Le Bloc a-t-il encore une raison d'être?

Le BQ à Ottawa


Bellavance, Joël-Denis - Le Bloc québécois a-t-il encore une raison d'être à Ottawa? Cette formation fondée il y a 17 ans doit-elle revoir sa mission? Les troupes de Gilles Duceppe devraient-elles tout simplement rentrer dans leurs terres?
Les journalistes, surtout les anglophones, ont souvent posé ces questions au fil des ans aux députés du Bloc. Presque après chaque campagne électorale depuis le référendum de 1995, Gilles Duceppe a dû répéter les mêmes réponses: le Bloc est à Ottawa pour défendre les intérêts du Québec et il y demeurera jusqu'à la tenue du prochain référendum, ou tant que les électeurs québécois n'en décideront pas autrement.
Aux élections générales de juin 2004, en pleine tourmente du scandale des commandites, M. Duceppe a clos le bec à ceux qui osaient mettre en doute la pertinence de la présence du Bloc à Ottawa, lorsque son parti a égalé le meilleur score de son histoire en remportant 54 des 75 circonscriptions du Québec, un résultat identique à celui de 1993.
Mais les choses se sont gâtées à nouveau pour le Bloc aux élections de janvier 2006: contre toute attente, le Parti conservateur de Stephen Harper a mis la main sur 10 sièges au Québec, principalement dans la région de Québec et en grande majorité aux dépens des bloquistes. Secoués par ces résultats défavorables, les dirigeants du Bloc se sont longuement penchés sur ce qu'ils ont appelé "le mystère de Québec".
Après 18 mois de régime conservateur, les choses vont de mal en pis pour le Bloc québécois. Et les résultats des élections partielles de lundi dernier démontrent que les journalistes ne sont plus les seuls à s'interroger sur la pertinence de cette formation souverainiste à Ottawa; des électeurs longtemps acquis à l'option souverainiste se posent les mêmes questions.
De toutes les formations politiques, le Bloc québécois a été le principal perdant de cette petite soirée électorale. Dans Roberval-Lac-Saint-Jean, un bastion souverainiste, le candidat conservateur Denis Lebel n'a fait qu'une bouchée de son adversaire du Bloc, Céline Houde. Dans Saint-Hyacinthe-Bagot, il s'en est fallu de peu que le Parti conservateur déloge le Bloc québécois. Enfin, dans Outremont, le Bloc a dû se contenter d'à peine 10% des voix.
À la suite de ces résultats, le Bloc craint plus que jamais pour sa survie politique. Dans les régions du Québec, le Bloc voit ses appuis passer aux conservateurs. Dans Outremont, dans l'île de Montréal, ses appuis ont basculé du côté du NPD.
Résultat: le "mystère de la ville de Québec" risque maintenant de devenir le "mystère de la province de Québec" pour les troupes de Gilles Duceppe.
Depuis qu'il a pris le pouvoir, Stephen Harper a tout fait pour isoler le Bloc sur une foule de sujets qui provoquaient des frictions entre Québec et Ottawa à l'époque où les libéraux de Jean Chrétien ou de Paul Martin étaient au pouvoir. Le Bloc pouvait compter sur ces différends pour se maintenir loin devant tout le monde dans les intentions de vote. Plus maintenant. "Les libéraux et les bloquistes ont besoin l'un de l'autre afin de justifier leur présence à Ottawa", a déjà lancé Stephen Harper lorsqu'il tentait de conquérir le pouvoir, en 2006.
En 18 mois de règne, donc, le gouvernement Harper a constamment cherché à tirer le tapis sous les pieds du Bloc. D'abord, le premier ministre a rapidement signé avec le gouvernement Charest une entente donnant au Québec le droit de parole à l'UNESCO, comme le réclamait le Bloc.
Ensuite, M. Harper a fait adopter à la Chambre des communes une résolution reconnaissant que "les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni", reprenant ainsi à son compte une partie de la résolution du Bloc qui stipulait que "les Québécois forment une nation". Il y a deux semaines, il a même reconnu la nation québécoise à l'étranger, dans un discours devant le Parlement australien.
De plus, le gouvernement Harper a réglé, à la satisfaction du gouvernement du Québec, le dossier du déséquilibre fiscal dans son dernier budget déposé en mars. Le Bloc avait fait de ce dossier son principal cheval de bataille durant les dernières années au pouvoir des libéraux.
Le gouvernement conservateur a même accepté de donner 350 millions à Québec, au printemps, pour financer des mesures de lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement a finalement signé un chèque plus important que les 328 millions que réclamait le Bloc.
Convaincu que sa stratégie rapporte gros sur le plan électoral après sa victoire dans Roberval, Stephen Harper compte bien profiter de la présentation du discours du Trône, le 16 octobre, pour continuer d'isoler le Bloc. Il devrait notamment y réitérer son engagement de limiter le pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence des provinces, un autre cheval de bataille de Gilles Duceppe.
"À un moment donné, la seule chose que le Bloc va pouvoir dire qu'on n'a pas fait, c'est la souveraineté du Québec", a laissé tomber un stratège conservateur cette semaine.
Depuis les résultats décevants des partielles de lundi, les dirigeants bloquistes tentent par tous les moyens de stopper la glissade de leur parti dans la faveur populaire, une glissade qui profite largement aux conservateurs.
Le doyen de la formation souverainiste, le député Louis Plamondon, a laissé entendre que l'un des principaux problèmes du Bloc est qu'il ne peut plus prétendre être l'unique défenseur des intérêts du Québec depuis l'arrivée des conservateurs au pouvoir. "Le gouvernement et les autres partis ont été habiles de reprendre notre discours sur le déséquilibre fiscal, sur la nation... Le discours de défenseur des intérêts du Québec. Ça, c'était exclusif à nous", a dit M. Plamondon dans une entrevue à La Presse.
Après avoir tenu ces propos, M. Plamondon a été rabroué par le directeur des communications de Gilles Duceppe, Philippe Gagnon. Mais le vétéran député semble avoir dit tout haut ce que de nombreux électeurs ont pensé une fois dans l'isoloir, lundi, dans Roberval-Lac-Saint-Jean et dans Saint-Hyacinthe-Bagot. De toute évidence, les députés bloquistes craignent que cela ne soit que le début d'une tendance lourde.


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