Qui donc s'offusque de la célébration de Noël?

Noël et Jour de l'An - 2010- 2011

Tous les commentaires que j'ai lus ces derniers jours, tous ceux que j'ai entendus sont unanimes. Tout le monde voudrait des sapins de Noël et même des crèches. Tout le monde s'offusque de ce qu'il y ait des grincheux que cela pourrait offusquer.
Mais en même temps, tout le monde prend les devant. J'entends partout souhaiter de «joyeuses fêtes», mais lesquelles? Je lis aussi parfois des «souhaits de la saison». Pour moi, les seuls souhaits de cette saison concernent le froid, ou la neige, soit qu'on en veut moins, ou au contraire que l'on en désire davantage.
Or, j'en suis à me demander QUI, mais QUI pourrait s'offusquer des célébrations de Noël? Qu'on veuille célébrer la naissance du Messie, du Sauveur, de Jésus sans autre qualificatif, ou même tout simplement la fête de l'Enfance et de l'Innocence. Qui pourrait donc s'en offusquer?
Procédons par élimination. Les juifs? Il y a quelques siècles qu'ils sont présents et au Canada et au Québec. S'ils devaient s'offusquer aujourd'hui, ça serait du nouveau. Et on serait en droit de se demander pourquoi maintenant, et pas auparavant. Personnellement, je n'en ai pas entendu, pas lu un seul qui ait manifesté quelque désagrément à ce sujet.
Les bouddhistes? Les hindouistes? Je serais très étonné que la vue d'un enfant dans les langes, même s'il est en compagnie d'un âne et d'un boeuf les scandalise.
Reste les musulmans.
Voilà le hic. Si je n'ai pas entendu un commentaire à la TV, ni lu un texte qui les pointent directement, par contre des commentaires privés échappés ici ou là ne laissent pas de doute. C'est bien d'eux qu'il s'agit quand on se sent, ou plutôt que l'on se croit obligé de faire des accommodements sur les sapins ou les crèches.
Je voudrais ici apaiser la conscience de tous ceux qui craignent d'offusquer un musulman en célébrant Noël. Je me permettrais, en introduction, d'évoquer un souvenir personnel de mon enfance à Beyrouth. La rue la plus commerçante de Beyrouth -la Sainte-Catherine, si vous voulez- s'appelle la rue Hamra. Elle est située dans la partie la plus mixte de la capitale, là où musulmans et chrétiens vivent côte à côte depuis des siècles. La majorité des commerçants y sont musulmans. Sur cette rue se dresse un conifère très vieux et très grand, majestueux.
Dès la première quinzaine de décembre, les commerçants de la place prennent sur eux de décorer et d'éclairer somptueusement l'arbre, Le but est clair : créer autour de cet arbre une ambiance festive et joyeuse. Les commerçants musulmans sont les premiers à participer à cette opération.
Le Liban est une société relativement traditionnelle où le sens des affaires n'a pas encore tué celui de la fête. On sait d'instinct que la fête est d'autant plus joyeuse qu'on l'a attendue. On ne fête pas l'Aïd el Kabir sans l'avoir attendu dans le jeûne tout le long du mois de Ramadan. De même, on ne célèbre pas Noël avant que s'écoule le temps de l'Avent, ni Pâques avant que ne se termine le temps du carême. Si bien qu'il faut attendre le 25 décembre pour souhaiter non pas de pâles et honteuses «joyeuses fêtes», mais un retentissant «Milad Magid» c'est-à-dire «naissance glorieuse». Et l'on ne demande pas sa religion ni à celui qui exprime ce souhait, ni à celui qui le reçoit. Tous ensemble -chrétiens et musulmans- célèbrent Noël.
La raison en est simple. Si, pour les musulmans, Jésus n'est pas le Fils de Dieu, Il est tout de même le Messie, l'Oint, Al Massih qui est célébré dans le Saint Coran. Il est l'un des plus grands prophètes de l'Islam puisqu'il est né de la Vierge Maryam (Marie) et du Souffle de Dieu. Il a été annoncé à Maryam par l'archange Gibraïl. Les musulmans célèbrent donc aussi l'Annonciation. Pas si étranges, ni si étrangers, ces frères lointains!
Alors, compatriotes québécois, ne craignez rien. Invitez vos compatriotes musulmans à célébrer la naissance de Jésus. Ils ne s'en offusqueront pas. Bien au contraire. Ils auront le sentiment d'être enfin admis au sein de la Québécité à laquelle ils ne demandent qu'à s'identifier. Si on leur fait une petite place où ils seraient acceptés pour ce qu'ils sont : nos compatriotes et nos frères.
MILAD MAGID à nous tous.
P.S. Pour éviter tout malentendu, précisons que l'auteur est catholique, apostolique et romain. Il est Québécois autant que quiconque, ayant vécu au Québec et opté pour le Québec depuis plus de quarante ans, soit plus de la moitié de sa vie.


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