La soupe de Mme Marois

Plan Marois


On y revient donc encore une fois : la chef du PQ, Pauline Marois, doit, comme ses prédécesseurs, trouver une stratégie pour garder le feu sous la soupe en attendant que les Québécois retrouvent, éventuellement, l'appétit pour la souveraineté.
Au PQ, on reconnaît d'emblée que les Québécois n'ont pas d'appétit pour un troisième référendum. Ce n'est pas une raison, toutefois, pour garder indéfiniment la soupe au congélateur.
«On ne peut plus continuer d'attendre le Grand Soir, comme on le fait depuis 1995, il faut faire des gestes», résume un proche de Pauline Marois.
Le recours à la stratégie de la souveraineté en pièces détachées, avec référendum ou non, n'est pas nouveau pour le Parti québécois. Jacques Parizeau l'avait déployée en 1989 et Jean-François Lisée l'avait reprise dans son livre Sortie de secours.
Il s'agit néanmoins d'un passage délicat pour Pauline Marois. On sentait d'ailleurs, au cours des derniers jours, par les téléphones et les courriels, une certaine nervosité dans l'entourage de Mme Marois.
La chef du PQ a préparé minutieusement le terrain en communiquant avec ses prédécesseurs André Boisclair, Bernard Landry, Lucien Bouchard et Jacques Parizeau. (Il semble que MM. Boisclair et Bouchard se soient montrés plutôt favorables à la stratégie ; Jacques Parizeau comprend la nécessité, même s'il souhaiterait une voie plus rapide vers la souveraineté, et Bernard Landry aurait manifesté des réserves avant de se rallier).
Pauline Marois a aussi consulté les éminences grises du PQ, dont Jean-François Lisée et Éric Bédard, et elle a joint samedi tous les présidents d'association de comté par téléconférence pour les mettre au parfum.
La stratégie sera débattue dès la fin de semaine prochaine à Rivière-du-Loup à l'occasion d'une rencontre de la Conférence des présidents de circonscription, un premier test de cohésion pour la chef du PQ au sein même de son parti.
Avant de demander aux Québécois d'épouser son plan, Mme Marois doit d'abord s'assurer qu'il tient la route dans son propre parti, d'où les précautions des dernières semaines. Il reste plus de trois ans avant les prochaines élections québécoises et trois ans, c'est long dans un parti peuplé d'impatients.
La manoeuvre est manifestement destinée à la consommation interne, mais, au sein de la population, le PQ court le risque de paraître complètement déconnecté en revenant avec les vieux débats constitutionnels en pleine période de crise économique.
La référence de Pauline Marois à «l'esprit des années 70» ne fait qu'accentuer cette impression de retour en arrière. La chef du PQ réalise-t-elle que les jeunes qui voteront pour la première fois aux prochaines élections, et dont elle a besoin pour soutenir son option, sont nés dans les années... 90 ? Pour eux, les années 70, c'est la préhistoire.
Le plus grand défi de Pauline Marois sera de convaincre les Québécois qu'elle n'essaye pas de les entraîner dans une nouvelle ronde de chicanes avec Ottawa. Ou, pire encore, qu'elle ne réclame pas tous ces pouvoirs dans le seul but de se faire dire non, question de démontrer, une fois de plus, les limites du fédéralisme. Or, on sait que plusieurs de ses demandes sont inacceptables pour Ottawa.
Les conservateurs de Stephen Harper veulent bien reconnaître la nation québécoise, mais ne leur demandez pas d'émasculer le gouvernement fédéral en transférant ses pouvoirs aux provinces.
Quant aux libéraux, leur chef Michael Ignatieff a dit clairement la semaine dernière que le Québec, selon lui, a bien suffisamment de pouvoirs.
En fait, le plan Marois peut se diviser en trois sections : le faisable, le souhaitable et l'impensable.
Le faisable : rien n'empêche Québec d'adopter sa Constitution, de renforcer la loi 101, d'imposer des cours d'histoire.
Le souhaitable : les relations fédérales provinciales se porteraient beaucoup mieux, en effet, si Ottawa respectait les champs de compétences provinciales et cessait de s'immiscer en santé et en éducation (quoique cela ferait davantage avancer le fédéralisme que la souveraineté du Québec, n'en déplaise aux péquistes). Le droit de retrait avec compensation peut très bien se pratiquer sans mettre l'unité du Canada en jeu. Idem pour les pourparlers sur le transfert de la compétence et des budgets en culture. Ce n'est pas inconcevable.
L'impensable : un gouvernement péquiste expulserait Ottawa des champs de compétence partagés comme l'environnement, l'agriculture et l'intégration des immigrants. Un coup parti, on pourrait aussi demander au gouvernement fédéral de décréter l'indépendance du Québec...
Il y a quelque chose de malhonnête dans cette approche. Le Parti québécois demande au fédéral de respecter la Constitution pour les champs de compétence exclusive -»Si le gouvernement canadien n'est pas capable de respecter sa Constitution, on a un problème», disait Mme Marois dimanche -, mais il refuse d'accepter la réciproque pour les compétences partagées.
Autrement dit, Ottawa doit respecter la Constitution, mais le Québec peut la contourner à volonté. Ce n'est pas de la négociation que propose Mme Marois, c'est un hold-up. Aucun parti fédéraliste n'acceptera de jouer à ce jeu. Les péquistes le savent fort bien, ce qui rend leur démarche parfaitement transparente.


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