Le ballon bleu

PCC - "ouvrir la constitution", vraiment?

On peut comprendre la circonspection du gouvernement Charest à la perspective d'une réouverture du dossier constitutionnel.
M. Charest, qui a participé aux psychodrames de Meech et de Charlottetown, est particulièrement bien placé pour mesurer les conséquences possibles d'un nouvel échec, non seulement pour son propre gouvernement mais aussi pour la cause du fédéralisme.
Le Québec allait rentrer dans le giron constitutionnel «dans l'honneur et l'enthousiasme», avait dit Brian Mulroney en septembre 1984 dans son célèbre discours de Sept-Îles, écrit par Lucien Bouchard. Le résultat? Le Canada est passé à un cheveu de se disloquer.
Certes, on est encore loin d'une reprise des négociations, mais les propos que le ministre fédéral du Travail, Jean-Pierre Blackburn, a tenus au Globe and Mail rappellent beaucoup ceux que le premier ministre Stephen Harper avait lui-même tenus dans une entrevue de fin d'année accordée à La Presse en décembre dernier.
M. Harper avait clairement laissé entendre qu'il pourrait rouvrir la Constitution «quand le terrain sera fertile», ce qui supposait implicitement l'élection d'un gouvernement majoritaire à Ottawa et celle d'un gouvernement majoritaire résolument fédéraliste à Québec.
Remarquez, les promesses électorales ne sont pas nécessairement faites pour être tenues. Là encore,
M. Charest pourrait en témoigner. Il arrive aussi qu'au lendemain des élections, on doive constater que les «conditions gagnantes» ne sont pas réunies.
La sortie de M. Blackburn était sans doute un ballon d'essai, mais M. Harper devrait y penser à deux fois avant de promettre des choses qu'on n'entend personne réclamer, tout simplement parce que tout le monde sait qu'il n'y a aucun consensus possible, pas plus au Québec que dans le reste du pays.
Robert Bourassa s'était mis en tête de réparer le gâchis causé par le rapatriement unilatéral de 1982 et il s'y est cassé les dents. Hier à l'Assemblée nationale, M. Charest a reconnu que «c'est une question qui devra un jour être réglée», mais il semblait tout disposé à en laisser le soin à d'autres.
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Au-delà du symbole, il s'agit évidemment de savoir quelles seraient les conséquences concrètes d'une éventuelle reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise.
Au dernier congrès du PLQ, les délégués n'ont pas davantage eu le temps d'adopter les propositions à caractère constitutionnel que celles qui touchaient la question linguistique, mais ils étaient clairement invités à réitérer les demandes déjà formulées dans le rapport du comité Pelletier, daté de 2001, qui constituait lui-même une version actualisée de l'accord du Lac-Meech.
Outre la reconnaissance de la spécificité québécoise, le PLQ réclamerait donc l'octroi d'un droit de veto, l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser, la garantie de la présence de trois juges du Québec à la Cour suprême, l'enchâssement de l'entente Gagnon-Tremblay-MacDougall sur l'immigration, une réforme du Sénat ainsi que l'ajout d'un mécanisme permettant de constitutionnaliser au besoin des ententes de nature administrative.
Comme chacun sait, le diable se cache dans les détails. Il faudrait s'entendre sur chaque mot à inscrire dans la Constitution. Au départ, il est clair que le libellé de la motion par la Chambre des communes, qui ne semblait inclure dans la nation québécoise que les seuls francophones, serait jugé trop restrictif à Québec.
De la même façon, le gouvernement Charest a déjà jugé insatisfaisante la proposition de M. Harper à propos de l'encadrement du pouvoir de dépenser dans la mesure où elle ne touchait que les programmes conjoints, tombés en désuétude depuis des années. Sur la réforme du Sénat, Ottawa et Québec ne s'entendent pas davantage.
La nature du Canada étant ce qu'elle est, il serait maintenant impensable de s'en tenir dans un premier temps à une «ronde Québec», comme il avait été résolu dans la déclaration d'Edmonton (1986), ce qui avait permis d'entreprendre les négociations qui devaient conduire à l'accord du Lac-Meech.
Par la suite, la nécessité de satisfaire toutes les provinces, sans oublier les nations autochtones, a plutôt abouti, après deux ans de loufoquerie, au fouillis de l'entente de Charlottetown, rejetée aussi bien au Québec qu'au Canada anglais.
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Depuis deux ans, on commence à avoir l'habitude de voir le premier ministre du Québec en demander moins que ce que daigne lui accorder son homologue canadien. Même s'il retrouvait une majorité à l'Assemblée nationale, le gouvernement Charest ne pourrait toutefois pas être le seul juge des conditions auxquelles le Québec accepterait d'adhérer à la Constitution.
En Colombie-Britannique et en Alberta, une loi stipule que toute modification à la Constitution soit approuvée par référendum. Il serait inacceptable que le Québec, concerné au premier chef, n'ait pas la même exigence démocratique.
Mario Dumont salivait déjà hier quand il a demandé à M. Charest quels nouveaux pouvoirs il entendait exiger. De toute évidence, la barre ne sera jamais assez haute pour l'ADQ, dont le programme demeure pourtant très vague quand il s'agit de définir ce que signifierait concrètement le statut d'autonomie qu'elle réclame.
Du discours de Toronto (septembre 2002) au conseil général de Drummondville (septembre 2004), l'ADQ est passée de l'évacuation complète de la question constitutionnelle à la réclamation des 22 pouvoirs du rapport Allaire. Depuis ce temps, on ne sait plus trop ce qu'il en est.
Dans l'hypothèse où les projets constitutionnels de M. Harper dépasseraient le stade du simple ballon d'essai, la partie serait plus délicate pour Pauline Marois. Quand elle a voulu s'enquérir des exigences de M. Charest, il a eu beau jeu de railler sa conversion au fédéralisme.
Remarquez, la «gouvernance nationale» promise par le PQ promet bien le rapatriement de pouvoirs directement liés à l'identité québécoise (culture, langue, communications, immigration). Bien entendu, c'est simplement en attendant.
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mdavid@ledevoir.com


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