La Terre est-elle plate?

De Kyoto à Bali

C'est aujourd'hui la journée de la Terre, une célébration environnementale lancée il y a bientôt quarante ans, qui sera certainement plus populaire maintenant que ces idées, marginales il n'y a pas si longtemps, ont trouvé une plus large audience.
Voilà un excellent moment pour se poser une question sur cette planète que l'on célèbre: la Terre est-elle plate? Cela a fait l'objet de débats brûlants au Moyen-Âge, dans le sens littéral du terme, quand la mauvaise réponse pouvait mener au bûcher. Cette question symbolisait alors le combat entre le refus du savoir et le progrès de la connaissance.
Ce débat existe encore de nos jours, sous d'autres formes. Notamment avec le courant négationniste qui croit encore que la terre est plate en refusant d'admettre qu'il a une telle chose que le réchauffement climatique. Devant l'inexorabilité des faits, ce courant a trouvé des positions de repli, en affirmant que ce réchauffement n'est pas lié aux émissions de gaz à effet de serre, qu'il n'est pas attribuable à l'activité humaine, et qu'il n'y a pas de consensus scientifique sur la question.
Ce négationnisme, encore présent à la Maison Blanche ou chez certains conservateurs à Ottawa est un cheval de bataille de la droite idéologique. On en a eu, au Québec, une belle manifestation plus tôt ce mois-ci avec une [chronique signée dans le Journal de Montréal par une économiste de l'Institut économique de Montréal, Mme Nathalie Elgrably->6163].
Sans nier le réchauffement, elle estime que la responsabilité humaine n'est pas démontrée et surtout, dénonce avec vigueur l'idée qu'il puisse y avoir consensus sur la question. Elle parle carrément de «mensonge» «que tentent de nous faire avaler les gourous en la matière.»
L'intervention est malheureuse. L'IEDM, un think-tank néolibéral dans le sens littéral du terne, joue un rôle utile, que l'on soit d'accord ou non avec ses idées, parce qu'il déboulonne les mythes, et force la réflexion. Mais il y a des cas où, en voulant attaquer les dogmes des autres, on devient prisonnier de ses propres dogmes.
Depuis dix ans, trop de choses ont changé. D'abord les changements de l'environnement physique interdisent de nier la réalité du réchauffement. Et ensuite il y a convergence des connaissances scientifiques sur l'ampleur du problème, ses conséquences et ses causes, notamment les conclusions du Groupe d'experts international sur l'évolution du climat, que Mme Elgrably dénonce avec tant de vigueur.
On peut certainement, comme elle le fait, se méfier des consensus. La science aussi subit des effets de mode, et la connaissance est une chose mouvante. Mais même si le consensus scientifique était plus fragile qu'on le droit, même si le réchauffement était moins grave, cela ne changerait pas grand chose aux choix qui s'imposent. Même dans une logique économique.

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D'abord, au nom du gros bon sens: il y a trop de signes convergents pour ne pas en tenir compte. Ensuite parce qu'une pensée économique éclairée doit intégrer la gestion du risque: la prise de décision ne se fait pas sur des certitudes, mais sur des probabilités, et celles-ci sont assez fortes pour justifier une action énergique. Il faut aussi intégrer les coûts futurs, qui justifient d'agir maintenant, avant que ceux-ci n'explosent. Enfin, il n'y a pas de logique économique à long terme à favoriser l'épuisement des ressources non renouvelables, la détérioration du milieu de vie ou l'utilisation inefficace de l'énergie.
D'ailleurs, sur le plancher des vaches, on voit bien que l'entreprise privée, même dans une logique de marché, commence à se soucier de ces questions et presse les États d'agir, par exemple, Alcan, Alcoa ou Cascades. Il y a un début de convergence entre l'environnement et l'économie.
Voilà pourquoi la sortie de l'IEDM semble plus relever de l'idéologie que de l'économie. Mais pourquoi? Sans doute par allergie envers ceux qui ont lancé tout ce débat, les écolos. Ou par peur que la lutte aux GES mène à un engrenage de réglementation et d'intervention de l'État.
De l'idéologie, il y en a partout, notamment à Ottawa avec cette chicane autour du projet de loi C-238, qui forcerait le gouvernement à respecter Kyoto, voté par les trois partis d'opposition pour embêter les conservateurs, auquel ceux-ci ont répondu avec une étude économique mécanique sur les coûts énormes d'un respect immédiat et intégral de ce protocole. C'est de la partisanerie inutile.
Il y a un consensus sur le pourquoi. Les gens sont enfin prêts à un débat sérieux sur le comment, le quand, et le combien. On y arrivera plus vite avec un peu moins d'idéologie et beaucoup plus de pragmatisme.


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