La vérité sur Jésus lapin

Noël peut être spirituel sans être religieux, festif sans être insignifiant.

Noël et Jour de l'An - 2010- 2011


«Maman, Jésus, c'est un lapin, m'a dit avec une conviction déconcertante mon fils de 5 ans.
- Un lapin? De quoi tu parles?»
Nous étions plongés dans un cahier à colorier de Noël où il y avait des images de crèche et de bergers. Et il avait commencé à me poser des questions sur les liens peu évidents entre la crèche et le père Noël, sa figure divine préférée.
«À la garderie, je me rappelle, on nous a lu une histoire et le lapin s'appelait Jésus.

- Il y a peut-être un lapin qui s'appelle Jésus, mais le Jésus dont on célèbre la fête à Noël n'est pas un lapin...
- C'est qui, ce Jésus, alors?»
Je me suis entendue raconter un peu machinalement ce que mes livres de catéchèse et ma Bible en papier m'ont toujours raconté. Jésus est ce personnage de la Bible né dans une étable il y a très, très longtemps, un 25 décembre. Pour les croyants, c'est un genre de superhéros qui a fait de très belles choses. Sa maman s'appelait Marie, femme au foyer. Son papa, Joseph, charpentier. J'essayais de me rappeler quels animaux étaient dans l'étable au moment de la naissance. Était-ce un veau? Et puis, en m'écoutant parler du boeuf et de l'âne qui réchauffaient le petit Jésus de leur haleine, je me suis trouvée quelque peu ridicule. Qu'étais-je en train de raconter au juste?
«Est-ce que ce que tu me dis, c'est pour de vrai? Dis-moi la vraie vérité», a dit fiston, sceptique. Pour de vrai? Comment dire... C'est pour de vrai pour ceux qui y croient. Et même si c'est faux, dans l'imaginaire, c'est vrai.
J'ai senti que je le perdais un peu avec mes explications confuses. Un peu plus et je lui parlais de Claude Lévi-Strauss et de l'importance du symbolique et de l'irrationnel dans l'expérience humaine. On est plutôt retournés à notre cahier à colorier du père Noël.
Bien malin celui qui pourrait nous livrer la «vraie vérité». Mais pour ce qui est des faits historiques, on sait désormais que tout ne s'est pas passé exactement comme dans le livre de catéchèse. Même si Jésus est un personnage historique bien réel, on sait que le récit de sa naissance est avant tout une fable fabriquée pour les croyants (voir l'article de ma collègue Judith Lachapelle). Non, Jésus n'est pas né un 25 décembre. Il n'est sans doute pas né dans une étable de Bethléem. Il est peu probable que Marie, à la veille d'accoucher, ait fait 150 kilomètres à dos d'âne pour s'inscrire à un recensement dans la ville d'origine de son mari...
Bref, l'histoire christianisée de Noël et du petit Jésus, telle qu'elle est généralement racontée, ne résiste pas à l'examen des faits. Ça reste une légende. Une belle histoire à raconter. Une histoire qui fait partie du patrimoine de notre société.
Est-ce à dire que, dénuée de réels fondements historiques et vampirisée par la surconsommation, la fête de la Nativité est vide de sens? Pas nécessairement. Au-delà de la religion, Noël, ancienne fête païenne qui marquait le solstice d'hiver, fait partie des traditions, des rituels. Elle a la signification qu'on veut bien lui donner. C'est, à l'évidence, une indécente orgie commerciale si on cède à la pression de la surconsommation. Mais c'est aussi, pour ceux qui le veulent, croyants ou pas, tout le contraire d'un festival commercial. Noël peut être spirituel sans être religieux, festif sans être insignifiant. C'est l'occasion d'appuyer sur «pause», de ralentir et de regarder autour de soi. Se réunir avec ceux que l'on aime, faire le bilan. Passer du temps avec les enfants en pyjama. Regarder leurs yeux qui brillent. Faire un bonhomme de neige. Boire un verre. Refaire le monde. Manger trop de dessert. Appeler une personne seule. Lui rappeler qu'elle n'est pas seule. Réfléchir à la fragilité de la vie. Fraterniser. Aimer.
Sur ce, joyeux Noël à tous.


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