemment de rehausser les exigences.
Les conséquences de ce nivellement par le haut sont évidentes: pendant plusieurs années, il y aura un risque de perdre au combat des mots un certain nombre de futurs maîtres au français hasardeux. Subsiste le danger de vivre avec un effondrement des taux de diplômés, car le resserrement des exigences pourrait entraîner, sans qu'on puisse l'empêcher, une franche débâcle. Mais l'échec, s'il sert ensuite à se relever plus grand et plus fort, n'est plus à éviter.
machouinard@ledevoir.com
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