Les états d'âme du Parti québécois remplissent les pages des journaux. Normal : les journalistes adorent couvrir ce parti qui est issu grosso modo du même milieu, celui des communications, de l'enseignement et des métiers de la parole - ce que les Anglais appellent la «chattering class».
Et les péquistes, de leur côté, n'ont jamais vu un micro dans lequel ils n'ont pas eu envie de déverser leurs opinions et leurs angoisses. Bref, ils étalent volontiers leurs querelles en public.
Les libéraux, traditionnellement issus des professions libérales et du secteur privé, sont beaucoup plus discrets. C'est en privé, dans des salons bien étanches, que les langues se délient.
Pourtant, le Parti libéral du Québec a autant de raisons que le PQ de s'inquiéter des résultats des élections du 26 mars. Certes, consolation de taille, il forme encore le gouvernement. Et si Jean Charest joue bien ses cartes, il a une chance de se reprendre et, qui sait, d'être reporté au pouvoir la prochaine fois.
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Pour l'instant, les libéraux font face à une réalité consternante et incontournable. Ils ont été répudiés par trois électeurs francophones sur quatre. Ils auraient perdu le pouvoir sans l'appui indéfectible des circonscriptions où les anglophones et les allophones forment une partie substantielle de l'électorat.
La montée de l'ADQ a privé le PLQ de ses appuis chez les francophones non souverainistes et les «nationalistes mous». Jusqu'à cette année, ces derniers n'avaient pas le choix : s'ils voulaient à tout prix éviter un autre référendum, ils votaient libéral. En présentant un programme nationaliste assorti d'une promesse de ne pas faire de référendum, l'ADQ a siphonné la base francophone du PLQ.
De là à dire que le PLQ est devenu «le parti des Anglais», il n'y a qu'un pas. Or, c'est une étiquette peu payante dans une province où 80 % de la population est francophone. Si cette tendance se poursuit, le PLQ risque la marginalisation.
Est-ce cela qui explique la brutalité (il n'y a pas d'autre mot) avec laquelle M. Charest a expulsé les représentants de la minorité anglophone de son cabinet? Tous ses ministres, à l'exception de Yolande James, sont des francophones. Il a montré la porte à Geoff Kelley et Lawrence Bergman, deux ministres qui avaient bien travaillé. Pour la première fois dans l'histoire du PLQ, le Conseil des ministres ne compte aucun représentant crédible des anglophones, alors qu'il y en avait en général deux ou trois, et qu'un siège était toujours réservé à la communauté juive. Tout cela était du reste parfaitement normal, car l'une des belles caractéristiques du PLQ était justement d'être un parti inclusif capable de faire de la place aux minorités.
La nomination de Mme James n'a rien pour réparer ce que les anglophones ont interprété, avec raison, comme une gifle insultante. Mme James est une parlementaire néophyte de 29 ans, et sa nomination sent le marketing à plein nez.
Dans la foulée, M. Charest a envoyé promener le seul ministre qui connaissait très bien les dossiers autochtones, «dompant» ce dossier dans les bras déjà surchargés de Benoît Pelletier. Il aurait pourtant eu besoin de M. Kelley, alors que s'annoncent d'autres conflits avec les Premières Nations.
M. Charest aurait pu augmenter légèrement la taille de son cabinet. Il aurait pu, s'il tenait à la parité hommes-femmes, choisir une autre femme et garder M. Kelley. Il faut en conclure qu'il a calculé qu'il était dans son intérêt d'exclure les anglophones du cabinet, afin de «franciser» l'étiquette libérale.
Don MacPherson, de la Gazette, ne s'y est pas trompé. «Ce n'est pas que M. Charest ne nous aime pas, écrit-il. M. Charest aime notre argent et nos votes. Il n'a jamais refusé une contribution à la caisse du PLQ parce que le chèque était écrit en anglais. Nos circonscriptions lui permettent de faire élire des candidats-vedettes francophones qui seraient battus dans des circonscriptions francophones. Et la seule raison pour laquelle il a encore une carrière politique, c'est que nous avons voté pour lui le 26 mars. Oui, il nous aime, mais comme on aime une maîtresse. Il ne veut pas être vu en public avec nous.»
MacPherson a raison. Il y a en tout cas quelque chose de profondément cynique dans le message que M. Charest vient d'envoyer. Faut-il vraiment piétiner les autres pour s'affirmer?
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